Le Kinnaur est un trésor bien gardé de l’Himachal Pradesh et mon coup de coeur absolu dans l’Himalaya ! Cette vallée, située au nord-est de Shimla et bordée à l’Est par le Tibet, est constituée de majestueuses chaînes de montagnes, de vergers, de prairies ondoyantes, de temples-tours et de hameaux hors du temps. Ses habitants discrets les « kinners », dont la culture est restée intacte, sont un des peuples autochtones de l’Inde. Un paradis vert à visiter sans faute, loin des stations touristiques de l’Himalaya.
En l’absence d’écrits, les historiens pensent que le Kinnaur et certaines régions alentours faisaient partie du royaume de Magadha au 6e siècle puis des Mauryas. Après l’effondrement de l’empire Maurya, les Kushanas et les Guptas prirent le relai.
Au début du 14e siècle, la région du Kinnaur était divisée en sept parties, appelées localement « sat khund » constamment en conflit. Les forts de Labrang, Morang et Kamru (voir plus bas) nous en disent long sur cette époque houleuse.
Dans l’histoire récente, le Kinnaur faisait partie de l’état princier du Bushahr. On pense que cette principauté a été fondée au début du 15e siècle par Danbar Singh, un rajpoute venant du Deccan.
En 1850, les Britanniques initient l’ambitieuse route commerciale indo-tibétaine qui coupe définitivement le Kinnaur de son isolement. La création de l’état de l’Himachal Pradesh en 1972 et les « inner-line permits » pour les zones frontalières au Tibet ont permis peu à peu l’ouverture du Kinnaur pour le plus grand plaisir des premiers aventuriers.
La présence tout proche du Tibet a favorisé les échanges et le mélange des cultures. L’influence du bouddhisme est ressentie un peu partout dans le Kinnaur, notamment dans l’architecture, les habitudes alimentaires, les costumes traditionnels et les pratiques religieuses ; certains villages et temples du Kinnaur marient en effet sans complexe hindouisme et bouddhisme.
Le tissage de la laine fait partie des artisanats les plus réputés du Kinnaur ; les meilleurs exemples sont les châles colorés traditionnels aux motifs géométriques, mais également les fameuses toques (thepank) au bord en velours vert que portent les hommes tout autant que les femmes. Cette région est aussi connue pour ses vergers (pommes, abricots) et fruits secs ainsi que pour ses « chilgozas » (pignes de pin).
Les étrangers souhaitant se rendre vers les zones frontalières du Tibet, autrement dit la Chine (zone après Kalpa), doivent obtenir un « Inner Line permit” disponible auprès des bureaux de Shimla, Manali, Kullu, Rampur, Kaza et Reckong Peo.
Avant d’entrer dans la région du Kinnaur, les voyageurs font habituellement une pause à Rampur, située à 140 km de Shimla et posée sur les rives de la rivière Satluj. Ce fut une étape importante sur l’ancienne route commerciale indo-tibétaine. La ville présente peu d’intérêt en elle-même, mais son palais vaut vraiment le détour.
Rampur était autrefois le siège de l’état princier du Bushahr, qui nous a laissé l’élégant palais de Padma. Construit en 1917, durant le règne du roi Padam Dev Singh, il exhibe une harmonieuse architecture indo-européenne, boiseries du Kinnaur et vitraux belges.
Le palais sert encore de résidence principale à l’un des héritiers de la famille royale du Bushahr, M. Virbhadra Singh, qui fut le ministre en chef de l’Himachal Pradesh de 2012 à 2017. Comme il s’agit d’une propriété privée, il n’est pas possible de visiter les intérieurs, vous pouvez cependant vous promener dans les jardins tout autour du palais et admirer l’édifice.
La deuxième semaine de novembre de chaque année, se tient la foire de Lavi, qui est très populaire dans tout l’Himachal. Elle dure quatre jours et propose de l’artisanat local ainsi que des programmes regroupant des artistes du Kinnaur.
En continuant notre route vers l’est, à 35 km de Rampur, nous entrons dans le Kinnaur et nous tombons sur le charmant petit village de Sarahan qui fut l’une des capitales du royaume de Bushahr.
