Harshnath, situé sur la colline Aravalli de Harshagiri, à 900 mètres d’altitude, est la belle surprise archéologique du district de Sikar (Rajasthan). Cet ensemble de temples dont le plus ancien remonte au 10e siècle de notre ère est encore peu connu des voyageurs ; il a pourtant tout pour plaire aux amoureux de belles pierres et je ne manque jamais de l’ajouter dans mes circuits de la région du Shekhawati.
Il nous faut rouler plus d’une demi-heure en voiture via une route sinueuse pour accéder au site de Harshnath. Il y a une décennie de cela, cette route n’existait pas et les pèlerins devaient grimper des centaines de marches jusqu’au sommet de la colline. Le panorama qui défile, sur la plaine et les monts de la chaîne Aravalli, est superbe.
À l’arrivée, le premier édifice reconnaissable est un petit temple simple avec une sikhara (un clocher) très pointue. On pense à ce moment-là que c’est le temple principal et on est un tantinet déçu.
En réalité, le temple principal de Harshnath se tient à gauche. Il est en ruine et ne possède plus de Sikhara, voilà pourquoi on ne le remarque pas tout de suite. Cependant, malgré son état de délabrement, ce temple mérite d’être classé parmi les merveilles archéologiques du Rajasthan.
Selon les inscriptions retrouvées sur le site, il aurait été construit entre 956 EC et 957 EC sous l’impulsion de l’ascète shivaïste Bhavarakta, alias Allata, pendant le règne du souverain Vigraharaja I de la dynastie Chahamana. Il était alors entouré de nombreux temples mineurs dont les ruines sont éparpillées tout autour.
Le temple est de forme pancharatha, c’est-à-dire que sa tour comportait sur chacun de ses quatre côtés cinq rathas, sorte de saillants verticaux. Le « ranga mandapa » ou « hall de musique et de danse » comporte quatre piliers centraux et des transepts latéraux avec des balustrades.
Au milieu du mandapa se trouve un petit Shiva-lingam, datant de la même époque que le temple, probablement un des vestiges des temples mineurs du site.
Le garbhagriha (sanctuaire principal) abrite le lingam d’origine ainsi que des sculptures de la déesse Parvati, la parèdre de Shiva, avec ses suivantes… Que j’ai dû photographier en catimini !
La statue de Nandi, le taureau divin, monture de Shiva (vahana), se trouve à l’extérieur du temple, taillée dans un seul bloc de marbre blanc. Elle semble plus récente que le temple du 10e siècle, mais rien n’est dit à ce sujet.
Les sculptures du temple font toute sa beauté. Ses piliers sont abondamment ornés de divinités, danseurs, guerriers et de montres Kirtimukhas.
Les images de déités, sur ce qui reste de la Sikhara (clocher), sont particulièrement remarquables. On y voit des femmes voluptueuses, apsaras ou déesses, se tenant en « tribhanga », une courbure artistique en forme de « S » utilisée dans la danse classique Odissi.
Une autre statue représente « Agni dev » (le dieu du feu), une des déités majeures de l’époque védique (Inde ancienne) aux côtés de Vayu (le dieu du vent) et de Surya (le dieu du soleil). Sa monture est le bélier, animal sacrificiel.
Le temple de Harshnath a été complètement détruit par les armées de l’empereur moghol Aurangzeb en 1679. En 1718 EC, le souverain Rao Shiv Singh de Sikar, entreprit de réhabiliter le site. Un nouveau temple, également dédié à Shiva, a été construit à droite de l’ancien, mais sans son charme.
Le complexe nous réserve une autre surprise : il nous faut descendre vers le nord sous une chaleur implacable pour découvrir un temple dédié cette fois-ci à Bheruji (Bhairav) qui représente le dieu Shiva sous sa forme féroce. Il n’y a pas de mention concernant l’ancienneté du lieu, on constate cependant qu’il a été (re)bâti avec des morceaux de ruines.
À l’entrée de ce troisième temple, une superbe statue antique me saute aux yeux : celle d‘une femme dotée d’une tête d’éléphant ; c’est une forme très rare en Inde. Son identification n’a pas été tranchée de façon définitive. Certains érudits pensent que c’est la « Shakti » du dieu hindou Ganesha, c’est-à-dire sa forme féminine et elle prend, par conséquent, le nom de Vinayaki ou Ganeshani.
D’autres pensent que c’est une déité à part liée aux pratiques du tantra. On la voit dans certains temples des 64 Yoginis comme à Hirapur dans l’Odisha ou à Bhedaghat dans le Madhya Pradesh. Elle s’appelle dans ce cas, Sri Aingini.
Une volée de marches nous mène ensuite vers un petit sanctuaire avec l’image ancienne de Durga, puis, plus bas, vers le temple principal de Bheruji.
Je suis exceptionnellement autorisée à prendre une photo de la statue de Bheruji qui comprend trois corps taillés grossièrement dans la roche. Une lampe à huile éternelle brûle devant la déité. J’en profite aussi pour prendre quelques clichés de statues anciennes à l’arrière du temple.
Alors que je remonte les marches vers la sortie, un groupe de fidèles entrent dans le sanctuaire une bouteille de whisky à la main. En Inde du Nord, donner de l’alcool en offrande à certaines déités comme Shiva ou Durga est tout à fait normal, c’est une des pratiques du tantra.
Une légende populaire raconte que Bheruji est le frère de Jeen Mata, la déesse du pouvoir, avatar de Durga, dont le temple se trouve au pied de la colline de Harshagiri. Il est de coutume, pour les fidèles hindous, de se rendre tout d’abord au temple de Jeen Mata, grand lieu de pèlerinage Shakti peeth, avant d’honorer Bheruji.
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