Pattadakal, classé au patrimoine mondial de l’humanité est, avec Aihole et Badami, les perles architecturales du nord du Karnataka tout comme Beluru et Halebidu sont celles du sud. Le site était non seulement utilisé pour le couronnement des souverains Chalukyas, mais fut aussi un important centre culturel porté par une volonté créative. Les vestiges de ces monuments mélangeant harmonieusement les styles architecturaux du nord et du sud attestent encore de cette approche nouvelle en matière de construction de temples.
Pattadakal est un complexe comprenant neuf temples hindous dédiés à Shiva et un temple jaïn, tous construits du 7e au 8e siècle EC. Le lieu a peut-être été choisi en raison de sa proximité avec la rivière sacrée Malaprabha qui, à cet endroit, prend la direction du Nord (uttara-vahini), en révérence au mont Kailash, résidence du dieu Shiva.
Les interactions avec les empires voisins comme le Tamil Nadu ont pu influencer l’esthétisme des monuments de Pattadakal qui présentent deux styles d’architecture différents : celui du nord, le Nagara et celui du sud, le dravidien. Certains archéologues estiment même que c’est ici, à Pattadakal, que ces deux formes architecturales ont été finalisées et qu’elles feront référence pour les constructions à venir en Inde.
Les styles nagaras et dravidiens sont très distincts au niveau architectural. Une des différences majeures entre les deux styles est la tour centrale. Dans le style dravidien, elle est de forme pyramidale (appelée vimana ou gopura) et, dans le nord, la tour est curviligne et en forme de ruche (appelée Shikhara).
Je commence la visite du site de Pattadakal par le temple le plus grand et le plus élaboré du groupe, celui de Virupaksha, commandité par la reine Lokmahadevi aux alentours de 740 de notre ère.
Le temple, construit face à l’est, forme un rectangle délimité par des murs, décorés de sculptures. La tour du sanctuaire de forme pyramidale à trois étages nous indique que c’est une architecture dravidienne.
Le mandapa (hall d’entrée) à 18 colonnes mène au garbha griya (sanctuaire) carré qui abrite un Shiva Lingam, entouré d’un chemin circumambulatoire couvert. Il y avait à l’origine 32 autres sanctuaires secondaires, mais la plupart ont été détruits.
Les murs du sanctuaire, tout comme les piliers du mandapa, sont décorés de sculptures très détaillées de divinités liées au culte de Shiva, Vishnou et de la Shakti. On y voit aussi comme dans la plupart des temples du site, des fresques des épopées indiennes (Mahabaratha, Ramayana), des scènes de la vie courante et des couples d’amoureux (Mithuna).
À l’extérieur, dans un pavillon faisant face au sanctuaire, se trouve l’imposante statue du taureau divin Nandi, monture du dieu Shiva, taillée dans un seul bloc.
Le temple Mallikarjuna est tout aussi remarquable que celui de Virupaksha. De style dravidien, il a été parrainé au 8e siècle par la reine Trailokyamahadevi, la sœur de la reine Lokmahadevi et l’épouse du roi Vikramadiya II.
Les piliers du mandapa finement ciselés de frises attirent particulièrement l’attention, elles racontent les légendes des épopées hindoues, la Rasa Lila (danse sacrée) du dieu Krishna et les Panchatantra, les fables hindoues mettant en scène des animaux.
Le Saint des Saints abrite un Shivalingam en grès noir où les fidèles ont pour habitude d’allumer de petites lampes à huile en guise d’offrande. Les façades extérieures sont flanquées de belles statues encore bien conservées représentant diverses divinités hindoues.
Le temple Sangameshwara, également appelé temple Vijayeshvara, est en partie inachevé, le décès de son commanditaire, le roi Vijayaditya, en 734 EC en est sûrement la conséquence.
Les murs du temple contiennent cependant de belles images de Vishnou et Shiva, des frises décoratives d’éléphants et de yalis makaras, la créature mythique du sud de l’Inde, généralement représentée avec une tête et une mâchoire de crocodile, une trompe d’éléphant, un corps de sanglier et une queue de paon.
Le temple Kadasiddheshwara, daté du milieu du 7e siècle de notre ère, présente une architecture très simple. Les dwarapalaks (gardiens) du temple sont quasiment détruits, mais si vous regardez de plus près sur les côtés du temple, vous pourrez voir une Swastika (croix gammée) incrustée dans les jalis (fenêtres ajourées).
Le temple Jambulingeshwara est tout aussi modeste que celui de Kadasiddheshwara, son principal intérêt est sa sculpture de Nataraja (un Shiva dansant) sur la façade avant du Shikhara.
Le temple de Galaganatha est principalement en ruines, à l’exception de la partie sud qui contient un panneau sculpté montrant un Shiva à huit bras tuant le démon Andhaka et portant une guirlande de crânes en guise de yajnopavita (fil sacré que portent les brahmanes sur la poitrine).
Le temple jaïn Narayana se trouve à 1 km du complexe de Pattadakal, en direction de Badami. C’est un monument du 9e siècle construit dans le style dravidien par les souverains Chalukyas Rashtrakutas et Kalyani.
Le temple est érigé sur une plate-forme surélevée et le mandapa à 16 piliers qui semblent tournés, mène au sanctuaire abritant un Shivalingam, qui a sûrement remplacé la statue jaïne originelle du temple.