Sur la route reliant Pondichéry à Thanjavur, au Tamil Nadu, se dresse le temple de Chidambaram, un lieu où la sacralité prend une forme inattendue. Le dieu Shiva y est célébré en tant que Nataraja, le Seigneur de la danse cosmique, qui incarne l’éther. Cette particularité est le prélude au grand secret du temple : un espace vide invitant à chercher le divin non pas dans la forme, mais dans l’essence invisible. Le temple tout entier devient ainsi un miroir de l’univers et de l’âme humaine.
Le nom Chidambaram lui-même est imprégné du symbolisme du lieu. Il est souvent considéré comme la fusion de deux étymologies. La première, plus ancienne, vient du tamoul « Cirrambalam », qui signifie « petit hall », en référence à la hutte primitive qui se dressait au cœur d’une forêt de mangroves.
Une autre étymologie, plus métaphysique, le décompose en « chit » (« conscience ») et « ambaram » (« ciel » ou « éther »). Cette interprétation renvoie au concept de « chidaakasam », le « ciel de la conscience », un état de béatitude suprême.
Ce symbolisme de l’éther est central, car Chidambaram est l’un des cinq Pancha Bhoota Sthalams, les temples sacrés de Shiva représentant les cinq éléments naturels. Il incarne l’akasha, l’élément de l’espace, ce qui le distingue et le place au cœur d’une signification profondément métaphysique.
Selon la légende, deux sages, Patanjali (le compilateur du recueil classique des Yoga Sutras) et Vyaghrapada, désiraient ardemment voir la « danse de la félicité » de Shiva dans la forêt de Thaillai, aujourd’hui Chidambaram.
Ils érigèrent un Shivalingam, puis se mirent à prier et à méditer. Leur ascétisme et leur dévotion impressionnèrent tellement Shiva qu’il apparut devant eux. Selon la tradition, Shiva a alors exécuté sa danse sacrée « contre le mur, dans la salle bénie de la conscience ». Cette apparition divine marque la fondation du temple.
La danse cosmique de Shiva Nataraja au temple de Chidambaram est plus qu’un mythe, c’est une représentation vivante des Yoga Sutras de Patanjali. Cette danse est considérée comme l’incarnation parfaite du yoga en action, un mouvement qui symbolise l’union de l’individu avec le divin.
Le temple est administré de manière héréditaire par les Chidambaram Dikshitar, des brahmanes vaidika (prêtres védiques) qui, selon la légende, furent amenés à Chidambaram et formés aux rites de Natajara par le sage Patanjali. À l’origine, ils étaient 2999 appelés « Tillai Moovayaram », ils sont au nombre de 360 aujourd’hui.
Les Dikshitars sont reconnaissables à leur coiffure unique. Leurs longs cheveux, avec une tonsure autour du bord, sont tirés vers le côté gauche et attachés en un chignon. Cette pratique repose sur leur croyance que le côté droit du corps représente l’énergie masculine de Shiva, tandis que le côté gauche incarne l’énergie féminine de Shakti.
Ces prêtres védiques pensent que les énergies masculines et féminines sont interdépendantes et doivent être en parfait équilibre pour maintenir l’ordre de l’univers. En choisissant de porter leurs cheveux sur le côté gauche, ils incarnent cette union divine, symbolisant ainsi un tout complet et harmonieux.
Le temple de Chidambaram est une prouesse de l’architecture dravidienne, s’étendant sur 50 acres. La construction du temple est une superposition de contributions de diverses époques et dynasties, illustrant la continuité et la vitalité du lieu.
Des preuves archéologiques suggèrent la présence d’un temple à Shiva dès le 2e siècle avant notre ère. Les Pandyas, les rois de Vijayanagara, les Cheras et les Pallavas ont tous apporté des ajouts significatifs. Le temple a atteint sa forme actuelle sous le patronage des rois de la dynastie Chola, en particulier aux 11e, 12e et 13e siècles. Les Cholas considéraient le seigneur Nataraja comme leur divinité familiale (kuladeivam).
Chacun des quatre gopurams (tours) du temple, s’élevant à environ 76 mètres, est orienté vers l’un des points cardinaux. La tour orientale est la plus notable, car ses sculptures illustrent les 108 postures de danse (karanas) issues du Natya Shastra, le traité antique de référence sur la danse classique indienne.
