Sarneshwar Mahadev, le temple fort de Sirohi

Sirohi est une petite ville située au sud du Rajasthan à deux heures d’Udaipur, la romantique cité des lacs. Elle fut autrefois la capitale de l’État princier du même nom gouverné par la dynastie Rajpoute Deora Chauhan. En son sein, se dresse un temple hautement vénéré, Sarneshwar Mahadev, protégé en amont par une colline et entouré de deux longues murailles qui nous rappelle que ce lieu sacré fut autrefois le théâtre de plusieurs batailles. L’une d’elles opposa les forces dirigées par Maharao Vijay Chauhan aux côtés de la communauté Rabari contre l’impitoyable sultan de Delhi, Alaud-Din Khilji.

Sirohi
Le palais-forteresse de la famille royale de Sirohi (que l’on ne peut pas visiter)

Sirohi tirerait son nom de la colline « Siranwa », sur le versant ouest de laquelle se dresse la ville.

Mais, avant la création de Sirohi, c’était la ville de Shivpuri, fondée en 1405 par Rao Sobhaji ou « Virji »* qui se tenait non loin, sur le versant oriental de la colline Siranwa qui s’appelle Khuba. Là, se trouvent encore les ruines de la vieille ville ainsi qu’un mémorial dédié à Virji.

En 1425, son fils et successeur, Sahastramal, érigea une forteresse sur le versant oriental de la même colline qui devint sa capitale et l’actuelle ville de Sirohi.

*sixième descendant de Rao Deoraj, l’ancêtre du clan Deora Chauhan

Sirohi
Les armoiries de la famille royale de Sirohi avec le temple de Sarneshwar en son centre

A dix minutes au nord de ce palais-forteresse, se trouve le temple de Sarneshwar Mahadev, dédié à Shiva et Kuldev (divinité tutélaire) de la famille royale de Sirohi. Ses tours de guet et ses immenses murailles sont un reflet vivant de son histoire.


L’histoire du temple de Sarneshwar Mahadev à Sirohi


L’origine du temple de Sarneshwar est intimement liée à celle du féroce Alaud-Din Khilji, sultan de Delhi de 1296 à 1316.

Après avoir renforcé son contrôle sur les plaines indo-gangétiques (Pakistan, nord de l’Inde et Bangladesh), il décida, en 1297, d’envahir le Gujarat, alors gouverné par le roi Karna de la dynastie Vaghela, afin de « soumettre les infidèles et de détruire les idoles hindoues. »

L’armée d’Alaud-Din Khilji s’empara rapidement du Gujarat, en raison du manque de préparation et de l’inefficacité des troupes du roi Karna.

Une grande partie du Gujarat fut mise à sac par les forces ennemies. Les temples hindous étaient alors particulièrement visés. Ce fut le cas du sanctuaire de Rudra Mahalaya à Siddhpur, dans le nord du Gujarat, dont la divinité principale, un Shiva-lingam, fut enlevée par les troupes du sultan.

Les vestiges du temple Rudra Mahalaya à Siddhpur qui fut en grande partie détruit par les armées du sultan de Delhi | Photo : kaushal bhatt 

Sur le chemin de retour qui conduisait les armées du sultan vers Delhi, se trouvait le royaume de Sirohi. Son roi de l’époque Maharao Vijay Singh, mit un point d’honneur à récupérer le lingam sacré, même au prix de sa propre vie.

Lorsque les soldats du sultan approchèrent Sirohi, les troupes rajpoutes s’abattirent sur eux et sortirent victorieuses de la bataille. Ils récupèrent le Shiva-lingam qu’ils placèrent dans un sanctuaire au pied de la colline de Siranwa où eut lieu la bataille. Le Maharao lui donna le nom de « Ksharneshwar » qui devint plus tard « Sarneshwar ».

Sirohi
Le lingam du temple qui serait celui récupéré par les troupes Rajpoutes | Photo : sirohishehar.com

L’histoire raconte aussi qu’Alaud-Din Khilji, offensé par la défaite de 1298, revint à Sirohi avec ses troupes et subit une seconde défaite. On dit aussi qu’il fut guéri de la lèpre par l’eau du bassin du temple. En conséquence, il jura qu’il n’attaquerait plus jamais Sirohi et fit construire le mur intérieur du temple.

