Khonoma… Je ne devais y rester qu’un jour, je m’y suis presque installée ! Cet ancien village, perché à 1 200 m d’altitude sur un éperon rocheux, possède un réel pouvoir enchanteur qui vous procure instantanément un sentiment de quiétude et de sérénité. Ses habitants discrets, cependant chaleureux et son environnement préservé sont un must pour les voyageurs qui aiment les choses simples et l’authenticité des rencontres.
Khonoma est un village de plus de 500 ans, non loin de Kohima, la capitale du Nagaland. Il tire son nom du « Khwüno », une plante aromatique locale. Aussi a-il été baptisé « Khwünomia », c’est-à-dire « les habitants de lieu où pousse le Khwüno ». Pendant le Raj Britannique, pour des raisons pratiques de language, le mot a évolué en « Khonoma ».
Ce bourg de plus de 4 000 âmes, maintenant très paisible, a pourtant a été pendant longtemps le fief des féroces « Nagas Angamis » qui résistèrent jusqu’en 1880 contre l’envahisseur britannique. De nombreux leaders du mouvement nationaliste Naga, « Naga National Movement », sont nés ici.
Les Angamis étaient à l’origine des guerriers « coupeurs de têtes », ils passaient une grande partie de leur temps à guerroyer contre les villages environnants. Comme symbole de leur puissance, ils tranchaient la tête de leurs ennemis. En 1896, lorsque les Britanniques annexèrent leur territoire, les querelles inter-villages prirent progressivement fin.
Les Nagas Angamis, dont la langue est de type tibéto-birman, habitent généralement les régions montagneuses du Nagaland et dépendent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage.
Ils sont notamment connus pour leur culture du riz en terrasses, celle de Khonoma étant l’une des plus vieilles de la région.
Les colons Britanniques apportèrent également avec eux la chrétienté : une vaste conversion de la population s’opéra dans tout le Nagaland. De nos jours, 90 % de la population du Nagaland est catholique, une poignée seulement de nagalandais ont conservé leurs traditions animistes.
Village de chasseurs, Khonoma a cependant fait le choix du développement écologique établissant des systèmes de gestion durable des ressources naturelles et de résolution des conflits entre villageois. Le but étant de préserver la biodiversité et la faune unique du lieu.
En 1998, le conseil du village de Khonoma créa une réserve naturelle de 2 000 hectares connue sous le nom de « Khonoma Nature Conservation and Tragopan Sanctuary (KNCTS) ».
Le KNCTS est maintenant devenu une zone privilégiée pour l’observation des oiseaux tels que le tragopan de Blyth, la perdrix de bambou de montagne ou le Finchbill crêté, pour ne citer qu’eux.
Pour affirmer sa volonté de développement durable, Khonoma a aussi opté pour l’agriculture biologique de toutes ses cultures. Mes papilles se souviennent encore du goût incomparable des repas pris dans ma maison d’hôtes avec des légumes tout juste cueillis dans le potager bio.
En visitant le village, vous tomberez sur les fameux « morungs » (dortoirs) à l’architecture typique ; ce sont des lieux d’éducation pour les garçons du village.
Ces habitations en bois, richement décorées, sont construites sur le même modèle : à l’extérieur, des bancs sont placés autour d’un feu et, à l’intérieur, un long lit commun de 15 places environ est taillé dans un seul tronc.
Dans ces morungs, le devoir des anciens est d’inculquer aux jeunes les valeurs morales, les responsabilités sociales, l’artisanat (voir ci-dessous), l’agriculture, différents sports comme la lutte et les traditions folkloriques (chants et les jeux indigènes).
Alors que la vie moderne s’installe peu à peu dans le village, cette tradition des morungs, bien que moins suivie, trouve encore sa place.
Khonoma est le foyer de nombreux maîtres artisans dans le domaine de la vannerie et du tissage.
Le bambou et la canne poussent à profusion dans les forêts du Nagaland. Aussi, l’art de la vannerie chez les Nagas est très développé.
Le panier caractéristique des Nagas Angamis, appelé « hophi », est fabriqué par les hommes uniquement.
Il est en forme de cloche avec une base carrée à quatre pieds. Une sangle tressée est ajoutée, portée sur le front. Le hophi est utilisé pour les tâches quotidiennes comme ramasser le bois ou pour transporter les récoltes.
L’autre artisanat typique de Khonoma est le tissage. Les femmes Angamies sont des tisserandes chevronnées.
Un des vêtements traditionnels des Angamis est le « loramhoushu », un châle en laine fine avec des bandes blanches, rouges et noires et le « lohe » avec des bandes noires, rouges et jaunes. Le « ratapfe » est un autre châle noir utilisé par les hommes et les femmes pour l’usage quotidien.
La cuisine traditionnelle naga est non-végétarienne et utilise un grand nombre de produits fermentés (jusqu’à 150 types) fabriqués, entre autres, à partir de pousses de bambou, de poisson ou de feuilles de moutarde.
L’aliment fermenté le plus consommé au Nagaland est le « zutho », une forme de bière de riz. En vous promenant dans les venelles pavées de Khonoma, vous croiserez sûrement des villageois savourant le zutho entre amis. La bière, qui ressemble à une sorte de porridge, contient 5% d’éthanol et est réputée réchauffante et nutritive.
La fabrication du zutho se fait à partir de riz rond, broyé et pilé avec un maillet en bois. Le riz est ensuite porté à ébullition dans un chaudron. Le mélange est retiré du feu et laissé à refroidir pendant toute la nuit. On y ajoute de la levure et le mélange fermente pendant deux jours ; il est alors prêt.
Sekrenyi (aussi appelé Phousanyi) est le festival le plus important des Angamis. Il est célébré pendant dix jours et tombe le vingt-cinquième jour du mois Kezei (autour du 25 février). Le terme Sekrenyi signifie littéralement « festival de sanctification ».
Le festival suit différents rituels, dont le « Dzüseva » (la purification des hommes dans un puits) ou encore le « Thekra Hie » qui dure pendant trois jours et rassemble les jeunes hommes et jeunes femmes célibataires ; ils dansent et chantent en tenues traditionnelles toute la journée durant, le tout bien arrosé de bière de riz.
Khonoma est niché dans un écrin de verdure, entre jungle et rizières. Le trekking fait donc tout naturellement partie de votre séjour.
La plus belle randonnée aux alentours de Khonoma est sans conteste la vallée de Dzukou.
Le mot « Dzukou » signifie « comme un rêve » et l’on découvre pourquoi quand on atteint la vallée après environ 3 h de marche. Le sentier abrupt et glissant fait soudain place à une magnifique clairière vallonnée, plantée de bambous nains. L’atmosphère mystique et la sérénité qui s’en dégagent sont indescriptibles.
La vallée se situe à une altitude de 2 452 m au-dessus du niveau de la mer, derrière le pic de Japfu.
La plupart des voyageurs la visitent pendant la période de juin à septembre, lorsque les conditions climatiques sont favorables pour les randonnées.
Au printemps, la vallée revêt un manteau vert intense parsemé de fleurs colorées ; le lys rose pousse ici en abondance rajoutant une délicieuse fragrance à la beauté des lieux.