Chamba est un petit bourg au bout de la vallée du même nom au nord-ouest de l’Himachal Pradesh. La ville est posée au bord de la rivière Ravi et nichée entre deux crêtes de la chaîne himalayenne Shivalik. Cette ancienne cité est peu connue des voyageurs qui lui préfèrent Dharamshala ou Manali plus au sud de l’état. Et pourtant, cette ville surprend par ses magnifiques temples, reflet de l’opulence des rois rajpoutes de la période médiévale. La beauté des paysages environnants est un atout supplémentaire pour nous amener à découvrir cette ville.
L’histoire de Chamba commence en 920 ap. J.-C., quand le Raja Sahil Varman transfère la capitale du royaume de Bharmour à Chamba qui sera nommée en l’honneur de sa fille Champavati. La dynastie des Varman, des souverains appartenant au clan rajpoute Surajbansi, débute en 670 ap. J.-C. avec Raja Maru Varman qui règne depuis l’ancienne capitale de Bharmour, située à 65 km de la ville de Chamba.
Soixante-sept rois de cette même dynastie se succéderont en ligne directe et régneront sans interruption à Chamba jusqu’à sa fusion avec l’Union Indienne en 1948. Plus de 1000 ans de règne, une longévité exceptionnelle dans l’histoire mouvementée de l’Inde.
Les rois Varmans sont à l’origine des palais et temples situés dans la vieille ville, sur les pentes inférieures de la colline de Shah Madar. Ils ont été construits dans la basse vallée où la rivière et les collines escarpées et boisées constituaient une défense solide.
La ville de Chamba organise deux festivals majeurs : le « Sui Mata » en mars-avril et le Minjar.
Le Sui Mata honore la reine Sui, qui selon la légende, a donné sa vie pour faire revenir la pluie dans la vallée (voir l’histoire en bas de page). Cette reine-déesse est principalement vénérée par les femmes de Chamba et, pendant le festival, son icône est transportée du vieux palais (Rang Mahal) à son petit sanctuaire en haut de la colline, accompagnée de chants et de danses.
Minjar (littéralement « fleur de maïs ») est l’autre festival de Chamba. Il est célébré vers la fin juillet ou début août selon le calendrier hindou et dure une semaine. L’origine de cette fête remonterait au 10e siècle EC et marque la période des moissons.
Le premier jour, les habitants de Chamba épinglent sur leurs vêtements une réplique de la fleur de maïs (la panicule) faite en fils de soie dorés. Le festival culmine lors de la procession finale quand des palanquins portant différentes divinités dont celle de Raghuvir (un avatar du dieu Rama) sont amenés jusqu’à la rivière Ravi. Là, des officiels offrent à la rivière un pochon en tissu rouge (lohan) comprenant une noix de coco, une roupie, un fruit de saison et un minjar suivis des habitants qui lancent leurs minjars dans la rivière.
Bien que moins connue des trekkers, la vallée de Chamba offre une panoplie de randonnées de niveau modéré à ardu à travers des paysages grandioses.
Le trek de deux-trois jours de Hadsar jusqu’au lac de Manimahesh, est l’une des destinations les plus appréciées. Le massif du Manimahesh Kailash, avec ses glaciers permanents, surplombe magnifiquement le lac et, par temps clair, il est possible d’apercevoir le mont Kailash tout au nord ; les fidèles hindous qui font ce pèlerinage-trek se considèrent bénis s’ils voient le sommet de la demeure du dieu Shiva qui est généralement masquée par une brume épaisse.
Le trek de Kalichho (4 990 m – 6 jours), « la demeure de Kali », pour les trekkers chevronnés débute à Bhamour et se termine dans le village de Triloknath, dont l’ancien temple à Shiva est hautement sacré pour les hindous comme pour les bouddhistes. Les hindous vénèrent la divinité Triloknath en tant que Shiva, tandis que les bouddhistes la considèrent comme le Bouddha « Arya Avalokiteshwar ».
Nous commençons la visite des beaux temples de Chamba par celui qui est considéré comme le plus sacré et le plus ancien : le temple Lakshmi Narayan. On y accède en montant les rues animées du bazar de Dogra. L’aigle, le « Vahana » (véhicule) du dieu Vishnou posé sur une colonne, marque l’entrée.
Lakshmi Narayan est en fait un complexe de six temples dédiés principalement aux dieux hindous Shiva et Vishnou. Le temple principal se tient à l’entrée et abrite une statue de marbre blanc représentant Vishnou. Les temples ont été construits au 10e siècle par le roi Sahil Verman dans le style architectural Nagara (nord de l’Inde) et ont été embellis par les rois consécutifs de cette même dynastie.
