Amarnath, le pèlerinage du lingam de glace

Au cours du mois de Shravan (juillet et août), des centaines de milliers de fidèles hindous entreprennent un pèlerinage ardu de plus de 40 km à travers la majestueuse chaîne himalayenne du Cachemire. Ils viennent y vénérer une image bien particulière du seigneur Shiva : un lingam-stalagmite de glace qui se forme chaque année dans la grotte d’Amarnath, tout au bout de la vallée de Lidder.

Amarnath est considéré comme l’un des principaux yatra (pèlerinages) hindous et, selon moi, s’il n’en fallait choisir qu’un seul, ce serait sans conteste celui-ci. L’incroyable beauté des paysages, la ferveur dévotionnelle des pèlerins ainsi que l’ambiance chaleureuse et conviviale tout au long du Yatra sont inégalées.

La grotte est recouverte de neige la plupart de l’année, sauf pendant une courte période de 2 mois en été, quand elle est ouverte aux pèlerins.

Amarnath
Le Lingam-stalagmite de glace d’Amarnath

Les légendes d’Amarnath


Bien que les Puranas (Saintes Écritures hindoues) fassent déjà mention de l’existence de la Grotte sacrée, l’histoire populaire raconte qu’elle fut redécouverte par un berger musulman du nom de Buta Malik, au 15e siècle.

On dit qu’un saint homme donna à Buta Malik un sac de charbon pour qu’il se chauffe. Quand il arriva chez lui, le berger découvrit, à sa grande surprise, que le sac était rempli de pièces d’or. Il fut submergé de joie et courut remercier le saint. Mais ce dernier avait disparu. Au lieu de cela, il découvrit la Sainte Grotte et le lingam de glace. Il annonça cette découverte aux villageois et, dès lors, cet endroit devint un haut lieu de pèlerinage.

Une autre légende raconte que la grotte a été choisie par le dieu Shiva lui-même pour pouvoir dévoiler les secrets de l’immortalité et de la création de l’Univers à son épouse, Parvati.

Amarnath
Parvati et Shiva

Un jour, Parvati demanda à son époux Shiva de lui dire pourquoi il portait un collier de têtes de mort (Mund Mala) autour du cou. Shiva répondit : « chaque fois que tu te réincarnes, j’ajoute une perle à mon collier ». Parvati lui dit alors : « mon corps meurt encore et encore, mais toi, tu ne meurs jamais, comment cela est-il possible ? Shiva répondit qu’il détenait « l’Amar Katha », le secret de l’immortalité.

Amarnath
Les pics de Sheshnag

Parvati insista pour qu’il lui révèle le secret d’Amar Katha, mais, pendant longtemps, Shiva évita cette discussion. La persévérance de Parvati le décida enfin à lui révéler le secret de l’immortalité. Il choisit pour cela un endroit isolé où aucun être vivant ne pourrait l’entendre : la grotte d’Amarnath.

Pour être sûr qu’ils seraient seuls, il laissa tout d’abord Nandi (le taureau lui servant de monture) à Pahalgam (Bail Gaon) ; c’est pour cela que le pèlerinage commence habituellement à Pahalgam.

Puis, à Chandanwari, il enleva la lune de ses cheveux (Jataon) et, sur les bords du lac Sheshnag, il libéra le serpent qu’il portait autour du cou.

Amarnath
Shiva

Il décida ensuite de quitter son fils Ganesha à Mahagunas Parvat (Mahaganesh Hill). Enfin, à Panjtarni, Shiva laissa les cinq éléments (la terre, l’eau, le feu, le ciel, l’éther) derrière lui.

Après s’être délaissé de tout ce petit monde, Shiva pénétra dans la Sainte Grotte d’Amarnath avec Parvati et il entra alors en samadhi (profonde méditation) sur une peau de cerf.

Pour veiller à ce qu’aucun être vivant ne puisse entendre le secret de l’immortalité, il créa Rudra aussi nommé « Kalagni » et lui demanda de provoquer un incendie pour éliminer tout ce qui vivait dans et autour de la Sainte Grotte. Après cela, il commença à raconter le secret de l’immortalité à son épouse.

