Tera est un des plus anciens villages du Gujarat, situé dans la région d’Abdasa de Kutch. Si le bourg ne recense que quelques âmes maintenant, il fut pourtant, au 18e siècle, un des fiefs majeurs des seigneurs Jadeja. Son fort, avec ses puissants remparts, témoigne de sa splendeur d’antan. Mais Tera est surtout connu comme une terre de pèlerinage ; son derasar jaïn, un des « moti panchtirthi » rassemble des dizaines de milliers de fidèles chaque année.
Normalement, on entre dans Tera par sa grande place lovée autour d’un arbre banyan centenaire, lieu de rencontre principal des villageois. Notre chauffeur s’étant quelque peu perdu dans les ruelles labyrinthiques du village, nous ne verrons jamais cette place conviviale. Au lieu de cela, nous partons directement au nord de Tera en longeant les remparts de son fort historique.
A un moment donné, la route s’arrête, il nous faut descendre de la voiture et continuer à pied. Nous ne savons pas où nous allons, mais l’aventure s’avère au final délicieuse : le village est jalonné d’anciennes demeures conservées « dans leur jus » avec des sculptures dentelées et des portes en bois craquelées. Celui en dit long sur le passé glorieux de ce petit coin du Gujarat.
Historiquement, Tera était un « jagir » (fief) donné par les souverains de Kutch à des membres de leur famille. Le fief de Tera comprenait alors plus d’une quarantaine de villages et était l’un des plus grands jagirs de Kutch. Il fut donné à l’un des fils de Rao Raydhan I sous le règne de Deshalji I (1718-1741).
Tera abritait à l’époque de riches marchands et artisans hindous, jaïns et musulmans (Bhanushali, Koli, Harijan, Parghi, Luhana, Rajpoute, Brahmines pour ne citer qu’eux), qui ont contribué à son développement en parant la région de nombreuses maisons de maître et de lieux de culte.
A l’heure actuelle, l’artisanat du bandhani (tie-and-dye) est encore un moyen de subsistance majeur pour de nombreuses familles du village.
Après trente minutes de marche, nous arrivons devant l’entrée du fort de Tera qui est visiblement fermée. Il n’y pas âme qui vive autour, nous sommes à l’heure de la sieste et la température, même en ce mois de décembre, est caniculaire. Seul un homme à moto nous fait comprendre que le fort n’est plus ouvert au public, et cela, depuis quelque temps déjà. A travers l’entrebâillement de la porte, on comprend effectivement que le lieu est laissé à l’abandon, les herbes folles ont envahi le lieu.
La visite du fort s’en tiendra donc à son imposante porte d’entrée flanquée de deux tours de guet sur chaque côté et d’un jharokha (balcon à encorbellement) placé au-dessus de la porte en bois.
Le fort fut endommagé une première fois lors de la révolte d’indépendance du seigneur de Tera contre le souverain Lakhaji Ier (1741-1760). Rao Lakhaji Ier répliqua en envoyant ses troupes qui détruisirent une partie du village et du fort. Ce dernier fut de nouveau touché lors du tremblement de terre de 1819. Sa reconstruction fut entreprise durant le règne de Rao Deshalji II (1819–60).
Le fort comprend apparemment un darbargarh orné de fresques de l’épopée du Ramayana. Palais qu’on ne verra pas non plus.
Nous repartons par la même route cabossée. En chemin, nous faisons une pause sur les rives d’un des trois lacs artificiels du village. C’est une des particularités de Tera. Le bourg possède en effet trois lacs interconnectés du nom de Chhatasar, Sumarasar et Chatasa, parfaits exemples d’une d’ingénierie avancée en matière de gestion de l’eau. L’eau de pluie venant d’une colline environnante est filtrée à travers ces trois lacs.
Nous continuons à rouler et traversons une large muraille rouge brique, vestige des fortifications du village. Non loin, se trouve la porte d’entrée du derasar de Tera, un lieu de pèlerinage majeur pour la communauté jaïne. Ce temple, ainsi que ceux de Kothara, Naliya, Jakhau et Suthri, sont connus sous le nom de « Moti Panchtirthi » (ou cinq grands pèlerinages d’abdasa) par les Jaïns. Près de 50 000 fidèles viennent s’y rassemblent chaque année.
Les premières fondations du temple datent du 17e siècle. Puis, il a été rénové en 1895, principalement par les Mistris de Kutch, une communauté d’artisans notable de la région.
Passé le Dharmashala du temple, où nous avons déjeuné, une longue allée nous mène au derasar. Comme nous arrivions juste avant un festival jaïn, le temple venait d’être complètement repeint, arborant des couleurs vives.
L’entrée du derasar est concue sur le modèle d’un haveli avec des arches et des jhakhoras. Ce complexe de temples compte neuf shikharas (toits en pointe), un sanctuaire principal et six autres temples mineurs. Les façades sont richement ornées de Yaksha (esprits qui gardent le tirthankara), de danseuses célestes (apsaras) et de musiciens (gandharvas).
Le garbhagriha du temple abrite l’idole en marbre blanc de Shri Jirawala Parshwanath Prabhu. Parshwanath est considéré par les jaïns comme leur vingt-troisième Tirthankara, un Maître éveillé de notre époque. Parshwanath serait né à Varanasi au 9ᵉ siècle avant notre ère.
On dit que l’idole a été installée par le roi Sri Samprati lui-même. Samprati (224 – 215 avant notre ère) fut le cinquième empereur de l’empire Maurya. Petit-fils du grand Ashoka, il fit construire des milliers de Derasars jaïns.
Un temple de Shri Shyamala Parshwanath Bhagwan avec une statue en schiste noir est également présent à côté du sanctuaire principal
Le derasar de Tera est également connu sous le nom de « Kaanch Mandir » (temple de verre), en raison d’un fabuleux travail d’incrustation de verre couvrant tout l’intérieur du temple.
Ainsi se termine la visite de Tera, la suite de l’histoire des temples « Moti Panchtirthi » dans un prochain numéro de MAGIK INDIA… To be continued !
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