Sarahan abrite un édifice de toute beauté, à l’architecture inégalée dans tout le Kinnaur : le temple de Bhimakali, dédié à la déesse hindoue du même nom, patronne de la famille royale du Bushahr.
Le sanctuaire est non seulement époustouflant, mais c’est aussi l’une des très sacrées Shakti Peeth ; on dit qu’une des oreilles de Sati, la parèdre du dieu Shiva, est tombée ici. Lire l’histoire complète.
Le temple comporte deux tours, une datant de 1927 et l’autre reconstruite récemment sur les ruines de l’ancienne qui datait du 12e siècle. Cette dernière renferme, au tout dernier étage, la statue en argent de Bhimakali.
Les tours arborent une architecture typique du Kinnaur avec un toit en pagode de style bouddhique et des motifs ornementaux finement ciselés dans le bois. Elles sont bâties avec une alternance de pierre et de bois qui est censée la rendre antisismique.
Par tradition, les rois du Bushahr étaient aussi les prêtres du temple et, par conséquent, ils résidaient dans le sanctuaire lui-même. En 1917, Raja Padam Singh fit construire un palais situé à quelques centaines de mètres du temple où il s’y installa. La famille royale actuelle ne s’y rend qu’à l’occasion des principaux festivals hindous comme celui de Durga Puja en sept-oct. Le palais n’est pas ouvert au public.
Pour apprécier pleinement la beauté et l’atmosphère du lieu, je conseille aux voyageurs d’y passer une nuit et de se loger dans les chambres d’hôtes du temple. Pour 550 roupies la nuit, on dispose de chambres modestes cependant spacieuses avec une vue imprenable sur la cour extérieure du temple en bois sculptée. On est aussi aux premières loges pour assister aux aratis (cérémonies) à la divinité, le matin à 6 h et le soir à 7 h 30. La cantine du temple offre des repas simples mais très savoureux.
A 500 m en haut du temple, on peut visiter une faisanderie qui accueille l’oiseau roi de l’Himachal, le Jujurana, ou tragopan de Hastings (un petit faisan à gorge bleue), une des espèces protégées de la région. La faisanderie est fermée pendant l’été (avril-juin) qui correspond à la période de reproduction.
A 100 km de Sarahan, toujours en direction de l’Est, nous entrons dans la vallée de Sangla réputée pour ses paysages scéniques. Le hameau de Kamru, A 2 km de la bourgade de Sangla, fait partie de ces villages authentiques que les voyageurs apprécient tout particulièrement.
Kamru fut la capitale du royaume de Bushahr avant qu’elle ne soit déplacée à Sarahan. Le village est bâti sur une colline à 2 600 m d’altitude. A son sommet trône un fort, un des plus anciens de l’Himachal Pradesh.
On atteint le fort par une série de portes en bois délicatement sculptées. La montée d’environ 20 minutes se fait à pied, à travers le paisible hameau essaimé de jolies maisons traditionnelles en bois.
Juste avant d’arriver au fort, on croise un ensemble de temples bouddhistes ainsi qu’un temple hindou dans la même cour, encore un bel exemple de cohabitation des deux religions dans le Kinnaur.
On entre dans le complexe du temple-fort par une grande porte en bois massif ; nous sommes accueillis par deux dames du village qui nous serviront de guides. Il nous faut tout d’abord enlever tout élément en cuir, se couvrir la fête (hommes et femmes) et s’attacher un foulard autour de la taille.
Une porte en laiton sculptée de déités s’ouvre alors sur une grande cour avec une tour en bois (le fort) à trois étages couronnée par un toit en forme de pagode. L’idole de Kamakhya Devi, un avatar de la déesse Kali, est installée dans cette tour. On dit qu’elle a été rapportée de Guwahati (Assam), là où se trouve le célèbre temple Shakti Peetha dédiée à cette même déesse.
