La dernière fois que j’ai assisté à une cérémonie Rabari, c’était chez les Vagadiya de Kutch au Gujarat. L’atmosphère de leurs rituels était si immersive qu’elle me donna l’impression de voyager dans un autre espace-temps. Les Raika du Rajasthan partagent ce même art de la cérémonie. On y retrouve cette force d’attraction qui nous plonge au cœur d’une narration ancestrale, tissant un lien puissant avec l’identité profonde de cette communauté singulière.
Le téléphone sonne, c’est mon ami Rabari Magan qui me convie au mariage de l’un de ses amis. Je ne fais ni une ni deux, et me voici sur la route, direction Ranakpur, à 2 h d‘Udaipur. Cette région est connue pour son remarquable derasar jaïn et, également, pour être le fief de la communauté pastorale des Rabari Raika.
Une invitation à une union Rabari est une faveur rare, un honneur précieux que l’on ne saurait décliner. Nombre de familles refusent la présence de personnes extérieures. L’épisode de Kutch, où mon guide avait oublié de signaler ma venue, m’a laissé un goût amer.
Je suis conviée à l’étape cruciale du mariage raika : la « phera » (tours), la cérémonie sacrée qui officialise l’union du couple.
Après avoir retrouvé Magan à Ranakpur, nous entreprenons un court trajet d’une heure vers un charmant village niché dans la région de Jawai afin de me présenter à une partie de la famille ; le but est de ne pas arriver aux festivités du lendemain en parfaite inconnue. Kutch m’a quelque peu échaudée.
Les membres de la famille, parés de leurs costumes traditionnels raika, m’accueillent chaleureusement. Il se réjouissent que l’on s’intéresse à leur culture.
Le lendemain, les festivités commencent tôt. A 5 h, je suis dans les starting blocks, fin prête pour une nouvelle expérience en terre Rabari.
Aux alentours de 6 heure du matin, une joyeuse effervescence gagne la devanture de la maison du marié. Bientôt, le futur marié fait son entrée en voiture et prend place sur un banc entouré de sa garde rapprochée de meilleurs amis, véritables piliers de cette journée spéciale.
Le marié rayonne dans son doti richement brodé, rehaussé d’une veste aux fils d’or scintillants. Une épée à la main et, coiffé d’un turban rouge illuminé de LED qui clignotent, son allure est royale. Un bijou en argent singulier est suspendu sur le côté du turban, il semble que ce soit un bracelet de bras porté par les femmes Rabari.
Ensuite, selon la tradition, les invités défilent devant le marié pour lui présenter leurs vœux. Ce moment de congratulation, essentiel dans les célébrations de mariage indiennes, permet à chacun d’exprimer sa joie et son soutien au nouveau couple.
Chez les Rabari, le respect et l’affection se manifestent par un baiser sur la main droite, une coutume observée aussi bien par les hommes que par les femmes. Contrairement à la tradition commune indienne, ils ne pratiquent pas le toucher des pieds en signe de déférence.
Tandis que les invités se succèdent, une mélodie entraînante s’élève, portée par les voix des femmes. Elles entonnent avec ferveur des chants de mariage traditionnels en Marwari, la langue vibrante de cette région du Rajasthan.
Après environ 1h, l’heure de rentrer dans la maison pour le futur marié est arrivée. Mais avant cela, la traditionnelle cérémonie du « toran » doit être accomplie. Rabari oblige, ce rituel s’effectue à dos de dromadaire et non à cheval. Le marié enfourche sa monture et, à l’aide de son épée et d’un outil en bois qui sert au barattage du lait, il touche le toran.
Alors que je suis toujours absorbée par la cérémonie du toran, les femmes Rabari me tirent par le bras et m’entrainent rapidement vers l’arrière de la maison. Là, une porte étroite nous mène vers l’entrée principale. Cette prompte action m’a permis d’arriver à temps pour la cérémonie suivante, que j’aurai regretté d’avoir manqué.
Je retrouve le marié, debout sur une petite table transformée en piédestal sacré. Autour de lui, les femmes importantes de sa famille tiennent un plateau chargé de symboles de bon augure. Dans des coupelles reposant sur un lit de grains de blé, promesse de fertilité et d’abondance, se trouvent des ingrédients aux significations profondes : le kumkum, poudre rouge synonyme de chance et de prospérité ; le sucre roux naturel et le sucre candy, offerts pour nourrir et adoucir l’avenir du marié ; le curcuma, aux vertus purifiantes et gage de bonne santé ; et enfin, le henné pour la protection et le curd pour la pureté.
Jusque-là rien de nouveau, mais deux autres objets sur le plateau attirent mon attention : un peigne à poux et une pointe de flèche ! Les femmes de la famille proche les utilisent à tour de rôle pour bénir le futur marié, un geste destiné à éloigner le mauvais œil m’a t-on-dit. Par contre, la raison précise du choix de ces deux objets est restée obscure, encore un autre secret bien gardé des rituels indiens.
Après ce rituel, les femmes empoignent la baratte ainsi que le joug, recouverts d’un tissu rouge aux extrémités, et frappent le sol de part et d’autre du marié afin, là aussi, pour conjurer les mauvais esprits.
Une fois ces rites accomplis, le marié se dirige et s’installe sous le mandap, la structure sacrée où se déroulera la cérémonie culminante du « phéra », un moment essentiel et commun à tous les mariages hindous.
Une trentaine de minutes après l’installation du marié sous le mandap, la mariée raika fait son entrée. À l’instar des femmes Rabari de Kutch, son visage est entièrement dissimulé sous un odhani rouge bhandani, ce voile traditionnel aux motifs noués si caractéristiques. Leur première interaction officielle se déroule avec l’échange de guirlandes de fleurs fraîches, le jaimala, un geste symbolique d’acceptation mutuelle. Immédiatement après, le prêtre procède au Granthi Bandhan, un nœud sacré unissant le chunni (voile) de la mariée au dupatta (châle) du marié, scellant ainsi leur union éternelle devant les dieux et les hommes.
Après l’accomplissement de divers rites sacrés, les époux, désormais unis physiquement par le chunni, entament les sept circumambulations rituelles autour du feu sacré. Pendant ce moment crucial, les mantras védiques du prêtre résonnent, guidant leurs pas et bénissant leur union spirituelle.
Au terme du troisième tour, je prends congé de mes hôtes et les remercie pour cette fenêtre privilégiée sur leur culture. Encore une magnifique expérience sur « Magik India » !
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