Déclaré depuis peu « patrimoine culturel » du Madhya Pradesh, Bhagoria est un festival qui célèbre non seulement l’arrivée du printemps et la fin des moissons, mais également l’amour ! Il est connu en effet pour sa « vivaah mela », sa foire matrimoniale. Bhagoria tombe pendant le mois hindou de Phalgun (février / mars), sept jours avant le festival d’Holi et est fêté avec enthousiasme par les peuples adivasis Rathwa et Bhil.
Le festival de « Bhagoria » tirerait son nom du mot « Bhag » qui signifie littéralement fuir ou s’enfuir ; cela fait allusion à cette tradition Rathwa (et Bhil) où un jeune homme s’enfuit avec sa bien-aimée pour officialiser leur histoire d’amour. Les amoureux restent alors cachés jusqu’à ce que leurs familles consentent à leur union et les considèrent comme mariés.
Dans une Inde dominée par les mariages arrangés, choisir seul.e son/sa partenaire n’est pas anodin. C’est pourtant un fait commun à bon nombre de peuples autochtones en Inde. On le retrouve notamment chez les Garasia, les Bhil et les peuples du Chhattisgarh comme les Muria, ces derniers disposant même de dortoirs collectifs (ghotul) pour que les jeunes adultes fassent « l’apprentissage de la vie ».
Une légende raconte aussi que Bhagoria est lié aux déités hindoues Shiva (Bhav) et Parvati (Gauri) qui ont été le premier couple de ce festival.
Bhagoria célèbre également la fin des récoltes, comme le suggère une autre histoire populaire : on dit qu’au 13e siècle, un roi Bhil du nom de Bhagga Nayak avait pour habitude d’organiser de grandes festivités après les récoltes, dans le village de Bhagor (d’où le nom de Bhagoria), situé dans le district de Jhabua. Cette tradition aurait perduré jusqu’à nos jours.
Le festival se tient pendant sept jours dans plusieurs villages situés dans différentes régions du Madhya Pradesh : Jhabua, Dhar, Alirajpur, Barwani et Khargone.
Les festivités comprennent généralement une fête foraine et plusieurs marchés tribaux (haat) où toutes sortes de produits sont exposés. Les haats servaient à l’origine de lien social quand les tribus vivaient dans des villages isolés. Dans l’Inde moderne, ces marchés adivasis ont toujours leur place et sont le reflet de la culture et des traditions d’une communauté.
Les participants au festival de Bhagoria arrivent en groupe, souvent les habitants d’un même village, dans des jeeps ou des mini-vans ultra bondés ; certains s’accrochent aux portières, d’autres sont perchés sur le toit du véhicule.
En descendant des jeeps, les hommes et femmes Rathwa forment un cercle et entament la « Bhagoria Ghair », une danse extatique rythmée, accompagnée de flûtes et de percussions.
Les hommes virevoltent et brandissent des arcs colorés, tout en émettant une sorte de cri de guerre, rappel de leur indigénéité. Cette ronde frénétique de danseurs et de musiciens devient vite enivrante. Tout comme je l’évoquais pour la Gavari des Bhils, la Bhagoria Ghair vous transporte dans un autre monde, aux racines de l’Inde.
Après ce rituel, le cortège marche un temps vers la foire, puis les membres finissent par se séparer ; des groupes de jeunes hommes et de jeunes femmes se forment (souvent en habits de même couleur) et paradent dans les rues du village.
Si les jeunes hommes ont en majorité troqué leur lungi-pagdi (pagne, chemise et turban) pour des habits à la mode occidentale (à mon grand désarroi !), les jeunes femmes, elles, continuent à porter le costume traditionnel Rathwa : un ensemble lugda-ghagra (une jupe, un haut court et un voile) mis en valeur par des bijoux en argent exubérants.
Les ornements des jeunes femmes se composent d’un « haaidi Haar », un large collier-chaîne qui tombe jusqu’au nombril, de multitudes de bracelets appelés « vank », de « hathphul » (bijoux de mains) et d’une kandora, une large chaîne posée sur la hanche gauche.
La foire de Bhagoria se termine le jour d’Holika (la veille du festival d’Holi)… Et, à partir de là, d’autres festivités prennent le relais, toutes aussi surprenantes et fascinantes que ce festival : Holi & Kavant.
Jai Johar ! Jai Adivasi !
VOYAGEZ EN TERRE RATHWA PENDANT HOLI