Siddhpur, la ville des matru-shradh du Gujarat

Siddhpur, la pieuse. Une ville surprenante posée sur les rives de la Saraswati. Son atmosphère sacrée n’est pas sans rappeler celle de Varanasi, la capitale spirituelle de l’Inde, tandis ses havelis « Bohras » nous plongent dans une toute autre ambiance, celle de l’époque victorienne.


Un peu d’histoire pour commencer…


Le centre ville de Siddhpur jalonné de belles maisons de maître

Siddhpur signifie littéralement « la ville de Siddhraj ». Elle tire son nom du roi Siddhraj Jaisingh, de la dynastie Solanki aussi appelée Chaulukya, qui régna ici au 10e siècle de notre ère. La ville était alors à l’apogée de sa gloire. Il y construisit un magnifique temple dédié à Shiva, le Rudra Mahalaya, aujourd’hui en ruine (voir plus bas).

La tour de l’horloge de Siddhpur

Au cours du 12e siècle, les troupes du sultan Muhammad Ghori détruisirent la ville sur leur chemin vers Somnath. Plus de 30 000 personnes furent tuées pendant le raid, et l’empire Solanki s’éteignit.

Aperçu de l’ambiance de la vieille ville

Siddhpur, Sri-Sthal


Le centre ville de Siddhpur

Siddhpur est mentionnée dans les Védas (les Saintes Écritures de l’Inde) comme Sri-Sthal ou « lieu pieux« . Dans le Mahabharata, la grande épopée indienne, il est aussi décrit que les frères Pandavas ont visité l’endroit lors de leur exil.

Le « Bindu Sarovar », l’un des cinq bassins sacrés de l’Inde

Cette cité est sacrée à plusieurs égards : elle abrite tout d’abord le « Bindu Sarovar« , l’un des cinq thirthas (bassins) les plus sacrés de l’hindouisme. Les quatre autres étant : Manas Sarovar (Tibet), Pushkar Sarovar (Rajasthan), Narayan Sarovar (Kutch, Gujarat) et Pampa Sarovar (Karnataka).

Elle comprend aussi cinq lingams Swayambhu ou lingams naturels : Ardeshwar Mahadev, Shri bhramandeshwar Mahadev, Shri Valkeshwar Mahadev, Shri Vateshwar Mahadev et Shri Siddheshwar Mahadev près de Bindu sarovar (voir plus bas).


Rishi Kardama & Rishi Kapila Muni


La Bhagvata Purana (texte mythologique indien) associe Siddhpur avec le rishi (saint) Kardama, qui aurait créé son ermitage dans cette ville et à son fils Kapila Muni, né ici sur les rives de la rivière sacrée Saraswati.

Vishnou apparaissant devant Kardama

Selon la croyance hindoue, Kardama était un grand sage, fils du dieu Brahma, qui faisait pénitence sur les rives de la rivière Saraswati. Après de nombreuses années d’austérités, le Seigneur Vishnou apparut enfin devant lui et le bénit en disant qu’il aurait bientôt la chance d’avoir une épouse remarquable (Devahuti) et neuf filles qui seraient les mères de grands rishis. Vishnou lui dit également qu’il aurait un fils qui ne serait nul autre que la réincarnation de Vishnou. Cependant, dès la naissance de ce garçon, Kardama serait obligé de laisser sa famille et d’entrer à nouveau en pénitence pour réaliser Dieu.

Kardama et Devahuti eurent bien neuf filles et un fils appelé Rishi Kapila, incarnation du dieu Vishnou. Ce sage de la période védique fut le fondateur de la Samkhya, l’une des six écoles classiques de l’hindouisme. La Bhagavad Gita le dépeint comme un ermite ayant des siddhis ou pouvoirs spirituels hautement développés.

Kapila transmet la connaissance spirituelle à sa mère Devahuti

Quand Kardama quitta Bindu Sarovar pour devenir un ascète, Rishi Kapila prit en charge l’ashram de son père. Un jour, sa mère Devahuti se souvint que le but de la réincarnation de Vishnou en Kapila était de répandre une fois de plus le message du Sankhya Yoga, qui est une combinaison de dévotion et de réalisation mystique. Elle s’adressa alors à son fils pour qu’il l’instruise. Quand Kapila eut transmis la connaissance spirituelle à sa mère et aux autres résidents de l’ashram, il quitta Bindu Sarovar tout comme son père l’avait fait auparavant. Devahuti, en suivant les enseignements spirituels de son fils, réalisa Dieu en elle-même et se transforma en une rivière sainte nommée Gyanavapi dans laquelle les demi-dieux et les sages vinrent se baigner pour se purifier. L’endroit est ensuite devenu un important centre de pèlerinage connu sous le nom de Siddhpur.


Siddhpur, lieu des matru-shradh


Siddhpur est le seul endroit en Inde où sont effectués exclusivement des « Matru-shradh ».

Des boules de riz sont offertes aux ancêtres (pind daan)

Un shradh est une cérémonie rituelle hindoue effectuée pour le salut des personnes décédées de la famille. On croit que l’esprit d’une personne décédée vagabonde tant que cette cérémonie n’a pas eu lieu.

Une fois ce rituel exécuté, l’âme de la personne est satisfaite et peut obtenir la libération (moksha). La particularité de Siddhpur est que les shradh menés ici sont dédiés exclusivement aux ancêtres maternels (Matru signifie mère en sanscrit).

Parashuram, le sixième avatar du dieu Vishnou

La légende raconte que Parashuram, le sixième avatar du dieu Vishnou a effectué une pind daan ou shradh dédiée à sa mère Devi Renuka sur les rives de la rivière Saraswati, à Siddhpur.

