Agra, jadis splendide capitale de l‘Empire Moghol, est universellement reconnue pour abriter le Taj Mahal, un monument si emblématique qu’il est devenu le symbole de l’Inde malgré lui. Attirant quotidiennement des dizaines de milliers de visiteurs, sa renommée inégalée est en partie tissée par le mythe romantique qui l’enveloppe. Mais au-delà du Taj, les empereurs moghols ont parsemé la ville de chefs-d’œuvre comme le tombeau d’Akbar ou l’élégant mausolée de Mariam. L’art persan s’étend aussi à des formes d’artisanat exquises, telles que la broderie Zardozi ou la marqueterie de marbre qui ont fait la réputation de la ville.
Fondée entre 1501 et 1504 par Sikandar Lodi, sultan de Delhi qui en fit sa capitale, Agra est passée sous le contrôle de Babur, le premier empereur moghol, après la destitution du sultan en 1526. C’est son petit-fils, Akbar, qui lui a rendu son statut de capitale impériale en 1556, marquant le début de son âge d’or. Du milieu du 16e au milieu du 28e siècle, sous les règnes successifs d’Akbar, de Jahangir et de Shah Jahan, la ville a connu une période de prospérité et de splendeur inégalée. C’est durant cette période que Shah Jahan a commandité la construction du Taj Mahal en 1631, avant de transférer la capitale de l’empire à Delhi en 1658.
Erigé sur les rives paisibles de la rivière Yamuna, le Taj Mahal, dont le nom signifie « le palais de la couronne » en persan, est un mausolée de marbre blanc immaculé. Il fut commandité par l’empereur moghol Shah Jahan en mémoire de son épouse bien-aimée, Arjumand Banu Begum, plus connue sous le nom de Mumtaz Mahal.
Le destin tragique de Mumtaz Mahal, décédée en 1631, marqua le début de cette œuvre colossale. La construction du mausolée débuta la même année et fut majoritairement achevée en 1643. À sa propre mort en 1666, Shah Jahan fut inhumé aux côtés de son épouse, scellant leur union éternelle au sein de ce monument.
Aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, le Taj Mahal est universellement reconnu comme un joyau de l’architecture moghole. Son style unique est une fusion harmonieuse d’éléments architecturaux persans, ottomans et indiens, témoignant de la richesse culturelle de cette période.
Flanqué de part et d’autre du mausolée, deux édifices identiques en grès rouge, couronnés chacun de trois coupoles de marbre blanc, encadrent symétriquement le Taj Mahal. À l’ouest, une mosquée fut érigée pour sanctifier le lieu et accueillir les fidèles. À l’est se trouve une réplique exacte, appelée le Jawab (la « réponse »), dont la fonction principale est de préserver la parfaite symétrie architecturale de l’ensemble. Contrairement à la mosquée, le Jawab n’est pas utilisé pour la prière, car son orientation ne fait pas face à La Mecque.
Outre la prouesse architecturale du Taj Mahal, sa renommée viendrait aussi du fait de son mythe romantique.
Cependant, certains historiens proposent une interprétation différente, suggérant que le Taj Mahal serait moins un monument dédié à l’amour qu’une affirmation de pouvoir impérial. Cette perspective s’appuie sur la personnalité de l’empereur Shah Jahan, que l’on décrit comme loin d’être un sentimental. Avec un harem de pas moins de 2 000 femmes et la mort de Mumtaz Mahal potentiellement due à des grossesses successives, cette vision met à mal le mythe romantique entourant le Taj Mahal.
Une autre théorie, notamment celle avancée par Purushottam Nagesh Oak, soutient que le Taj Mahal ne fut pas toujours le mausolée que nous connaissons. Selon cette hypothèse, il aurait été, avant sa transformation par l’empereur, un palais et un temple védique dédié à Shiva, nommé le Tejomahalay. Il est important de noter que cette thèse n’a pas été validée par la communauté scientifique.
Le Mehtab Bagh, ou « jardin au clair de lune », est le dernier des onze jardins moghols historiques qui bordent la rivière Yamuna, faisant face au majestueux Taj Mahal. Autrefois, la cour impériale s’y retirait pour profiter de la fraîcheur nocturne et admirer le Taj Mahal se reflétant magnifiquement dans les eaux de la Yamuna et dans un bassin octogonal spécialement conçu à cet effet.
Après avoir été enseveli sous la boue des crues successives de la rivière, le Mehtab Bagh a été méticuleusement restauré dans les années 1990. Aujourd’hui, il est un lieu très prisé, offrant un point de vue idéal pour contempler la beauté intemporelle du Taj Mahal, particulièrement au coucher du soleil
À l’ombre du Taj Mahal, le Fort d’Agra, un monument majeur du 17e siècle, se dresse comme une formidable citadelle de grès rouge. Ses remparts de 2,5 kilomètres abritent une véritable ville impériale. Contrairement à son homologue de Delhi, souvent jugé décevant, le Fort d’Agra est un véritable délice architectural. Il regorge de palais majestueux, tels que le Jahangir Mahal et le Khas Mahal, tous deux construits par Shah Jahan. On y trouve également de vastes salles d’audience, comme le Diwan-i-Khas, et deux superbes mosquées.
Mentionné dès 1080, l’édifice originel n’était alors qu’une simple forteresse de briques, propriété des Sikarwar, un clan Rajput du Rajasthan. Le fort servit d’abord de place militaire avant d’être transformé en résidence impériale sous le règne d’Akbar, qui lui ajouta de nombreux palais, définissant ainsi son architecture moghole emblématique.
