Il y a un mois tout juste, je séjournais chez les peuples des monts Satpuda (Maharashtra) pour les célébrations de Holi et la magie n’est toujours pas retombée. Leur approche unique de cette fête, loin des traditionnelles poudres colorées, se manifeste par des danses extatiques autour d’un feu sacré. Les couleurs se retrouvent magnifiquement transposées dans les costumes extravagants des danseurs gheriyas, notamment leurs impressionnantes coiffes et leurs ceintures ornées de calebasses.
Mon immersion en terre Adivasi avait commencé sous les meilleurs auspices. Sur la route reliant Rajpipla à Satpuda, dans un village reculé, j’avais eu le privilège d’être témoin des danses et chants des gheriyas Vasava, reconnaissables à leur tenue rouge. La suite de mon voyage s’annonçait exceptionnelle.
Rejoindre le site des festivités impliquait de traverser les paysages vallonnés de la chaîne des Satpuda, qui s’élève dans l’est du Gujarat, traverse la frontière entre le Maharashtra et le Madhya Pradesh et se termine dans le Chhattisgarh.
À ma grande surprise, je découvre une véritable région montagneuse, sculptée par des falaises abruptes et des routes sinueuses. Notre voiture arrive à bout de ces monts après deux heures.
La destination qui nous attend est un havre de paix bucolique, constellé de petits hameaux habités par les Bhils et les Vasavas (un sous-clan des Bhils). Pas l’ombre d’un hôtel, c’est une région encore préservée et je m’en réjouis. Il devient de plus en plus rare de trouver un coin authentique en Inde.
Je me sens tout d’un coup l’âme d’une aventurière en terre inconnue. Je remercie tout de même ma bonne étoile d’avoir pu trouver un guide adivasi à la dernière minute qui a les bonnes connections, sans quoi l’aventure aurait pu tourner court.
C’est grâce à lui que nous avons trouvé un hébergement chez l’habitant : une maison traditionnelle en bambous, briques et pisé habitée par une charmante famille Vasava. Durant trois jours, je vais m’immerger dans la vie de mes hôtes, mais c’est une autre histoire.
Dans cette région, les festivités d’Holi ont lieu exclusivement de nuit et s’étirent jusqu’aux premières lueurs du soleil. Les adivasis de différentes parties des monts Satpuda, mais aussi des états frontaliers du Gujarat et du Madhya Pradesh se réunissent pour célébrer en grandes pompes l’arrivée du printemps
Au son des sifflets, des cornes de brume, des percussions entraînantes et des ghungroos tintinnabulants (grelots de cheville), les hommes arrivent par petits groupes et esquissent des danses en cercle. Leurs étonnantes ceintures de gros grelots et de calebasses, appelées dudhibhopala, ne passent pas inaperçues.
Outre ces ceintures de calebasses, les danseurs gheriyas arborent d’impressionnantes coiffes ornées de plumes de paon, de pompons et de fleurs, ou bien confectionnées en lamelles de papier de soie illuminées par des lampes LED. Ces dernières peuvent atteindre plusieurs mètres. C’est un spectacle en soi !
Au-delà des célébrations habituelles, Holi est profondément ancrée dans la culture des peuples indigènes d’Inde comme une fête des moissons. Elle représente une pause bienvenue, un élan de joie et une occasion de se défouler après la dure labeur des mois agricoles. Cette symbolique est visible à travers les hommes qui, de manière surprenante, portent des saris tout en exhibant des paniers de battage du blé.
Auparavant, ces festivals de Satpuda étaient aussi l’occasion pour les jeunes gens de choisir leur partenaire de vie. Il semble cependant, au dire de mon guide adivasi, que cette tradition ne soit plus en vogue.
Les Gheriyas veillent toute la nuit, entrecoupant leurs danses de pauses régulières avant de reprendre jusqu’à l’aube.
Le dénouement de cette longue nuit survient avant l’aube. Les participants comblent une fosse avec des troncs d’arbres, formant ainsi le bûcher de holi (holika Dahan). En son centre se trouve une tige de bambou sacrée de 15 mètres, récoltée en forêt et ayant subi des rituels préparatoires.
L’ensemble des Gheriyas se rassemble et tournoient avec frénésie autour du feu, mieux vaut ne pas se trouver sur leur trajectoire à ce moment-là ! La tige de bambou, consumée par les flammes, finit par tomber. Si sa chute l’oriente vers l’Est, c’est un signe de récolte abondante pour la saison à venir.
Lorsque l’ardeur du feu commence à diminuer, les gheriyas détachent une calebasse de leur ceinture et la creusent avec leur épée en bois. Elle servira à récupérer quelques braises sacrées. Sur leur front, ils apposent aussi un tilak noir fait de cendre en signe de bénédiction.
Le jour se lève, révélant les traits tirés et les regards absents des groupes d’hommes. Ils se prêtent néanmoins avec gentillesse à mes prises de vue. Il faut dire que ma présence, en tant qu’unique « gauri » (étrangère) ici, ne manque pas de les intriguer.
L’aube offre l’opportunité idéale pour entrer en contact avec les participants et en particulier avec les dames qui, pour l’occasion, ont revêtu une farandole de bijoux en argent souvent confectionnés avec des pièces de monnaie.
En fin de matinée, les participants rentrent chez eux pour un repos bien mérité. Certains font le chemin à pied, d’autres essaient de se frayer un chemin dans des jeeps déjà pleines à craquer ! Et le tout toujours accompagné de sonorités en tout genre !
Quant à moi, je réalise pleinement la chance inouïe que j’ai eue de témoigner de ces cérémonies hors du temps qui, j’en suis certaine, marqueront ma mémoire de façon indélébile.
Vous me donner l’envie de faire un voyage au Gujarat
Merci beaucoup
C’est le but ! 🙂 Merci Ady !