Au pied du fort, un autre temple du 15e siècle consacré à Badrinath est érigé ; des festivités y ont lieu tous les trois ans en l’honneur de la divinité. Lors de cette fête, l’idole du sanctuaire est amenée en procession jusqu’à Gangotri, où le Gange prend sa source.
A 25 km de Sangla, on atteint, via des routes tortueuses, le pittoresque hameau de Chitkul ; une des étapes du pèlerinage du mont Kinner Kailash. C’est le dernier village avant la frontière indo-tibétaine. La route s’arrête là.
Chitkul est paré de ces maisons en bois si typiques du Kinnaur et entouré de magnifiques pics enneigés où la rivière Baspa qui coule dans le village prend sa source.
Au milieu du village, se tient fièrement un temple en pierre et en bois qu’on dit être vieux de plus de 500 ans. Il est dédié à la déité locale, la déesse Mathi.
Les citadins de Delhi et du Penjab apprécient tout particulièrement ce lieu dépaysant et les hôtels poussent maintenant comme des champignons, défigurant malheureusement ce lieu authentique…
Les vallées du Kinnaur, Spiti et lahaul sont réputées pour leurs treks aux paysages inégalés. L’un deux est relié au mont Kinner Kailash, l’une des résidences mythiques du dieu hindou Shiva. Ce trek a donc une signification spirituelle bien particulière ; le trek est une « Parikrama (circumambulation) autour du mont Kinner Kailash qui commence au village de Thangi puis passe par les hameaux de Charang, Chitkul, Tabo, Losar et se termine à Manali. Le trek demande une très bonne condition physique. Pour les étrangers, un “inner line permit” est requis.
+ D'INFOS SUR LE TREK KINNAUR PARIKRAMAReckong Peo est une ville affairée et commerçante, centre administratif du Kinnaur. Les visiteurs étrangers ne s’y rendent en général que pour y faire quelques emplettes et obtenir leur “inner-line permit”.
Pour retrouver la sérénité des montagnes, on doit poursuivre notre route jusqu’à Kalpa, à 7 km de Reckong Peo.
Le charmant hameau de Kalpa offre un panorama à couper le souffle sur les massifs montagneux dominés par le fameux mont Kinner Kailash, culminant à 6 050 m. Parce qu’il a une forme de lingam, la légende veut que ce soit l’une des résidences du dieu hindou Shiva.
C’est mon coup de coeur absolu dans l’Himachal Pradesh !
Le village est entouré de champs de pommiers, l’une des cultures majeures de la région, ainsi que de cèdres et de pins qui donnent les fameux « chilghozas » (pignes de pins).
Hormis la beauté saisissante des chaînes montagneuses environnantes, Kalpa comprend un magnifique ensemble de temples en bois sculptés (Narayan Nagini) ainsi qu’une tour-fort au sommet de la ville reconstruite en 1959 après un incendie.
Preuve encore de l’influence du Tibet, Kalpa abrite aussi un monastère bouddhiste (Hu-Bu-Lan-Kar gompa) attribué à l’érudit Rinchen Zangpo (10e -11e siècle ap. J.-C.) qui traduisit les textes sanscrits dans la langue tibétaine.
Plusieurs villages aux alentours valent le coup d’œil, toujours pour leur côté très « kinnauri » ; Roghi est un de ceux-là, à 8 km de Kalpa. Des routes vertigineuses nous y mènent avec les massifs himalayens en toile de fond.
Le petit hameau de Roghi de quelques âmes seulement offre à la vue du visiteur de jolies maisons en bois et un beau temple sculpté dédié à Narayana.
La visite du Kinnaur ne s’arrête pas à Rogui, loin de là. En continuant vers le nord-est, il reste encore quelques petits villages typiques à découvrir, encore bien moins connus que ceux que nous venons de visiter.
Parce que cette zone est frontalière du Tibet (Chine), elle requiert une autorisation spéciale (inner permit) que l’on obtient à Reckong Peo (voir plus haut).
Le premier village d’intérêt que l’on croise est celui de Kanam à 50 km de Kalpa. Ce petit hameau, qui ne paie pas de mine, abrite pourtant sept monastères bouddhistes qui remonteraient à l’époque de Lotsawa Rinchen Sang-po. A ce titre Kanam est aussi connue comme « la Terre de Dieu ».
