La région du Shekhawati au nord-est du Rajasthan est souvent oubliée des circuits touristiques. Elle fut pourtant aux 18e et 19e siècles, une des régions les plus en vue du Rajasthan. L’opulence des marchands Marwaris leur permit de construire des demeures palatiales revêtues à l’intérieur comme à l’extérieur de somptueuses fresques, véritables chef-d’oeuvres mêlant mythologie hindoue et éléments de la vie courante. En raison de cela, la région du Shekhawati est souvent surnommée « la galerie d’art à ciel ouvert » du Rajasthan.
La région du Shekhawati couvre une large partie du nord-est du Rajasthan, elle comprend les villes principales de : Nawalgarh, Dundlod, Mukundgarh, Churi Ajitgarh, Mandawa, Jhunjhunu, Churu, Alsisar, Ramgarh, Bissau, Mahansar, Lakshmangarh, Fatehpur, Sikar.
Le Shekhawati a été fondé par Rao Shekha Ji de Dhundhar (région de Jaipur). Il est apparenté au clan rajpoute Kachhwaha de Jaipur-Amber. En 1471 EC, il refusa de payer tribut aux dirigeants Kachhawaha et proclama son indépendance. Ainsi, le Shekhawati vit le jour.
Rao Shekha Ji fit plusieurs incursions dans cette région au cours du 15e siècle. Puis ses descendants qui entretenaient des relations amicales avec les Rajpoutes Kachhwaha d’Amber et les moghols reçurent plusieurs Jagirs (propriétés foncières). Au 18e siècle, presque toute la région du Shekhawati passa sous le contrôle des Shekhawats.
Le Shekhawati fut gouverné par les Rajpoutes Shekhawat jusqu’à l’indépendance de l’Inde.
Le Rajasthan était un passage obligé pour les caravanes commerciales. Elles empruntaient, entre autres, la route de Delhi vers le Sindh en passant par Bikaner et Jaisalmer.
Au début du 18e siècle, les routes du Rajasthan deviennent plus sûres et plus courtes et échappent aux rebellions du Maharashtra contre l’empire moghol. L’activité commerciale augmente alors considérablement aux pays des rois.
Ainsi, dans la seconde moitié du 18e siècle, Jaipur devient un important centre commercial. Cependant, les querelles intestines entre souverains et une trésorerie déficitaire forcent les dirigeants de Jaipur à imposer de lourdes taxes sur leurs territoires. Bikaner emboîte le pas.
Les Thakurs (seigneurs locaux) du Shekhawati profitent de cette occasion pour détourner les routes commerciales en réduisant considérablement les taxes. La région deviendra alors la plus fréquentée par les caravanes commerciales.
Les Thakurs incitent également les banias (commerçants), les « Marwaris* », à s’installer sur leur territoire. Pendant plus de 50 ans, de 1740 à 1800 EC, le Shekhawati devient une des provinces les plus riches de l’Inde.
* Les Marwaris sont des personnes appartenant à la région de l’ouest du Rajasthan, connue sous le nom de Marwar, qui comprend principalement les zones de Jodhpur, Nagaur, Pali, Jalore et Barmer. Le terme identitaire « Marwari » a probablement été utilisé par les commerçants du Marwar lorsqu’ils immigrèrent en dehors de leur région d’origine.
Cependant, à partir de la deuxième moitié du 19e siècle, l’installation du chemin de fer par le Raj Britannique et surtout de ports à Bombay et Kolkata (Calcutta) modifient le modèle du commerce. La prospérité du Shekhawati basée sur les routes terrestres s’essoufle.
Les Marwaris, néanmoins, en dignes hommes d’affaires, rebondissent très vite en migrant dans les grandes villes indiennes dès 1820, Mumbai et Kolkata principalement. Ils accroissent encore leur richesse en investissant dans de grandes industries, le coton notamment.
Au 19e et au début du 20e siècle, les Marwaris dont la fortune est sans égale en Inde, font ériger dans les villages où demeurent encore leurs familles de nombreuses demeures grandioses (havelis) qui font le bonheur des amateurs d’architecture comme moi.
De nos jours encore, les descendants des Marwaris du Shekhawati, les Birlas, Damias, Goenkas, Podars, pour ne citer qu’eux, dominent largement le secteur industriel en Inde
Malheureusement, une grande partie de ces magnifiques maisons de maître est en état de délabrement avancé bien que des tentatives de sensibilisation aient été entreprises par le gouvernement indien. Un classement à l’UNESCO permettrait de sauvegarder ces oeuvres d’art et d’apporter un second souffle touristique à cette région.
