Mahabalipuram, chefs-d’oeuvre des rois Pallavas

A 60 km au sud de Chennai, fouetté par les embruns, le petit village de pêcheur de Mahabalipuram (Mamallapuram), bien que très touristique, est un enchantement. Les rois Pallavas ont laissé derrière eux des chefs-d’oeuvre architecturaux, classés au patrimoine mondial de l’humanité, dont l’influence a rayonné jusqu’en Extrême-Orient.

Mahabalipuram
Bateaux de pêcheurs sur la plage de Mahabalipuram au lever du soleil

Les rois Pallavas ont régné sur le Tamil Nadu pendant 400 ans, à partir du 6e siècle. Leur capitale était Kanchipuram, la cité aux mille temples, et Mamallapuram leur port. Bien avant cette dynastie royale, ce village était réputé pour son port florissant où les Grecs, entre autres, venaient y faire commerce.

Les monuments de Mamallapuram ont été conçus pendant les 7e et 8e siècle et sont attribués à quatre rois Pallavas : Mahendravarman I (600–630), son fils Narasimhavarman I (630–668), Mahendravarman II (668–672), Paramesvaravarman I (670–695), Narasimhavarman II (695–722).

Mahabalipuram
La ville est réputée pour ses ateliers de sculptures

Cependant, la plupart de ces chef-d’oeuvre ont été créés pendant le règne de Narasimhavarman I, dit « le grand guerrier » ou « Mamallan », dont le village tire son nom. La cité aurait été conçue en quelque sorte comme un mémorial de la victoire suite à la défaite du roi Chalukya Pulakesin II contre Mamallan. La fortune amassée par ce dernier grâce à ses conquêtes territoriales aurait été investie pour embellir la ville de splendides édifices.

Mahabalipuram renferme quatre types de monuments différents : des rathas (temples en forme de chars) taillés dans des monolithiques, des mandapas (temples taillés dans la roche), des temples bâtis en blocs de pierre et des fresques en bas-reliefs.


Festival de danse de Mamallapuram


Danseuse de Bharata Natyam lors du festival de Mahabalipuram | Photo: tourdefarm.in

Le festival de Mahabalipuram a lieu chaque année à cheval sur décembre-janvier. Il est organisé par l’office du tourisme du Tamil Nadu. Des artistes de toutes formes de danses classiques de l’Inde (Bharatanatyam, Kuchipudi, Kathak, Odissi, Mohini Attam et Kathakali) s’y produisent, avec pour magnifique toile de fond les sculptures rupestres de « la descente du Gange » (voir ci-dessous).


Et maintenant, visitons Mahabalipuram !


La pénitence d’Arjuna ou la descente du Gange


Mahabalipuram
Le long bas-relief de la pénitence d’Arjuna sculpté dans deux blocs de pierre


La visite des monuments de Mahabalipuram commence souvent par la « pénitence d’Arjuna », une fresque de toute beauté connue aussi comme « la descente du Gange ».

C’est un bas-relief grandiose, un des plus grands au monde (25 m de long × 12 m de hauteur), véritable œuvre d’art sculptée dans deux monolithiques.

Vue de la fresque gauche

Cette fresque fait l’objet de deux interprétations différentes :

La première thèse avancée est qu’un des personnages du bas-relief, qui se tient debout sur une jambe les mains levées au ciel, est Arjuna, le héros de l’épopée du Mahabaratha. Il est en train d’effectuer une pénitence afin d’obtenir l’arme la plus puissante du dieu Shiva, la Pasupata Astra* censée vaincre les Kauravas, ses cousins ennemis. *La Pasupata Astra, est une arme lançant des flèches à répétition.

Mahabalipuram
À droite un personnage se tenant sur une jambe est associé à Arjuna ou au sage Bhagiratha selon les thèses

Selon la deuxième interprétation, le personnage se tenant sur une jambe n’est pas Arjuna, mais le sage Bhagiratha effectuant des ascèses afin d’apporter le Gange sur terre pour laver les cendres de ses proches et les libérer de leurs péchés.

Certains théoriciens pensent aussi que cette fresque a une double narration en simultanée décrivant à la fois l’histoire d’Arjuna et de Bhagiratha.

La descente du Gange au milieu du bas-relief

Govardhana Dhari | Krishna Mandapa


Mahabalipuram
Krishna soulevant le mont Govardhan

Sur la gauche de la fresque d’Arjuna se trouve le Mandapa de Govardhana.

Ce temple rupestre est flanqué d’un long bas-relief, merveilleusement sculpté, qui raconte, entre autres, l’histoire de Krishna soulevant le mont Govardhan.

Mahabalipuram
Scènes de vie

Ganesha Ratha


Mahabalipuram
Le temple-chariot de Ganesha

Situé à quelques mètres à droite du bas-relief d’Arjuna, ce temple en forme de ratha (char) était initialement dédié à Shiva.

Le lingam a été remplacé par une statue du dieu hindou à tête d’éléphant, Ganesha, paré de bijoux et recouvert de pâte de santal. C’est le seul temple actif sur l’ensemble des monuments de la colline.