Amarnath
Les splendides paysages du Yatra d’Amarnath

Cependant, par inadvertance, un œuf qui se trouvait sous la peau de cerf fut épargné par le feu. Une paire de pigeons naquirent de cet œuf et devinrent immortels après avoir écouté le secret de l’Amar Katha. La croyance populaire veut que le couple de pigeons que l’on voie de nos jours à l’entrée de la grotte soient ceux-là même qui naquirent de l’œuf caché.

Shiva énonça par la suite que quiconque visiterait la grotte d’Amarnath atteindrait la moksha, la liberté du cycle des naissances et des morts (réincarnation).


Les formalités


Avant de pouvoir entreprendre ce fascinant pèlerinage, vous devez obtenir un permis. Il est délivré suite à des tests médicaux (analyse de sang, radiographie des poumons et bilan cardiovasculaire) dans des hôpitaux agréés indiens ainsi qu’en s’enregistrant dans une banque listée par l’organisation du yatra.

Amarnath
Mon permis d’Amarnath

Le permis se présente sous la forme de trois volets que vous remettez aux autorités sur le terrain. Il mentionne entre autres votre nom, adresse ainsi que la date et le lieu de départ du yatra que vous avez choisis.

A NOTER : après l’enregistrement à la banque, vous ne pourrez plus changer ces données. Si vous perdez votre permis ou voulez changer de date par exemple, vous devrez refaire tout le processus administratif et repasser le check-up médical.

Amarnath
Le chemin du Yatra

RECOMMANDATIONS : l’altitude, l’effort physique et les conditions climatiques changeantes sont éprouvants et mettent le corps à rude épreuve ; ceci s’est même avéré fatal pour certains pèlerins. Si pour les sportifs, ce pèlerinage ne pose aucun problème particulier, si ce n’est le manque d’oxygène qui vous oblige parfois à ralentir le pas, pour les autres en revanche, il leur est fortement recommandé de pratiquer un entraînement physique avant le commencement du yatra. La montagne est imprévisible. Mieux vaut s’assurer que vous êtes au mieux de votre forme avant de commencer cette ascension sacrée.

Pour plus de précisions, consultez le site officiel du Yatra.

Amarnath
Une des traversées dangereuses

L’itinéraire


Il y a plusieurs façons d’entreprendre le pèlerinage d’Amarnath : à pied, à cheval ou bien même en hélicoptère (!) à partir de la ville de Baltal.

Amarnath
L’itinéraire d’Amarnath

Le yatra commençait jadis à partir de Srinagar, à 90 km de Pahalgam. La pratique la plus courante de nos jours consiste à le démarrer à Chandanwari, à 16 km de Pahalgam. De là, plus de 40 km vous attendent : 30 km jusqu’à la grotte sacrée et 14 km de la grotte jusqu’à Baltal, la ville d’arrivée.

Certains débutent la marche à Baltal, et ne marchent que 14 km jusqu’à la grotte. D’autres font le yatra en sens inverse de Baltal à Pahalgam.

Le pèlerinage à pied de Pahalgam à Baltal prend de 2 à 5 jours selon votre condition physique.


Mon pèlerinage d’Amarnath (2 jours)


La journée débute vers 5 h du matin, un taxi nous conduit de Pahalgam à Chandanwari. Une longue file d’attente commence alors. Le Cachemire étant une zone sensible, les voitures sont passées au peigne fin par la police.

Amarnath
La longue file d’attente se forme alors que les forces de sécurité vérifient soigneusement chaque voiture.

Deux heures plus tard, à Chandanwari, la randonnée démarre enfin et s’avère ardue pendant au moins une dizaine de kilomètres. Les paysages à couper le souffle et l’énergie de groupe nous tirent malgré nous vers le sommet.