Au mois de février, la région de Shekhawati célèbre son précieux patrimoine. Organisé conjointement par l’office du tourisme et la Fondation Morarka, le festival Shekhawati comprend des visites organisées, de l’artisanat, une foire aux bestiaux, des cours de cuisine bio et des remises des prix. Les principales festivités ont lieu au Stade Mandal Surya à Nawalgarh ; Les autres dans les zones de Sikar, Jhunjhunu et Churu.
Nawalgarh est l’une des villes majeures de la région, elle fut à une époque nommée la ville d’or du Shekhawati en raison de son opulence. Elle possède un bon nombre d’havelis en plus ou moins bon état. La plus populaire est l’haveli Podar construit dans les années 1902 par M. Anandilal Podar et qui possède plus de 750 fresques. La maison de maître a été reconvertie en musée et sert de centre culturel présentant le patrimoine du Rajasthan.
Les deux autres fameux havelis de Nawalgarh sont Morarka et Bansidhar Bhagat, ce dernier étant remarquable pour la finesse de ses fresques aux influences italiennes.
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EN SAVOIR + SUR NAWALGARHLe petit village de Dundlod à quelques kilomètres de Nawalgarh possède aussi quelques beaux édifices dont l’haveli Goenka est le meilleur exemple. Joliment rénové et transformé en musée, il se compose de plusieurs « tableaux » représentant des scènes de la vie quotidienne d’antan.
Juste en bas du village, se trouvent plusieurs « chhatri » (cénotaphes). Celui de Ram Dutt Goenka, construit en 1888, a une coupole peintes de fresques vibrantes de scènes du Ramayana et du Mahabharata, les deux épopées indiennes.
Il y a également un fort à Dundlod, toujours occupé par la famille du Thakur Raghuvendra Singh. Il est ouvert au public seulement de temps à autre. Il est utilisé comme hôtel pour les personnes qui font des safaris équestres avec le maharajah et sa fille, Mallyka Singh.
Créée au 18e siècle, Mandawa est la plus touristique des villes du Shekhawati, c’est là que les voyageurs posent habituellement leurs valises. Ici, la visite la plus connue est la « Chokhani double haveli », une demeure construite avec deux ailes adjacentes à la fin du 19e siècle par les Chokhanis, des marchands prospères de Mandawa.
Le fort est une autre des visites populaires de Mandawa. Il a été construit par Newal Singh, le premier descendant des dirigeants du Shekhawati. Aujourd’hui, il a été transformé en hôtel historique.
L’haveli « Snehi Ram Ladia » mérite aussi le détour. Hormis son côté historique, la demeure sert de boutique d’antiquités qui ravira les voyageurs chineurs.
À 30 km au nord-est de Mandawa, nous arrivons à Jhunjhunu connu surtout pour son temple grandiose de « Rani Sati ». Rani Sati ou Narayani Devi est une dame qui a vécu entre le 13e et le 16e siècle et qui s’est immolée sur le bûcher de son mari. Pratique terrible et interdite depuis 1829, plusieurs temples du Rajasthan sont néanmoins consacrés à Rani Sati qui est considérée comme une sainte.
D’autres monuments valent aussi le coup d’oeil, le Modi & Tiberwala Haveli, Khetri Mahal, le temple Sri Bihariji et le Medtni Ranisa, un puits à degré récemment rénové.
Tout au nord du Shekhawati se trouve la ville de Churu. Le nom Churu vient du souverain Rajpoute Choru Jat. Les Rajpoutes étaient la dynastie principale au pouvoir à Churu et, après la guerre de 1871, la ville fut rattachée à Bikaner.
Churu est pourvu de plusieurs centre d’intérêt remarquables, entre autres, l’hôtel Malji ka Kamra, le bassin Sethani Ka Johara et le fabuleux temple jaïn Sri Shantinath Bhagwan.
Mahansar, un petit hameau perdu dans la campagne, possède pourtant un haveli de prestige : le Sona Chand Ki Dukan ou « demeure d’or et d’argent » construit en 1850 par Sej Ram Poddar, un riche joaillier. Les fresques de la chambre dorée entremêlée d’or et de motifs floraux sont d’un raffinement époustouflant.
Ramgarh est, pour moi, la perle du Shekhawati. Si je ne devais visiter qu’un lieu dans cette ville, ce serait sans aucun doute son temple dédié à saturne (Shani) ; une véritable boite à merveilles composée de milliers de miroirs et de fresques délicates.