Hommes Rabari Raika dans la région de Sirohi

Au cours de ces deux batailles, des milliers de Rabaris, éleveurs de chameaux et guerriers temporaires de cette guerre, ont perdu la vie. La deuxième victoire eut lieu lors de Bhadrapada Shukla Ekadashi. Ce jour a été consacré comme un jour en mémoire des vaillants Rabaris par le Maharao Vijay et, depuis, une foire annuelle est organisée dans le complexe du temple de Sarneshvara ji.

EN SAVOIR + SUR LES RABARIS


L’architecture de Sarneshwar Mahadev


On pénètre dans l’enceinte du temple par une porte imposante flanquée de deux tours de guet. De là, se détachent déjà les deux longues murailles entourant le temple, construites en partie sur le flanc de la colline de Siranwa.

Sirohi
L’imposante porte de l’enceinte du temple

Sarneshwar ji est maintenant à quelques centaines de mètres et la première impression à l’arrivée est grandiose.

Le sanctuaire, vêtu de blanc, est gardé par trois énormes éléphants, deux à l’entrée et un devant, tous deux peints en noir et montés par des hommes armés. Surplombant les éléphants, deux tours de guet massives avec des meurtrières renforcent la protection du lieu.

Sirohi
L’entrée du temple avec deux éléphants et les tours de guet
Sirohi
Détail d’un des éléphants

Avant d’entrer dans le complexe du temple, deux petits autels sont posés de chaque côté. Celui de gauche est dédié au dieu-singe Hanuman – symbolisant la dévotion et celui de droite, à Ganesha – qui est invoqué pour attirer le bon œil.

La large porte d’entrée en bois s’ouvre sur une grande cour. En son centre, sied le temple principal, dédié à Sarneshwar, une forme du dieu Shiva, symbolisé par un Shiva-lingam, celui-là même lingam qui, souvenez-vous, a été volé à Siddhpur par les armées du sultan de Delhi (voir ci-dessus).

Vidéo montrant le Lingam de Sarneshwar et le temple dans son ensemble

Le temple, construit en grès gris-vert, a un style architectural sobre. Le mandala (hall) est soutenu par vingt piliers simples et son dôme est orné de douze figures féminines ressemblant à des esprits féminins ou apsaras.

Deux lourdes portes en argent s’ouvrent sur le sanctum sanctorum qui contient le Shiva-lingam et son pendant féminin, la Shakti (la déesse Durga) à l’arrière.

Sirohi
Le sanctuaire principal (à droite)

Sarneshwar a subi plusieurs ajouts au fil du temps. La rénovation majeure a eu lieu au début du 16e siècle de notre ère par la Maharani Apurva Devi, épouse du Maharao Lakha de Sirohi. En particulier, elle plaça l’idole d’Hanuman devant la porte principale du temple.

Sirohi
Plusieurs petits temples sont construits autour du sanctuaire principal

Autour du sanctuaire principal, se trouvent une myriade de petits temples dédiés à différentes divinités, notamment Vishnou et Shiva. Ces statues sont joliment polies par le temps, signe de leur ancienneté. Le Shiva-lingam aux 108 mini-lingams attire particulièrement l’attention.

Sirohi
Statues de Vishnou, Shiva et Parvati
Sirohi
Les 108 mini-lingams

Les deux murailles, posées sur le flanc de la colline de Siranwa sont probablement l’aspect le plus impressionnant du lieu. Jalonnée de plusieurs tours de guet, l’une entoure le complexe du temple lui-même (il s’agirait de celle construite par le sultan de Delhi) et l’autre, à quelques encablures, descend jusqu’au bas de la colline et embrasse l’étang de Mandakini.

Petits sanctuaires autour du temple principal et, en haut de l’image, les deux murs qui entourent le complexe

L’étang Mandakini, justement, est l’un des nombreux points d’eau du temple. Les eaux de source de la colline viennent remplir plusieurs bassins à l’intérieur du temple qui, pendant la saison des pluies, s’écoulent à l’extérieur dans le Gomukh (le bassin avec une tête de vache) à gauche de l’entrée du temple et dans l’étang Mandakini devant le complexe du temple.

