À l’heure où bon nombre de traditions artisanales se perdent en Inde, le village de Molela fait exception. Situé dans le district de Rajsamand (Rajasthan) à une heure environ d’Udaipur, Molela n’est pas un village comme les autres ; c’est un lieu unique pour ses tablettes votives en terre cuite que les communautés Adivasis viennent se procurer les mois de Magh et de Vaishakh.
La route qui nous mène d’Udaipur à Molela est agréable, parsemée de villages typiques où l’on découvre la vraie vie des campagnes du Rajasthan. En chemin, nous nous arrêtons à Haldighati qui, outre son histoire mouvementée, est connue pour sa production de rose « Chaitri », la rose du printemps. La spécialité ici, c’est le Gulkand, la confiture de pétales de rose, préconisée en médecine ayurvédique comme tonique rafraîchissant.
Nous arrivons à Molela une demi-heure plus tard. Ce petit bourg compte deux ou trois rues principales le long desquelles les « Kumbhars » (potiers), une vingtaine de familles environ, ont établi leur atelier. Ce jour-là, la plupart des échoppes étaient fermées suite au décès d’un des membres de la communauté. Nous tournons dans le village et finissons tout de même pour pousser la porte d’un atelier qui, par chance, était resté ouvert ; c’est celui de Shanti Lal, un potier d’une vingtaine d’années qui a repris le flambeau familial.
Le jeune homme au sourire communicatif, nous raconte l’histoire de ces céramiques si particulières tout en façonnant une plaque dédiée à la déité locale Beruji, protectrice des villages.
Les céramiques de Molela trouvent leur origine dans une légende : on dit que Dev Narayan (déité locale, incarnation de Vishnou) apparut dans le rêve d’un potier aveugle lui demandant de créer son idole en terre cuite. Le potier hésita à combler ce souhait en raison de sa cécité ; il ne voulait pas fâcher le dieu avec une vilaine image. Il finit cependant par accepter. Le lendemain matin, il avait recouvert sa vue. Il façonna alors une idole du dieu pour respecter sa promesse. Suite à cela, les gens de la communauté des potiers de Molela ont commencé à créer des tablettes votives.
Shanti Lal s’arrête, le temps d’un chaï délicatement parfumé à la cardamome. Puis, entre deux gorgées, il nous lance : « Le processus de ces céramiques est entièrement naturel ! »
Il nous explique que l’argile est récupérée sur les rives de la rivière Banas, à quelques kilomètres de là, mais que, comme cette source s’épuise, il s’approvisionne aussi dans d’autres régions. De la balle de riz et de la bouse d’âne est ensuite incorporée à l’argile pour renforcer la texture. La pâte est étalée et aplatie à l’aide d’un pindi (pierre arrondie) pour former des carreaux. La sculpture est réalisée sur le carreau à main levée avec l’aide d’un seul outil, le « badli », une sorte de ciseaux. À la fin, les plaques sont séchées au soleil puis cuites lentement dans un four.
Shanti Lal se remet à la tâche et nous dit que si ces tablettes votives sont maintenant connues dans le monde entier, elles sont surtout destinées à la base aux temples familiaux des Gurjars et de plusieurs communautés Adivasis (autochtones), principalement les Bhils, les Meenas et les Garasias.
Lors des mois de Magh (janvier-février) et de Vaishakh (avril-mai), ces communautés viennent en groupe avec leur « Bhopa » (sorte de shaman), qui sélectionne la divinité pour la famille. Après plusieurs rituels, qui incluent des transes, les tablettes sont placées sur l’autel familial. Elles sont censées protéger les membres de la famille ou exaucer un vœu.
En-dehors des divinités classiques du panthéon hindou telles que Ganesha et Durga, les céramiques les plus demandées sont des déités locales comme Dev Narayan (celle apparue dans le rêve du potier), Beruji, Kala et Gaura Beruji et Nagaraj (le dieu serpent).
Alors que les voyageurs de passage choisissent en général des plaques « au naturel », les Adivasis, eux, les préfèrent bien colorées. À l’origine, des pigments et un vernis naturels (jala) étaient utilisés pour coloriser les panneaux.
Au fil du temps, les artisans de Molela se sont adaptés à la demande en créant des tableaux destinés à la décoration des maisons individuelles et des édifices publiques. La gare d’Udaipur en est le parfait par exemple.
Nous remercions chaleureusement notre hôte potier qui, lors d’une dernière photo, prend la pose avec son prix Rashtrapati, une distinction attribuée par le président de l’Inde, pour des réalisations dans le domaine de l’art et de la culture entre autres.
Encore une belle experience dans « Magik India ».
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