Au nord du district de Kutch (Gujarat), en bordure du grand désert blanc, se trouve le village de Khavda qui a donné son nom à une céramique bien spécifique, dont les origines remonteraient à la civilisation millénaire de la vallée de l’Indus. Si l’art de la poterie de cette région a survécu depuis l’âge de bronze, elle a du mal à trouver sa place dans le monde moderne.
L’atelier familial d’Abdul Bhai se trouve au bout d’un chemin de campagne cabossé, qu’on a bien du mal à trouver la première fois que l’on s’y rend. Cette famille de kumbhars (potiers) originaire du Sindh (Pakistan actuel) pratique ce métier depuis des générations.
À notre arrivée, Rahima Ben, l’épouse d’Abdul, est en train de peaufiner la décoration d’une assiette en ajoutant des pointillés blancs à l’aide d’une brindille de bambou. Elle lève la tête et me reconnaît, c’est la seconde fois que je rencontre cette sympathique femme artisan. Entre ces deux visites, mon agence de voyage a organisé plusieurs rencontres avec ces kumbhars ; c’est notre manière de soutenir cet art qui pourrait bien disparaître dans quelques décennies.
Et ce serait une perte importante au niveau artistique, car la céramique de Khavda est unique. Elle est reconnaissable à sa teinte brun-rougeâtre et ses motifs noirs ponctués de pointillés blancs.
Cette poterie trouverait son origine dans la vallée de l’Indus. En 1968, quand le site archéologique de Dholavira*, à une heure de Khavda, a été découvert, des céramiques présentant des similitudes avec celles de Khavda ont été mises au jour. On y retrouve notamment les dessins noirs sur fond rouge. L’art de la céramique avait une place de choix à Dholavira, plus d’une centaine de tours de potiers y ont été retrouvés.
*Dholavira est une ville dite harappéenne ou de civilisation de la vallée de l’Indus. C’est l’un des très rares établissements urbains bien préservés d’Asie du Sud datant du 3e au milieu du 2e millénaire avant notre ère. C’est le sixième plus grand site sur les 1 000 sites harappéens découverts jusqu’à présent.
La céramique de Khavda a, au fil du temps, adoptée son propre style, influencée par diverses traditions artistiques.
La fabrication de la poterie Khavda se fait à partir de matériaux trouvés localement. L’argile appelée « Rann ki Mitti » (terre glaise du Rann) est récupérée près d’un lac autour du village, puis façonnée sur un tour de potier et laissée à sécher.
Avant d’être mises dans un four chauffé au bois et à la bouse de vache, les récipients sont plongés dans un mélange d’eau et de « géru » (poudre d’ocre) qui donne à la poterie Khavda sa signature rouge.
Une fois la couleur sèche, les ustensiles sont agrémentés de motifs noirs et blanc créés à partir de pigments naturels. Ce sont les femmes qui peignent les objets, elles ne sont normalement pas autorisées à modeler les objets sur un tour, travail qui est l’apanage des hommes seulement.
Les motifs peints sur la poterie Khavda sont généralement de type abstraits et géométriques. On peut y observer des animaux (vaches, poissons), des motifs floraux et des personnages stylisés.
Les objets créés sont divers : assiettes, plateaux, cruches, verres, boites divers, lampes et même gramophone pour amplifier le son d’un téléphone portable !
Faute de successeurs pour perpétuer la poterie de Khavda, cet art millénaire risque de se perdre.
Quelques initiatives ont été prises notamment par Khamir, un trust de Kutch créé en 2005 pour la promotion de l’artisanat traditionnel et des pratiques culturelles associées. Cette plateforme a lancé des programmes qui ont amené de nombreux artisans potiers de Kutch à venir expérimenter de nouvelles techniques et à créer des gammes de produits innovantes.
Espérons que cela redonne un second souffle à la poterie Khavda.
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