Faisant face à l’imposant Fort d’Agra, la Mosquée du Vendredi (Jama Masjid) est un bijou architectural édifié en 1648 par l’empereur Shah Jahan en l’honneur de sa fille aînée, la princesse Jahanara Begum Sahiba. Cette mosquée se distingue par ses dômes élégants en forme de lotus, ornés de motifs en zigzag qui alternent harmonieusement le marbre blanc et le grès rouge.
Autour de la mosquée, se trouvent les bazars frétillants de la vieille ville qui offrent un aperçu authentique de la vie locale.
Souvent surnommé la « boîte à bijoux » ou le « petit Taj », le tombeau d’Itimad-ud-Daulah est perçu par beaucoup comme un véritable prélude architectural au grandiose Taj Mahal. On dit que ses décorations intérieures ont servi d’inspiration directe pour l’ornementation du célèbre mausolée.
Cette structure raffinée, entourée de nombreuses dépendances et de jardins paisibles, fut commanditée entre 1622 et 1628 par Nur Jahan, l’épouse de l’empereur Jahangir. Elle souhaitait ainsi honorer la mémoire de son père, Mirza Ghiyas Beg, à qui l’on avait décerné le titre prestigieux « d’ Itimad-ud-Daula », signifiant « pilier de l’État ».
À seulement un kilomètre au nord du tombeau d’Itimad-ud-Daulah, et niché sur la rive orientale de la rivière Yamuna, se dresse Chini-Ka-Rauza. Ce mausolée abrite la sépulture d’Allama Afzal Khan Mullah, éminent savant-poète et, surtout, le premier ministre de l’empereur moghol Shah Jahan.
Érigé en 1635, Chini-Ka-Rauza, bien que moins bien préservé que d’autres monuments moghols, conserve des trésors architecturaux uniques. On peut notamment y admirer un magnifique plafond orné d’incrustations de carreaux de porcelaine colorés, connus sous le nom de Kashi ou Chini en afghan, d’où le mausolée tire son nom. Ce détail témoigne de l’influence artistique et des techniques innovantes de l’époque.
Situé à Sikandra, à seulement 8 km d’Agra, le mausolée d’Akbar est un monument à ne manquer sous aucun prétexte, c’est un pur enchantement. Ce site abrite la dernière demeure d’Akbar le Grand (1555-1605 ap. J.-C.), troisième empereur moghol et l’un des plus illustres souverains de l’histoire de l’Inde.
Akbar lui-même initia la construction de son mausolée vers 1600. Après sa mort, c’est son fils, Jahangir, qui en acheva l’édification en 1613, donnant naissance à un chef-d’œuvre architectural qui témoigne de la grandeur et de la vision de l’empire moghol.
Le mausolée est une œuvre architecturale d’une grande beauté, érigée principalement en grès rouge. Il est enrichi par de très beaux panneaux marquetés, créant des motifs complexes et raffinés qui témoignent du savoir-faire artistique de l’époque moghole. L’ensemble constitue un lieu à la fois profondément contemplatif et richement historique, où chaque élément raconte une partie de l’histoire glorieuse de l’Empire Moghol.
Non loin du grandiose mausolée d’Akbar, se trouve le mausolée de Mariam, un monument d’une élégance remarquable qui mérite vraiment le détour. Entièrement construit en grès rouge finement sculpté, il offre un témoignage délicat de l’architecture moghole.
Ce tombeau abrite la dépouille de Mariam Zamani (née Heer Kunwar), l’épouse de l’empereur Akbar le Grand et fille du Roi Bharmal Kachhwaha d’Amber. Elle s’est éteinte à Agra en 1623, laissant derrière elle cette magnifique sépulture.
À 5 km à l’ouest du Taj Mahal se trouve une curiosité architecturale : l’Église d’Akbar (church of Pieta), un édifice chrétien portant le nom de l’empereur moghol. En 1579, désireux de débattre des différentes religions, Akbar invita une délégation de trois prêtres jésuites portugais de Goa (Antoine de Monserrate, Rodolfe Aquauiua et François Henriques). Bien qu’il ne se soit jamais converti au christianisme, leur visite lais
sa une empreinte durable, entraînant la formation d’une communauté chrétienne arménienne à Agra. En conséquence, Akbar leur octroya un terrain et l’église fut construite en 1560.
Au-delà de ses splendeurs architecturales, Agra est également un centre névralgique de l’artisanat indien, où des techniques ancestrales continuent de s’épanouir.
La ville est particulièrement réputée pour sa broderie Zardozi un art somptueux où des fils d’or (d’où le terme persan « zar » ) et d’argent sont minutieusement travaillés sur des tissus. Le mot « dozi« , signifiant « broderie » en persan, complète ce terme pour désigner cette technique opulente. Héritée des Moghols, la Zardozi ornait jadis les vêtements royaux et les tentures de palais, et elle reste aujourd’hui un symbole de luxe et de raffinement.
Un autre art emblématique d’Agra est la marqueterie de marbre, également appelée « Parchin Kari ». Cette technique délicate consiste à incruster des pierres semi-précieuses telles que le lapis-lazuli, la cornaline, la turquoise ou la nacre dans le marbre blanc. Le Taj Mahal lui-même est le plus éclatant exemple de cet art, avec ses motifs floraux et géométriques d’une précision incroyable. Les artisans d’Agra perpétuent ce savoir-faire, créant des plateaux, des boîtes, des tables et une multitude d’objets décoratifs qui témoignent de la même finesse que les œuvres impériales.
Située à 50 km au sud du Taj Mahal, Fatehpur Sikri, la « ville de la victoire », est un ensemble architectural remarquable et un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Fondée en 1569 par l’empereur Moghol Akbar, elle fut la capitale éphémère de l’Empire Moghol de 1571 à 1585 avant d’être abandonnée au profit de Lahore. Son élément le plus notable est l’immense Jama Masjid, réputée aussi sacrée que La Mecque.