Amarnath
Chandanwari, les premiers kilomètres ardus

Le sentier longe la rivière Lidder jusqu’au mont Pissu. L’histoire raconte que pour arriver les premiers au darshan (vision) de Shiva, il y eut une guerre entre les Dévas (dieux) et les Rakshas (démons). Grâce à l’aide de Shiva, les Dévas prirent le dessus. Ils tuèrent les Rakshas en si grand nombre que l’amoncellement de leurs cadavres créa le mont Pissu.

Lac de Sheshnag

Douze kilomètres après Chandanwari, nous atteignons le camp de base de Sheshnag où nous passons la nuit dans des toiles de tentes aménagées, louées par des cachemiris.

Amarnath Yatra
L’excellente cuisine des organisations « Bhandare »

Des bhandare, organisations hindoues non-gouvernementales, prennent soin des repas qui nous sont servis à titre gracieux. Loin d’être une « cuisine de cantine », les repas des bhandare sont d’une variété et d’une qualité surprenantes dignes des meilleurs restaurants.

Camp de base de Sheshnag

Sheshnag est une montagne qui tire son nom de ses sept pics, ressemblant aux têtes du serpent mythique du même nom. Elle surplombe les eaux turquoise du lac Sheshnag.

La fraîcheur et la quiétude de la montagne nous plongent dans un profond sommeil et nous voici, dès 5 h du matin, dans les starting-blocks pour entreprendre une longue marche, de Sheshnag jusqu’à la Sainte Grotte d’Amarnath puis d’Amarnath jusqu’à Baltal, soit environ 30 km.

Encore une fois, les paysages sont de toute beauté et, maintenant, la neige vient aussi à votre rencontre.

La neige vient à notre rencontre

Après plusieurs collines sinueuses, nous atteignons les prairies du camp de base de Panchtarani entourées de glaciers majestueux où les bergers font paître leur bétail. A cet endroit, au pied du mont Bhairav, coulent sept rivières qui, selon la légende, prennent source dans les cheveux de Shiva (Jataon).

Camp de base de Panchtarani

A partir de Panchtarani, la grotte n’est qu’à 6 km seulement, mais la montée, saturée de pèlerins, s’avère raide et escarpée et prend plusieurs heures. Nous peinons à reprendre notre souffle ; l’altitude est maintenant de 3 600 m.

La vallée de Lidder

Au détour d’un virage, la vallée de Lidder et la grotte sacrée en arrière-plan se dévoilent enfin. Amarnath bouillonne de pèlerins et de chevaux et il est difficile de se frayer un chemin.

Nous nous plongeons rapidement dans les eaux glacées de la rivière Lidder, et vêtus d’habits neufs, nous voilà maintenant au pied de la grotte. L’ambiance est pieuse, l’excitation palpable, et le darshan (vision) du lingam de glace est empreint de solennité… Instant magique. Om Namah Shivaya !

La grotte d’Amarnath

Mais il faut déjà penser au retour, les derniers 14 km jusqu’à Baltal. A première vue rien de bien difficile, cependant la fatigue se fait maintenant ressentir et les derniers kilomètres, à la lueur de ma lampe frontale, semblent se rallonger à l’infini.

Le retour vers Baltal

La civilisation n’est plus très loin maintenant, Baltal et ses rues animées nous accueillent enfin. Le sourire aux lèvres, le cœur reconnaissant, nous nous remémorons les étapes de cette incroyable aventure, unique au monde.

Baltal

[ Vidéo de mon pèlerinage d’Amarnath en 2015 ]


14 Comments on “Amarnath, le pèlerinage du lingam de glace”

  1. Bonjour, mon nom est julien et je voulais savoir si il était possible d’avoir une convertation ensemble, car nous avons un projet d’école qui consiste à parler de ce pèlerinage en particulier. Je vous demande ceci, car il est très dure de trouver des informations dans des livres et il y a peut de blogues avec certain détail que nous cherchons.