LIRE MON ARTICLE SUR LE TEMPLE DE SHANIMais ce n’est pas le seul atout de la ville : elle est aussi jalonnée de nombreux temples, d’havelis élégants, de puits « kua » aux tours perses et de Chhatri (cénotaphes) couverts de fresques mythologiques. Un incontournable dans le Shekhawati.
EN SAVOIR + SUR RAMGARHFatehpur est connu pour son haveli « Nadine Le Prince ». Nadine Le Prince est la descendante du prestigieux peintre français Jean-Baptiste Le Prince. En 1998, l’artiste achète l’haveli « Nand Lal Devra » bâti en 1802 par la famille Devra, la restaure entièrement et crée un hôtel ainsi qu’un centre culturel. Cependant depuis quelques années, l’haveli a fermé ses portes. A suivre…
D’autres havelis aux environs de celle de Nadine valent tout de même le détour, comme celle de « Saraf » décorée de fresques à foison dans les tons verts, rouges et bleus.
La ville de Sikar est moins gâtée au niveau de ses centres d’intérêt. Il y a néanmoins un lieu, à 20 km de là, qu’il ne faut pas manquer : celui de Harshnath. Situé sur la colline Harshagiri, à 900 mètres d’altitude, le site se compose d’un ensemble de temples dont le plus ancien remonte au 10e siècle de notre ère…
LIRE L'ARTICLE COMPLET SUR HARSNATHNous revenons sur nos pas pour nous diriger vers Lohargal situé à 30 km de Nawalgarh. Lohargal est un haut lieu de pèlerinage niché au cœur des monts Aravalli, entre banyans et manguiers centenaires. Lohargal abrite un temple dédié au dieu soleil (Surya), son bassin sacré attire une foule considérable de pèlerins surtout lors du mois de Shravan (août) et lors de Kartik Amavasya (novembre) qui marque le debut de la saison des mariages.
Selon la légende, Bhima, un des pandavas, héros de la grande épopée du Mahabharata serait venu s’y baigner ainsi que sa puissante armée, après avoir remporté la bataille de Kurukshetra. Pour se laver de leurs crimes, l’armée entière plongea dans le bassin sacré et nettoyèrent leurs armures maculées de sang. Un miracle se produisit et toutes les armes fondèrent dans l’eau. Depuis lors, le lieu est nommé « Lohargal » dont le sens littéral est « fait fondre le fer ».
Lohargal est aussi connu pour ses achaar (condiments épicés) et tout spécialement ceux à base de mangue verte.
Sur la route entre Lohargal et Nawalgarh, un dernier arrêt s’impose : celui du Chhatri de Parasrampura. Il abrite les fresques les plus anciennes de la région, illustrant de façon simple, cependant exquise, la vie princière des Thakurs du 18e siècle et des épisodes de la mythologie hindoue.
A visiter aussi à Parasrampura, l’haveli du village et son temple dédié à Krishna, tous deux ornementés de belles fresques.
LIRE L'ARTICLE COMPLET SUR PARASRAMPURALe Shekhawati, comme vous avez pu le découvrir, est un véritable trésor sur les terres du pays des rois. Nous vous invitons à venir découvrir cette région accompagné d’un guide culturel. À bientôt !
Dinesh Sharma, natif de Nawalgarh, est l’un des meilleurs guides culturels officiels de la région du Shekhawati et le co-directeur de l’agence MATHINI TRAVEL. Riche d’une expérience de plus de 10 ans dans le secteur du tourisme, il n’y a aucun recoin du Shekhawati qui lui échappe. Il aura a coeur de vous faire partager sa passion pour cette région unique en Inde.
Whatsapp: +91 9509122902
Bonjour
Comme à votre habitude une beau reportage .
Dans mon prochain voyage en INDE la visite de SHEKHAWATI
est prévu dans mon programme.
MERCI BEAUCOUP
Cordialement.
ADY
Merci Ady ! 🙂
Bonjour madame,
J’ai regardé votre article avec intérêt et il m’a rappelé des souvenirs.
Le monde des Havelis m’est encore proche.
En effet, j’ai eu l’occasion de séjourner dans le Rajasthan, ce qui m’a permis par la suite d’écrire ce livre : « Une Femme au Rajasthan » (visible sur mon site)
Je vous adresse mes cordiales salutations
Kathy Dauthuille
Bonjour Kathy, merci pour votre message. J’irai jeter un oeil sur votre site. Bien cordialement. Mathini.