Le temple de Chidambaram est structuré autour de plusieurs halls sacrés : le Chit Sabha (le saint des saints), le Kanaka Sabha pour les rituels, le Nrithya Sabha qui commémore la victoire de Shiva sur Kali, le Deva Sabha abritant les divinités des festivals et le Raja Sabha, un hall de 1000 piliers utilisé lors des grands événements.
Au-delà de ces cinq sabhas, on y trouve entre autres un kund (bassin sacré), le sanctuaire du Shivalingam originel (Thirumoolattaneswarar) vénéré par Patanjali et Vyagrapathar, le sanctuaire des 63 Nayanmars (Arubathu moovar), celui de la déesse Sivagami (incarnation de la connaissance), ainsi que les sanctuaires dédiés au Seigneur Ganesh et au Seigneur Muruga.
Chidambaram est conçu comme une incarnation du « Virat Purusha », le corps humain. En explorant le temple, le pèlerin entreprend en quelque sorte un voyage symbolique à travers le corps humain et vers le cœur de la conscience.
Le cœur est symbolisé par le « Chit Sabha », le sanctuaire principal. C’est une structure en bois sur une plateforme surélevée. Il est accessible par un escalier de cinq marches argentées, les Panchaatchara padi, qui représentent les cinq syllabes du mantra sacré de Shiva, « Na-Ma-Si-Va-Ya ».
Le symbolisme de l’architecture se prolonge dans les moindres détails : le toit du Chit Sabha est fait de 21 600 tuiles d’or, représentant le nombre de respirations prises par un être humain en une journée
Quant au Raja Sabha ou hall des 1000 piliers, il représente le sommet de la tête qui, dans la philosophie yogique, est le siège de l’union de l’âme avec le divin.
La caractéristique unique du temple de Chidambaram est sa vénération de Shiva sous trois formes distinctes, toutes abritées dans le Chit Sabha, le sanctuaire au toit d’or :
*Les trois folioles de la feuille de bilva symbolisent la trinité (Brahma, Vishnou et Shiva), ainsi que les trois yeux de Shiva : le soleil (œil droit), la lune (œil gauche) et le troisième œil de la connaissance sur le front.
La journée commence avec le prêtre qui se purifie avant de débuter les cérémonies. À 7h00, les sandales de Shiva sont apportées en procession, marquant le début des offrandes.
La vénération (pooja) est effectuée six fois par jour. À chaque pooja, le lingam de cristal de Shiva est oint de diverses substances (lait, miel, etc.), suivi d’offrandes de nourriture et de la récitation de textes sacrés. Avant la deuxième pooja (Irandaam Kaalam), une déité de Nataraja sertie de rubis est également ointe. La cérémonie s’achève avec la révélation du « Chidambara Rahasyam ».
La dernière pooja, appelée Arthajaama pooja, est considérée comme particulièrement fervente, car on pense que les forces divines s’y retirent. La journée se termine à 22h00 avec une procession qui ramène les sandales de Shiva à sa chambre pour la nuit.
Les horaires de darshan (prière et visite) au temple de Chidambaram sont généralement les suivants :
Tenue vestimentaire : les vêtements amples et modestes sont recommandés. Pour les femmes, privilégier les vêtements traditionnels indiens tels que le sari, le salwar kameez ou la kurta avec un pantalon ou un legging. Pour les hommes Le dhoti ou le lungi sont les plus appropriés. Comme dans tous les temples de l’Inde du Sud vous ne pourrez pas entrer en shorts, bermuda ou en jupe courte. Les épaules et les genoux doivent être couverts.
A NOTER: le Chit Sabha (le saint des saints) est réservé aux hindous uniquement. Les étrangers peuvent visiter les zones extérieures du temple, y compris les structures environnantes, les gopurams et les mandapas.
Deux festivals annuels de dix jours se distinguent par leur grandeur et leur ferveur :
En plus de ces rituels, le temple accueille le festival Natyanjali, un événement annuel de danse classique indienne qui se tient en l’honneur de Shiva en tant que Nataraja.
Pendant cinq jours, lors de Mahashivaratri, en février ou mars, des danseurs de toute l’Inde présentent différentes formes de danse, comme le Bharatanatyam, le Kuchipudi ou le Kathak. Le festival Natyanjali est une célébration où la danse est considérée comme une offrande divine, mêlant l’art et la spiritualité.
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