La plupart des temples de Chamba ont la particularité d’avoir un double toit en bois en forme de parapluie qui protège les édifices. Cette spécificité est due aux conditions climatiques de cette région montagneuse où les chutes de neige sont fréquentes.
Un autre temple qui a son importance à Chamba, est celui de Champavati. Il est situé derrière le poste de police de la ville et en face de l’hôtel où je logeais.
La légende raconte que la fille du roi Shahil Varma était très pieuse et se rendait souvent dans les lieux spirituels. Le roi, en voyant partir sa fille si souvent, devint méfiant et la suivit jusqu’à l’ashram d’un Sadhu (renonçant hindou) où il ne trouva ni sa fille, ni le Sadhu. Il entendit alors une voix lui disant que sa fille lui avait été enlevée pour le punir de ne pas avoir cru en elle et que, pour éviter un nouveau fléau à ses descendants, il devait faire construire un temple portant le nom de sa fille. On dit que c’est ainsi que fut construit le temple de Champavati.
Ce temple comprend une shikhara en pierre construite dans le style Nagara avec, tout comme les autres temples, un toit en forme de parapluie. L’entrée du sanctum sanctorum carré est gardé par deux lions nous indiquant que ce temple est dédié à la Shakti, la force féminine. Le sanctuaire abrite en effet une idole de la déesse Mahisasuramardini (la déesse qui a tué le démon Mahishasura), un avatar de la déesse Durga.
Le temple de Hari Rai, aussi appelé temple de Vishnou, se trouve près de la porte rouge de Chaugan en redescendant vers la rivière. Il est malheureusement coincé entre des constructions peu attractives. Cela dit, ce temple du 11e siècle bâti sur une plate-forme surélevée vaut le coup d’œil. Il abrite une statue en bronze de Vaikuntha Chaturmurti, un avatar du dieu Vishnou pourvu de quatre têtes : une tête humaine, une tête de lion, une tête de sanglier et une tête démoniaque.
Le musée Bhuri Singh est situé au cœur de la ville de Chamba. Il a été fondé en 1908 pour collecter et préserver le patrimoine culturel dispersé dans la vallée de Chamba. L’histoire du musée a débuté lorsque le Raja Bhuri Singh, alors souverain de Chamba, fit don de sa collection d’œuvres d’art. Le musée possède une remarquable collection de plus de 8 000 antiquités liées à l’art, à l’archéologie, à l’artisanat et à l’anthropologie. On peut notamment y admirer les anciennes peintures miniatures Pahari de l’école Basohli, montrant des scènes de l’épopée du Ramayana.
Le temple Chamunda Devi est situé au sommet de la colline Shah Madar. Construit une plate-forme en pierre, il est dédié à Chamunda, l’aspect féroce de la déesse Durga. Le toit du mandapa (pavillon) vaut en lui-même le coup d’œil : il est divisé en neuf carrés en bois sur lesquels sont accrochées une myriade de clochettes ; il est en effet de coutume pour les dévots d’attacher une petite cloche en laiton dans l’espoir que leurs vœux se réalisent.
Un petit temple dédié à Shiva se trouve également juste derrière le temple principal Chamunda. Si ce n’est pour l’aspect spirituel, la balade jusqu’en haut du temple permet de profiter d’une vue panoramique sur la vallée.
A 500 m du temple Chamunda Devi se trouve celui de Sui Mata, bâti en l’honneur du sacrifice de la reine Sui, épouse du roi Sahil Varman.
L’histoire raconte que la région souffrait de la sécheresse depuis plusieurs années, le roi finit par consulter ses conseillers religieux pour pallier ce problème. Les brahmanes lui suggérèrent de sacrifier son fils ou sa femme pour que la pluie revienne dans la région. Le choix était extrêmement difficile, mais il finit par décider de sacrifier son fils. Cependant, sa femme ne pouvait consentir à cela et elle se sacrifia à la place de son fils. Après sa mort, son corps et ceux de ses proches servantes ont été enterrés autour du temple. Très vite, la pluie est revenue dans le village et à partir de ce moment-là, il n’y eut plus de pénurie d’eau.
Un festival est organisé chaque année en mémoire de ce sacrifice (voir intro). Les femmes mariées affluent à cet endroit avec des offrandes pour rendre hommage à la grande reine.