Depuis lors, les pèlerins de toute l’Inde viennent à Siddhpur pour effectuer cette même puja (rituel). Lors de ces cérémonies, des boules de riz appelées pind sont généralement offertes aux ancêtres, d’où le nom de pind daan.

Les cérémonies du Matru-shradh à Siddhpur prennent place à l’Ashram Kapilamuni dans le bassin Bindu Sarovar.


Les Havelis Bohra


Les beaux havelis colorés des bohras

Siddhpur se distingue aussi par ses havelis (maisons de maître) construits par la communauté musulmane Dawoodi Bohra.

Le mot bohra est dérivé du mot Gujarati vohorvusignifiant « commerçant ».

De nos jours, la grande majorité de la communauté bohra travaille encore dans le commerce. Ces havelis construits au 20e siècle tirent leurs influences de l’architecture baroque, gothique, victorienne et art déco. Se promener dans le Bohra Vad (quartier des Bohras) est un vrai régal pour les yeux.

Un autre haveli Bohra typique

Comme beaucoup de Dawoodi Bohra ont quitté Siddhpur à la recherche de meilleures perspectives professionnelles, la plupart de ces demeures sont malheureusement maintenant abandonnées…

Détail d’un haveli Bohra

Et maintenant, visitons Siddhpur !


Hormis les havelis Bohras qui sont une visite absolument incontournable à Siddhpur, d’autres lieux méritent aussi le détour.


 Temple Rudra Mahalaya


Vue sur le temple depuis la vieille ville de Siddhpur

Bien qu’il ne reste que quelques ruines du temple Rudra Mahalaya, on imagine sans peine sa magnificence d’antan.

Ce sanctuaire, dédié au dieu Shiva, fut construit par le Roi Solanki Siddhraj au 12e siècle.

Siddhpur
La Toran (arche), un des rares vestiges du temple |Photo : Sardonik 

Le temple était à l’époque une merveille architecturale avec un shikhara (clocher) de trois étages, 1 600 piliers, 12 portes d’entrée, un mandapa (hall) central, des porches à l’est, au nord, au sud et, à l’ouest, un sanctuaire.

Autour du temple, se trouvaient 11 sanctuaires dédiés à Rudra (Shiva). L’ornementation du temple était exubérante comme le montrent les sculptures élaborées et détaillées des piliers et la magnifique Toran (arche), qui est le seul vestige du temple qui nous est parvenu aujourd’hui.


Bindu Sarovar – Matrugaya tirth dam


Siddhpur
Le bassin sacré Bindu Sarovar

Comme on l’a vu plus haut, Bindu Sarovar est l’un des cinq bassins les plus sacrés de l’Inde ; c’est l’endroit en effet où le saint Sri Kapila enseigna à sa mère le chemin de la libération (moksha) au travers de la philosophie Sankya.

On dit que le bassin est rempli des larmes du dieu Vishnou qu’il a versées en contemplant la vénération du saint Kapila envers sa mère.

Ici, se pratiquent les Matru-shradh, les cérémonies rituelles hindoues dédiées aux ancêtres maternels (voir ci-dessus).

Siddhpur
Temples autour du Bindu Sarovar

Temple Siddheshwar


Siddhpur
Le temple de Siddheshwar Mahadev

Le temple de Siddheshwar Mahadev est situé près du Bindu Sarovar. Il abrite l’un des cinq Swayambhu Lingams de la ville.

La coutume est de se baigner dans les eaux du Bindu Sarovar puis de venir vénérer le seigneur Shiva du temple Siddheshwar.

Siddhpur
Le sanctuaire du temple Siddheshwar Mahadev abritant un lingam

Temple Ardeshwar


Siddhpur
Le temple d’Ardeshwar

Le temple d’Ardeshwar est un endroit ancien de Nath Sampraday c’est-à-dire d’initiation des siddhis.

C’est là notamment que Devshankarbapa Bhatt, un ascète, considéré comme un saint homme, est resté pendant 50 années. Il est mort en 1978.

Siddhpur
Devshankarbapa Bhatt

Un des cinq Swayambhu Lingams de Siddhpur s’y trouve. Des pujas (rituels) ont toujours lieu sur le lingam.

Siddhpur
Le lingam du temple Ardeshwar

Temple Bhramandeshwar


Siddhpur

Bhramandeshwar est un bel ensemble de temples situé en face de la ville Siddhpur, en traversant la rivière Saraswati.

Il abrite un autre des Swayambhu Lingams de Siddhpur du nom de Dhagla Bapji.

Siddhpur
Lingam Dhagla Bapji

Temple Valkeshwar


Le temple de Valkeshwar se trouve sur la rive opposée de la Saraswati, proche du Temple Bhramandeshwar. Il possède aussi un des cinq Swayambhu Lingams.

Siddhpur
Swayambhu lingam du temple | Photo : inconnu

Temple Vatesvar (6 km)


Siddhpur
Temple Vatesvar | Photo : gujarattouristguide

Cet ancien temple est situé à environ 6 km de Sidhpur dans le village de Dethli.

Il est lié au saint Dadhichi. La légende raconte que les frères Pandavas (épopée du Mahabaratha) s’y réfugièrent pendant leur exil.

Le temple possède aussi un des cinq Swayambhu Lingams de Siddhpur.

Le Swayambhu Lingam du temple de Vatesvar | Photo : inconnu

Muktidham


Muktidham est un Smashan, un lieu d’incinération funéraire. Cet endroit est connu pour ses rites funéraires sacrés. Il est dit que les âmes des défunts peuvent trouver ici la mukti (le salut).


6 Comments on “Siddhpur, la ville des matru-shradh du Gujarat”

  1. Merci beaucoup pour cet article qui nous a bien éclairé et a repondu à toutes nos interrogations. Nous sommes tombées sous le charme de Siddhpur.

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