Mahabalipuram
La déité du temple, Ganesha, recouverte de pâte de santal

Krishna’s Butterball


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La boule de beurre de Krishna semblant défier les lois de la pesanteur

« La boule de beurre de Krishna » est une roche sphérique irrégulière de 5 m de diamètre posée en équilibre à 45 degrés sur un long rocher, semblant défier les lois de la physique.

D’après la légende, le Seigneur Krishna, quand il était enfant, avait un appétit insatiable et se servait inlassablement dans le pot de beurre de sa mère. Il aurait laissé tomber là une boule de beurre…


Temple rupestre de la Trimurti


Mahabalipuram
Le temple de la trimurti gardé par des dvarapalas

Au nord de la « boule de beurre de Krishna » se découvre le temple rupestre de la trimurti.

Comme son nom l’indique, ce temple composé de trois chambres séparées, est dédié à la trimurti ou trinité hindoue : Brahma (le dieu créateur), Vishnou (le préservateur) et Shiva (le destructeur).

L’entrée de chaque chambre est flanquée de dvarapalas (gardiens du temple) en panneaux étroits. A l’extrémité droite du temple, se tient la parèdre de Shiva sous la forme de la déesse Durga à huit bras terrassant le démon-buffle Manisha.

A noter qu’il est rare en Inde de trouver des temples dédiés au dieu Brahma, le plus connu étant celui de Pushkar au Rajasthan.

Mahabalipuram
Deux des panneaux du temple de la Trimurti , Shiva et Vishnou

Le groupe d’animaux


Mahabalipuram
La fresque des contes de Jataka

Juste derrière le temple de la Trimurti, on aperçoit, en passant, un petit panneau avec différentes sculptures d’animaux : des éléphants, une perdrix et un singe.

Certains guides vous diront que ce mur servait d’entraînement pour les sculpteurs apprentis, cependant la thèse la plus probable est que ces sculptures décrivent un des contes bouddhistes, connus sous le nom de « Jataka », qui racontent les précédentes incarnations du Bouddha.


Varaha Mandapa


Mahabalipuram
Le temple-grotte de Varaha dédié au dieu Vishnou


En revenant sur nos pas, derrière le bas-relief d’Arjuna, nous trouvons le temple-grotte de Varaha dédié au dieu hindou Vishnou.

Il est soutenu par quatre piliers ornés de lions gracieux, emblèmes des rois Pallavas. Le sanctuaire ne contient aucune idole, mais le mandapa est flanqué de quatre bas-reliefs saisissants :

Le panneau Nord représente le sanglier Varaha, la troisième incarnation du dieu Vishnou. Il a un pied sur Naga, le roi-serpent et soutient sur sa cuisse droite Bhudevi, la déesse de la terre, la sauvant de l’océan primordial. Symboliquement, ceci signifie l’élimination de l’ignorance des êtres humains.

Le panneau Nord représente le sanglier Varaha, la troisième incarnation du dieu Vishnou.

Le panneau Sud représente Vishnou sous la forme du géant Trivikrama doté de huit bras armés. Cette fresque raconte la légende du roi Mahabali, célébré au Kerala lors du festival d’Onam

Le panneau Est représente Gajalakshmi, la déesse de la prospérité, prenant son bain, assise sur un lotus, arrosée par deux éléphants et deux servantes.

Mahabalipuram
Gajalakshmi, la déesse de la prospérité sur le panneau Est du temple

Le dernier panneau en face à droite de l’entrée se compose de la déesse Durga debout sur un lotus sous un parasol royal.


Raya Gopuram


Mahabalipuram
Le Rayar Gopuram est un temple inachevé

En continuant tout droit après le Varaha Mandapa, on tombe sur un temple d’un tout autre genre avec quatre piliers qui semblent soutenir un gopuram (une tour) invisible.

Le Rayar Gopuram est en fait une structure inachevée, laissée incomplète par les Pallavas. On pense que les travaux ont été arrêtés brusquement en raison de guerres entre différentes dynasties. Les piliers restant sont cela dit finement sculptés des dix incarnations du dieu Vishnou.


Le trône au lion


Le trône au lion à l’Ouest, au sommet de la colline, est une plate-forme surélevée ornée d’un lion assis à son extrémité.

Mahabalipuram
Le trône du lieu, peut-être celui des Pallavas

Mahabalipuram était le port des rois Pallavas et les archéologues pensent qu’ils y avaient bâti un palais. Cet endroit était peut-être le trône des Pallavas.


Ramanuja Mandapam


Sur le chemin du phare de la ville, en contrebas, on découvre le Mandapa de Ramanujan.

Ramanuja Mandapam avec, à son sommet, un temple en ruine

Il est pourvu de six colonnes à l’avant et quatre autres à l’arrière ornées de lions avec des défenses, typiques des mandapas de Mahabalipuram.
Une des caractéristiques intéressantes du temple est les marches taillées dans la pierre menant au sommet du rocher où les ruines d’un temple se trouvent.