Parmi les gompas les plus remarquables de Kanam, on retiendra celui de Kha Che Lagang niché dans le village lui-même, où vous pourrez assister aux prières des moines, celui de Lavbrang aux magnifiques statues et celui de Surpu surplombant le village que l’on atteint par un trek d’une trentaine de minutes.
En continuant notre randonnée quelques kilomètres après le monastère de Surpu, en admirant au passage la vue inoubliable sur les monts enneigés de l’Himalaya, on arrive dans le village de Labrang, fameux pour son fort comprenant une tour qui est l’une des plus hautes du Kinnaur.
Après cet arrêt enrichissant, nous continuons vers Nako, le dernier village du Kinnaur, connu pour son monastère du 11e siècle et son lac émeraude s’épanouissant au pied du mont Reo Purgyal.
Sur les rives du lac, entourées de saules et de peupliers, se trouve un petit sanctuaire construit autour d’un rocher où seraient gravées les empreintes de pas de Padmasambhava (Guru Rinpoché), un maître bouddhiste du 8e siècle du nord de l’Inde.
Fin du voyage… Vous l’aurez compris, le Kinnaur n’est à manquer pour rien au monde lors de votre voyage dans l’Himachal Pradesh ! Au plaisir de vous y rencontrer !
J'ORGANISE VOTRE VOYAGE AU KINNAUR !
Bonjour Mathini
J’envisage de visiter la Spiti valley et le Kinnaur en aout ou septembre. Y a t il des fêtes pendant cette période? Merci
Bonjour Eva, oui en septembre ou parfois octobre, selon les années, il y a le « fulaich », le festival des fleurs
Mathini
Bonjour depuis près de 37 ans, j’ai exploré L’inde et si je ne connaissais pas cette partie de l’himachal pradesh. Je
suis au ladakh et Zanskar en septembre, j’ai d’autres rendez-vous pour octobre toujours en Inde c’est en novembre que je pourrais aller visiter ce petit trésor. J’ai regardé les températures, elles me semblent bien basses. Pensez-vous qu’à cette époque il y ait de la neige? Que l’on puisse encore pénétrer dans les vallées?
Merci pour votre reportage. Superbe
Bonjour Yolande, merci de votre message. Pour le Kinnaur, novembre c’est trop tard, il y a effectivement des risques de chutes de neige et les températures sont basses. Maximum mi-octobre.
Bien cordialement, mathini
Bonjour. Intéressant reportage. Hélas je ne suis pas sûr que vous rendiez service à ces gens en faisant une telle publicité au vu des ravages du tourisme. Cordialement.
Namaskaram Ann. Merci de votre message. Oui, c’est tout le dilemme du tourisme. Cela dit cette région vit aussi du tourisme et de l’artisanat. Donc c’est leur rendre service que de faire connaitre les arts traditionnels du Kinnaur et la richesse de cette culture. Je suis toujours en faveur des échanges inter-culturels qui permettent, entre autres, une plus grande ouverture d’esprit. Bien cordialement. Mathini
bonjour, quelle période recommandez-vous pour la visite de cette partie de l’Inde et par ailleurs quelle altitude ces villages ? Merci pour vos réponses.
Bonjour Maryse, Merci de votre message,
La meilleure période pour visiter le Kinnaur est de juin à septembre. La mousson ne touchant pas ou très cette région de l’Himalaya contrairement à la plupart des régions de l’Inde pendant cette même période.
On passe de 2200 m (à Shimla, première étape) jusqu’à 3660 m (à Nako, le dernier village du Kinnaur).
N’hésitez pas à me demander plus amples informations,
Bien cordialement,
Mathini
Merci pour ce merveilleux blog. Il va m’aider dans le choix et la manière d’envisager un voyage en Inde que je désire .
Merci beaucoup Freddy 🙂 Quelle destination avez-vous choisi finalement ? Le Kinnaur est une valeur sûre ! 🙂