Situé à Nagda, à seulement 20 kilomètres au nord-est d’Udaipur (Rajasthan), le complexe de temples de Sas-Bahu est un véritable joyau architectural qui ne manque jamais de m’émerveiller. Chacune de mes visites est une nouvelle occasion de contempler et de redécouvrir ces remarquables édifices. Ces temples sont un témoignage éloquent de l’architecture et de la sculpture médiévales indiennes reflétant le style architectural distinctif de la dynastie Solanki (également connue sous le nom de Chaulukya), qui a prospéré dans la région.
Derrière le nom intrigant de « Sas-Bahu » (qui signifie belle-mère et belle-fille) se cache une légende populaire. On raconte que la reine, la belle-mère, était une fervente dévote du Seigneur Vishnou, et c’est pour elle que le grand temple de Sahastra Bahu (Vishnou) fut construit. Plus tard, sa belle-fille, qui était une adoratrice du Seigneur Shiva, demanda la construction d’un temple pour sa divinité préférée, d’où le temple plus petit dédié à Shiva à proximité. Cette histoire, qu’elle soit factuelle ou apocryphe, a donné un nom unique et mémorable à ce complexe.
Érigés très probablement sous le règne du roi Mahipala de la dynastie Kachchhwaha, les temples Sas-Bahu datent principalement des 10e et 11e siècles de notre ère. À leur apogée, ils constituaient des centres religieux et artistiques d’une importance capitale. Malgré les ravages du temps et les invasions successives, de nombreuses structures et sculptures sont exceptionnellement préservées.
Ces temples sont des exemples emblématiques du style architectural Maru-Gurjara, qui a vu le jour au Rajasthan vers le 6e siècle de notre ère, et a connu son apogée sous les dirigeants Solanki du Gujarat (du 10e au 13e siècle de notre ère). C’est à ces derniers que l’on doit des chefs-d’œuvre tels que le splendide temple du soleil de Modhera. Le nom « Maru-Gurjara » lui-même est un hommage aux anciennes appellations du Rajasthan (Marudesh) et du Gujarat (Gurjaratra).
Ce style se distingue par une profusion de sculptures, ne laissant aucune surface vide. Cette décoration sculpturale intense révèle un lien étroit entre l’architecture Maru-Gurjara et celle des fabuleux temples Hoysala du Karnataka. On observe également de nombreuses similitudes frappantes avec les célèbres temples de Khajuraho, soulignant les influences et les échanges artistiques de l’époque.
Posés en hauteur sur une plateforme, le complexe des temples de Sas-Bahu se compose de deux temples principaux distincts : le plus grand, souvent appelé le temple de Sas (la belle-mère), et le plus petit, le temple de Bahu (la belle-fille). Le temple de Sas est entouré d’un groupe de dix sanctuaires secondaires de plus petite taille. Quant au temple de Bahu, il est accompagné de cinq sanctuaires annexes.
Le grand temple dit de la belle-mère (Sas) est dédié au Seigneur Vishnou, et plus précisément à sa forme à « mille bras » (Sahastra Bahu), d’où le nom d’origine des temples.
Le temple est d’architecture classique Nagara d’Inde du Nord, composé d’un « ardha-mandapa » (porche d’entrée), menant à un « gudha-mandapa » (salle de prière fermée). Un « antarala » (vestibule) assure la transition vers le « garbhagriha » (sanctuaire intérieur), cœur sacré de l’édifice, mais qui ici ne dispose pas de statue.
Le sanctuaire, justement, est construit sur un plan « pancharatha » : sa tour en brique (ou shikhara), bien que partiellement endommagée, présente sur chacune de ses quatre faces, cinq rathas, c’est-à-dire des projections verticales qui structurent et ornent l’édifice.
Aux angles cardinaux, le temple est orné de représentations de Brahma, Shiva et Vishnou. Elles sont surmontées des figures de Ram, Balarama et Parsurama, complétant ainsi cette composition divine.
Les trois entrées des différentes salles sont des chefs-d’œuvre de la sculpture sur pierre, avec des linteaux et des montants de porte sculptés de divinités, de scènes mythologiques et de motifs floraux.
Le gudha-mandapa est supporté par des arches de style torana. La finesse de l’exécution et la richesse des détails vous laissent sans voix.
Le mandapa est clos de chaque côté par des jalis richement ouvragés, laissant passer une lumière tamisée. Ces treillis sont ornés de représentations divines en relief, incluant des figures gracieuses d’apsaras (nymphes célestes), des frises détaillées et des scènes épiques du Ramayana.
Au milieu de cette foison sculpturale, on découvre également, comme c’est souvent le cas dans les temples anciens, des figures d’amoureux enlacés et des représentations plus suggestives inspirées du Kamasutra. Pour comprendre la présence de ces figures érotiques dans des lieux spirituels, je vous invite à consulter mon article sur Khajuraho.
Entre les deux temples se dresse une makara-torana, une arche ornée qui servait autrefois d’entrée indépendante vers les temples jumeaux. Avec la vue sur le lac adjacent en arrière-plan, cette arche ajoute une beauté saisissante au lieu.
Le petit temple de la belle-fille (Bahu) posé parallèlement au grand est dédié au Seigneur Shiva. Bien que plus modeste, il n’en est pas moins impressionnant par ses détails. Il partage des similitudes architecturales avec le grand temple, mais à une échelle plus intime.
Le mandapa du temple est doté d’un plafond octogonal et ses porches latéraux sont ouverts, ce qui le distingue du grand temple principal qui est, lui, fermé par des jalis. Des balustrades décoratives ajoutent une touche finale à cette structure.
Là aussi, le temple est orné d’une riche iconographie divine, présentant une multitude de divinités hindoues telles que Vishnou sous ses diverses incarnations, Brahma, Shiva et plusieurs déesses. On y trouve également une profusion de figures gracieuses d’apsaras, de musiciennes et de danseuses, toutes représentées avec une grande élégance.
Lors de votre visite aux temples de Sahasra Bahu, ne manquez pas de découvrir deux autres sites importants à proximité qui enrichiront votre exploration de l’histoire et de la culture du Rajasthan : le temple d’Eklingji et le village de Delwara.
Le temple d’Eklingji, à seulement 1,5 km des temples de Sahasra Bahu, est un site hindou majeur dédié à Shiva. Ce lieu de culte ancestral (certaines parties remontant au 8e siècle EC) est d’une grande importance religieuse, étant le temple principal de la divinité tutélaire de la famille royale de Mewar. Le sanctuaire a des horaires spécifiques pour le « darshan » (visite et prière) : généralement de 4h30 à 7h00, de 10h30 à 13h30 et de 17h00 à 19h30. Il est conseillé de s’habiller modestement.
Situé à 7 km au nord d’Eklingji, Delwara est un village pittoresque niché dans les collines d’Aravalli. Autrefois surnommée la « ville des dieux » en raison de son abondance de temples, Delwara propose aujourd’hui une immersion authentique dans la vie rurale du Rajasthan. Nous y organisons des tours thématiques axés sur la découverte de ce village authentique.
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