L’entrée du temple

Temples de Mahishasuramardini, Olakkannesvara et le nouveau phare


Le temple rupestre de Mahishasuramardini est situé près du nouveau phare de Mamalipuram et date de la fin du 7e siècle.

Le temple rupestre de Mahishasuramardini (en bas) et le temple Olakkannesvara (au-dessus)

Il est dédié à la déesse hindoue Mahishasuramardini, une forme de Durga, et renferme de magnifiques bas-reliefs. L’une des fresques représente le dieu Vishnou allongé sur le serpent Adisesha. Une autre représente Durga terrassant le démon Mahishasura à tête de buffle. Le sanctuaire au centre contient une représentation de Somaskanda (une des forme du seigneur Skanda) assis entre ses parents Shiva et Parvati.

Le temple rupestre de Mahishasuramardini avec, au fond, le dieu Vishnou allongé sur le serpent Adisesha

Perché juste au-dessus du mandapa de Mahishasuramardini, se tient le temple Olakkannesvara ou ancien phare traduit par : « le temple de Shiva dont le front contient l’œil de la sagesse ».

Le temple Olakkannesvara a été construit sous le règne du roi Rajasimha. L’Archéologue A.H. Longhurst a observé que bien avant la construction du phare actuel sur ce site en 1900, le toit du temple Olakkannesvara a servi de phare avec peut-être une structure en bois sur le toit. Le culte a été offert dans ce temple jusqu’au 19e siècle.

Le temple Olakkannesvara

On pense que la shikara ou tour du temple, aujourd’hui inexistante, était construite à l’origine dans le même style dravidien que la tour du temple du rivage.

Détail du temple Olakkannesvara

Le nouveau phare, en face du temple rupestre de Mahishasuramardini, peut se visiter moyennant 50 roupies. Il offre une vue intéressante sur la ville et sur le site archéologique.

Le phare offrant une vue imprenable sur tout le site

Pancha Pandava Rathas


Un des cinq rathas

Les « Pancha Ratha », littéralement les « cinq chars », sont de petites merveilles datant du 7e siècle et attribuées au règne du roi Mahendravarman I et de son fils Narasimhavarman.

Ils sont les parfaits exemples de l’évolution de l’architecture de style dravidien.

Le site des cinq chars

Chaque structure représente un char, sans roues, taillée en forme de pagode dans le même rocher et dédiées à différentes divinités hindoues. Sans relation quelconque, les cinq rathas tirent leur nom des cinq frères Pandavas de l’épopée du Mahabharata (Arjuna, Nakul-Sahdev, Bhima et Dharamraja-Yudhistra) et de leur épouse commune Draupadi.


Shore Temple (le temple du rivage)


Plage de Mahabalipuram et le temple du rivage en arrière-plan

Comme son nom l’indique, ce temple hindou est situé en bordure de mer, faisant face à la baie du Bengale et entouré d’un chapelet de sculptures de Nandi, le taureau divin.

Bien qu’il soit érodé par le temps et les vents marins, ce monument garde toute sa magnificence. C’est l’un des premiers temples édifiés sur le site de Mahabalipuram, précurseur de l’architecture dravidienne ultérieure.

Le temple du rivage entouré par des taureaux Nandi

Le temple est construit avec des blocs de granit de provenance locale et non pas taillé dans un monolithique comme c’est le cas pour les autres temples de Mahabalipuram. Il est composé de trois sanctuaires : le principal est dédié à Shiva, il abrite un lingam ; le deuxième est aussi dédié à Shiva sous sa forme de Ksatriyasimnesvara ; le troisième est consacré à Vishnou en position allongée sur le serpent divin Sesha.

Ecolières visitant le sanctuaire de Ksatriyasimnesvara

Temple Thirukadalmallai


Juste en face de la « Pénitence d’Arjuna » se tient le temple Thirukadalmallai dédié au dieu hindou Vishnou. Il a également été construit par les rois Pallavas.

Ce temple est aussi appelé « Sthalasayana Perumal » et est considéré comme l’une des 108 demeures saintes de Vishnou (Divya Desam).


Grottes du Tigre et d’Athiranachanda (5 kms)


Les grottes du tigre et d’Athiranachanda font partie d’un complexe de temples hindous du 8e siècle situé dans le hameau de Saluvankuppam.

La grotte du tigre qui aurait peut-être servi de décor pour les festivités de la cour royale

La première grotte-temple, celle du tigre, tire son nom des dizaines de sculptures de têtes de tigre dont elle est ornée. C’est un temple dédié à la déesse Durga datant de l’époque du roi Pallava Rajasimla. Cette structure fait penser à un décor de théâtre et pour cause, certains historiens pensent qu’elle servait de lieu de festivités pour la cour royale.

La grotte d’Athiranachanda


A quelques mètres de la grotte du tigre, cachée par des rochers, se trouve la grotte d’Athiranachanda.

Elle est d’apparence sobre, tranchant nettement avec sa voisine, et dédiée au dieu Shiva sous la forme d’Athiranachandeshwara qui était aussi un des surnoms du roi Rajasimla.

Le Shiva-lingam de la grotte-temple

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