Le bassin Gomukh à l’extérieur du temple (à droite) et le mur extérieur en arrière-plan

Le Mandakini Kund, est utilisé par les pèlerins pour prendre un bain sacré (Snan) lors des grandes fêtes du calendrier hindou. Sur les rives de cet étang se dressent plusieurs chhatris (cénotaphes), construits par les souverains de Sirohi.

Les cénotaphes (mémoriaux) des souverains de la dynastie Deora Chauhan posés sur la rive de l’étang de Mandakini (asséché lors de ma visite)

A droite du temple, un bel édifice en briques de style Haveli (manoir) attire le regard avec ses balcons en encorbellement. Selon un habitant de Sirohi, il aurait été construit à la même époque que le temple de Sarneshwar. Il n’est plus utilisé aujourd’hui mais reste néanmoins l’un des témoins de la fabuleuse histoire du temple de Sarneshwar ji.

L’haveli à côté du temple Sarneshwar ji.

Les festivals du temple


Vidéo de la foire de Sarneshwar ji …Et c’est tout ce que vous verrez si vous n’êtes pas un membre de la communauté Rabarie !

Le temple suit les festivités du calendrier hindou et est particulièrement actif pendant Mahashivaratri.

Cependant, ici, le festival majeur est celui de « Dhaje Ri Gyaras » plus connu sous le nom de « Sarneshwar ji fair ».

Il est organisé pendant Bhadrapada Shukla Dev Jhulni Ekadashi par la communauté Rabarie en mémoire de leurs ancêtres et de leurs sacrifices lors des combats contre le Sultanat de Delhi (voir ci-dessus).

Bhadrapada ou Bhadra est le mois du calendrier hindou qui correspond à août/septembre du calendrier grégorien et Shukla Ekadashi a lieu le onzième jour des deux cycles lunaires du mois, Krishna et Shukla Paksha. Il est considéré comme un jour « Anand Prada », c’est-à-dire le jour qui « instille le bonheur ».

Membre de la communauté Rabarie Raika en tenue traditionnelle lors de festivités dans la région de Mount Abu

Lors de ces festivités, qui comprennent des danses traditionnelles, des chants, des rituels religieux et une foire en plein air, seuls les membres de la communauté Rabarie sont admis. Non seulement cela, mais les hommes et les femmes Rabari sont tenus de porter leurs tenues traditionnelles (voir mon article sur le Rabari), une belle occasion de perpétuer les traditions ancestrales du peuple Rabari !


Vous aimerez peut-être aussi...

Lohargal, le temple du soleil du Shekhawati
Lohargal, situé à 30 km de Nawalgarh, est un des hauts lieux de pèlerinage de la région du Shekhawati (Rajasthan)....
Ramgarh, le trésor oublié du Shekhawati
Si vous suivez ce blog depuis un moment, vous devez savoir que le Shekhawati est une de mes régions favorites...
Ranakpur et sa merveille aux 1444 piliers
Ranakpur est une petite cité nichée au cœur des monts Aravallis, passage obligé sur la route entre Udaipur et Jodhpur....
Shekhawati, la galerie d’art à ciel ouvert...
La région du Shekhawati au nord-est du Rajasthan est souvent oubliée des circuits touristiques. Elle fut pourtant aux 18e et...
Nawalgarh, la cité d'or du Shekhawati
Nawalgarh est une ville majeure du Shekhawati, une région semi-désertique au nord du Rajasthan. Fondée au milieu du 18e siècle,...
Kuas, les puits perses du Shekhawati
Dans les zones semi-désertiques comme le Shekhawati, au nord du Rajasthan, la gestion de l'eau est un élément vital. Ainsi,...

2 Comments on “Sarneshwar Mahadev, le temple fort de Sirohi”

  1. Namasté
    Merci beaucoup de nous faire rêver.
    J’espère que nous allons reprendre les voyages bientôt
    Cordialement

    • Merci Ady ! Oui on espère tous que les voyages pourront reprendre cette année 2022 !! En entendant tous mes voeux pour cette nouvelle années, bien cordialement, Mathini

Laissez un commentaire :)

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

VOYAGEZ AVEC MOI !