    Cordialement,
    Julien

    • Bonjour Julien, merci de votre message. Je vous ai directement répondu par email. à bientôt, bien cordialement, Mathini

  2. J’ai fait le pèlerinage en 1971. Pèlerinage complètement dingue, dans une ambiance . Des hommes portant à dos d’épaules des palanquins avec des femmes à l’intérieur, se tordaient littéralement pour escalader les rochers sans faire tomber leur précieux chargement… Je suis monté pieds nus à la grotte (plus de chaussures), avec un fagot de bois porté sur la tête. Car pour passer la nuit dans la grotte il fallait emmener son bois de chauffage. Car à cette altitude les arbres ont disparus. Dans la grotte vivait un sadhou , disciple de Shiva, complètement nu. Et la nuit, le froid ne l’a pas fait sourciller. En fin d’après midi, il n’y avait plus aucun pèlerin. C’était étonnant de voir ces milliers de gens disparaitre si rapidement après avoir fait un tel effort. Ils étaient tous redescendus. Je suis resté avec le sadhou et 3 autres occidentaux que j’avais rencontré avant de monter. Nous avons passé la nuit dans la grotte. Le lendemain matin, j’ai quitté mes compagnons, et je suis redescendu, ne croisant qu’une bande des vautours, qui refusaient de me laisser passer parce qu’ils étaient occupés à casser la croute avec un cheval qui s’était tué la veille, barrant le sentier de sa carcasse…

    • Bonjour Vital, merci de votre message relatant votre belle expérience ! Depuis cette époque les choses ont bien changé, la grotte est maintenant grillagée et les pèlerins peuvent même y accéder en hélicoptère ! Votre histoire m’intéresse, seriez-vous partant pour écrire un article sur votre pèlerinage à Amarnath ? Bien cordialement, Mathini

  3. bonjour,
    j’ai fait ce voyage le 12 août 1977….j’avais 20 ans…
    le temps a passé je n’ai rien oublié …
    et surtout le fait que cette nuit de pleine lune où j’avais pénétré la grotte ,
    j’ai perdu le groupe avec lequel j’étais et je me suis retrouvé seul au milieu des prêtres et des militaires qui gardaient le lingam au fond de la « Holly Cave ».
    J’aimerai retrouvé le groupe de Français avec lequel j’étais , mais c’est presque impossible à réaliser.
    Cordialement de l’ile de la Réunion.

    • Bonjour Gérald et merci de ce témoignage ! En 1977 ! Wouah ! Maintenant on ne peut plus accéder au lingam directement, il est protégé par des grilles.. dommage .. Bien cordialement, Mathini

    • J’ai fait le pèlerinage en juillet 1978. De Pahalgam à la grotte dans la journée. Mantras et shiloms pour l »énergie. Nuit glaciale et sublime, et retour Pahalgam le lendemain matin en courant tout du long. Impossible d’oublier le darshan du Lingam.
      Nous étions un groupe de charsis de Manikaran. Il reste peut être des survivants …

      • Bonjour Olivier, merci de ce témoignage, oui peut-être pourrez vous retrouver quelques membre du groupe 🙂

  4. Je l’ai fait 2 fois en 1978 et 1980 pour la pleine lune d’août, pas besoin de permis à l’époque on dormait dans la grotte avec les sadhus

    • Super, la bonne époque 🙂 suite aux nombreux accidents et conflits, il faut maintenant un permis

  5. J’ai oublié: en mai, juin ou septembre, est-ce possible d’y allé ou est-ce fermé?

    • Le pèlerinage d’Amarnath n’est ouvert aux pèlerins qu’en Juillet et août. Mais avant cela il faut obtenir un permis après avoir passé des examens médicaux dans des hopitaux agréés en Inde.

  6. Namasté,

    Merci pour ce superbe aperçu. Je prévois de faire le pelerinage d’Amanath. Par contre, combien de temps faut t’il marcher par jours? Perso, avec mes genoux délicats, 5 heures seraient un maximum. Question pratique, est-ce comme en Inde du sud ou la nourriture met le feu à la bouche? Merci.Om Namah Shivaya!

    • Bonjour Sreepati, merci de votre message, je vous réponds directement par email 🙂

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