Loin des sentiers battus, au sud du Gujarat, Rajpipla s’étend paisiblement le long de la Narmada, l’un des fleuves les plus vénérés d’Inde. Cette ancienne capitale d’un prospère royaume princier Gohil, longtemps restée discrète, dévoile aujourd’hui quelques palais au charme suranné, dont la promesse d’une nouvelle splendeur attire l’attention.
C’est sous les arcades de l’élégant palais de Poshina, au nord du Gujarat, que le nom de Rajpipla a résonné pour la première fois à mes oreilles. Le Maharaja Harendrapal Singh, mon interlocuteur, évoquait avec fierté la beauté du Palais Natwar, héritage maternel d’une principauté au riche passé.
Quelques années après, un voyage vers les festivités de Holi dans les monts Saptuda fut l’occasion d’y faire une courte pause.
Suivant le conseil du Maharaja, j’optais pour une maison d’hôtes Parsi* restée dans son jus, probablement le meilleur hébergement à Rajpipla à l’heure actuelle.
* Les parsis, sont des pratiquants du zoroastrisme. Aux 8e et 10e siècles de notre ère, ils ont fui les persécutions de la Grande Perse et se sont installés principalement autour des régions du Gujarat et du Sindh (l’actuel Pakistan). Ils migrèrent ensuite vers ce qui est la ville actuelle de Mumbai.
Le soir de mon arrivée, ma première visite fut pour Vasantpura afin d’assister à l’arti dédié à la déesse-fleuve Narmada. Si la cérémonie est calquée sur celle de Varanasi, les bhajans interprétés en direct par des musiciens talentueux justifient à eux seuls le déplacement.
Et, cerise sur le gâteau, les rituels sont suivis de fontaines musicales qui racontent l’origine mythologique de la Narmada. On dit la déesse est née de la transpiration de Shiva alors qu’il accomplissait sa pénitence sur le mont Riksha. C’est pourquoi la Narmada est connue comme la fille de Shiva.
Avant d’assister à ce rituel, j’avais fait un petit détour à Kevadia pour jeter un œil à la statue de l’Unité inaugurée en 2018. Pour être honnête, ce type d’attraction touristique ne suscite guère mon enthousiasme, car je pense que les deniers publics pourraient être investis plus judicieusement. La statue est à l’effigie de l’homme d’État indien Sardar Vallabhbhai Patel. Avec ses 240 mètres de hauteur, c’est la plus haute statue au monde.
Vers 21h, lorsque je retourne à ma guesthouse, le parfum enivrant de la résine de sambrani (benjoin), que j’apprécie tout particulièrement, enveloppe toutes les pièces de la maison. Mes hôtes m’expliquent que ce rituel observé matin et soir est une des traditions de purification Parsi.
Ils me montrent également les vieux pochoirs en fer qu’ils utilisent chaque matin pour dessiner des motifs à la craie blanche sur les marches, un signe de bon augure. Parmi ces motifs, figure le poisson, symbole de prospérité chez les Parsis.
Le lendemain est dédié à la visite de Rajpipla. Visite d’ailleurs assez rapide, car peu d’édifices sont ouverts au public. Nombre de palais sont dans un état de décrépitude avancée et ceux qui ont résisté à l’épreuve du temps ont été reconvertis en écoles ou en bureaux gouvernementaux.
C’est le cas du Palais Vadia ou « Indrajit-Padmini Mahal » qui accueille maintenant l’office des forêts et est interdit au public.
Construit dans les années 1930 par le dernier Maharaja de Rajpipla, Maharaja Vijaysinhji (30 janvier 1890 – 29 avril 1951) pour son fils Indrajitsinh et sa femme Maharani Padmini Kunverba, le bâtiment de style indo-européen a été surnommé le « Taj du Gujarat ».
Apparemment, les différentes salles du palais sont ornées de fresques murales de la décoratrice d’intérieur polonaise Armande Herman Vallee Wolinski. C’est également cet artiste qui a œuvré dans le palais Natwar.
Le seul édifice public d’intérêt à Rajpipla est le palais Rajwant, siège de l’ancienne famille royale. Ce palais de style victorien, construit en 1910, était un cadeau de mariage du Maharana Chatra Singhji à son fils, le Maharaja Vijay Singhji.
L’actuelle famille royale de Rajpipla, le Maharaja Raghuvirsinhji et son épouse Maharani Rukmani Devi résident toujours dans ce palais. Au rez-de-chaussée, on y trouve aussi un petit musée consacré à l’histoire de la dynastie Gohil.
L’histoire de cette famille royale est notamment marquée par son prince héritier, Manvendra Singh Gohil, le premier prince au monde à avoir publiquement révélé son homosexualité. En 2006, cette annonce a provoqué un énorme scandale, sa mère le reniant publiquement (une décision irrévocable, contrairement à la relation qu’il a conservée avec son père). Le prince dirige une organisation caritative, The Lakshya Trust, qui travaille pour la reconnaissance de la communauté LGBTQ en Inde.
Mon séjour à Rajpipla s’est achevé par la découverte du fameux palais Natwar, propriété du Maharaja de Poshina, dont j’ai parlé en introduction. Le gardien a eu la gentillesse de m’en ouvrir les portes lors de mon passage dans la cité.
L’entrée, avec son sol en marbre gris et sa fontaine centrale, impressionne par sa majesté, notamment grâce à son plafond en dôme orné de vitraux.
Le palais est doté de nombreux salons, certains encore parés de peintures murales d’origine illustrant la vie de Radha Krishna, de la même artiste polonaise que le palais Vadia.
Le mobilier art déco, associé aux nombreux portraits de famille, imprègne le palais d’une atmosphère à la fois historique et intime.
Le palais Natwar, actuellement en pleine cure de jouvence sous l’égide d’Harendrapal Singh de Poshina, se prépare à devenir un élégant hôtel boutique. Un projet excitant à suivre de près pour un futur séjour enchanteur dans l’une des plus belles demeures palatiales de Rajpipla.
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