Le Sandhya est une forme traditionnelle d’art mural qui trouve son origine dans la région de Braj (Uttar Pradesh). De là, elle s’est répandue dans de nombreuses autres régions, en particulier au Rajasthan, dans le Madhya Pradesh et le Pendjab. Coïncidant avec le culte annuel des ancêtres, le Sandhya s’inscrit dans le mouvement de la « Bhakti »: c’est un moyen d’exprimer son adoration pour le divin et, plus précisément, pour la déité hindoue Krishna. Si cette tradition était jadis très courante, il ne reste que peu d’endroit où elle est encore pratiquée. Une poignée de familles à Udaipur dans le Rajasthan la perpétue encore.
Le Sandhya est une tradition artistique qui s’effectue en soirée. « Sandhya » signifie en effet « crépuscule » en Hindi. C’est le moment où les vaches rentrent à l’étable et donc un temps favorable pour les rituels.
Dans l’hindouisme, la vache a en effet un statut sacré. Elle représente la Terre Mère nourricière. L’origine de la vénération de la vache remonte à la période védique (2e millénaire – 7e siècle avant notre ère). On la retrouve dans les rites de guérison, de purification et de pénitence.
Aussi, les « panchagavya », les cinq produits issus de la vache – le lait, le yaourt, le beurre, l’urine et la bouse – ont été intégrés aux rituels de l’hindouisme.
Dans le Sandhya, les dessins sont façonnés avec de la bouse de vache. Elle se présente sous forme sèche que l’on réhydrate avec de l’eau. Si cela est peu ragoûtant pour un occidental, en Inde, c’est une chose tout à fait banale.
La vache est aussi associée à Krishna, une divinité hindoue centrale qui est souvent représentée jouant de sa flûte parmi les vaches et dansant avec les Gopis (bergères). Durant la première partie de sa vie, il élevait des vaches. Pour cette raison, Krishna porte également les noms de « Govinda » et « Gopala », qui signifient littéralement « l’ami et le protecteur des vaches ».
Le Sandhya est, tout comme le Sanjhi – une autre forme de dessin utilisant des poudres – trouvent son origine dans la région de Braj, la patrie de Radha-Krishna. Braj ou Vraj comprend entre autres les villes de Vrindavan, Mathura, Gokul, Nandgaon et Barsana.
Cet art est intrinsèquement lié à la vie du dieu Krishna et de sa bien-aimée Radha. On dit que cette dernière avait l’habitude de créer des motifs représentant Krishna afin de montrer son amour. Krishna aurait en retour façonné une image de Radha composée de fleurs.
Cette association du Sandhya avec le couple divin explique que seules les jeunes femmes non mariées sont impliquées dans l’art du Sandhya. C’est une façon, non seulement d’honorer l’amour inconditionnel de Radha-Krishna, mais aussi d’invoquer les dieux pour qu’elles trouvent un époux qui aurait les mêmes qualités que Krishna.
LIRE L'ARTICLE SUR LE SANJHIL’art du Sandhya s’effectue lors de la période de pitru-paksha (la quinzaine des ancêtres) ; elle commence au premier jour de la lune décroissante du mois d’Ashwin (sept.-oct.) et se termine le jour de la nouvelle lune du même mois. C’est un temps de recueillement en l’honneur des membres décédés de la famille.
Chose étonnante, pendant cette période, il est normalement impropre de commencer toute entreprise ou d’effectuer tout rituel. Il n’y a d’ailleurs aucun festival hindou pendant tout ce temps. Pour une raison que j’ignore, le Sandhya semble toutefois faire exception.
Le dessin du Sandhya est exécuté, comme vu plus haut, par des jeunes filles non mariées à l’entrée de leur maison.
La base du Sandhya est un octagramme, un polygone étoilé régulier à huit branches, symbolisant un lotus, que l’on retrouve aussi dans plusieurs religions et traditions mystiques comme le tantrisme ou le bouddhisme. Dans l’hindouisme, cette figure géométrique prend le nom « d’étoile de Lakshmi » ou « Ashtalakshmi », elle représente les huit formes de Lakshmi, la déesse de l’abondance.
La base est recouverte d’argile rouge puis la pâte fabriquée à partir de bouse de vache est modelée à la main pour créer différentes figures. On commence par les contours, puis les dessins prennent forme à l’intérieur de l’étoile.
Une fois le Sandhya terminé, des pétales de fleurs et parfois des feuilles d’argent ainsi que des bijoux sont appliqués sur les motifs pendant que la pâte est encore humide puis, un arati (offrande de flammes) est effectué devant le Sandhya par tous les membres femmes de la famille.
Chaque jour, ces dessins en relief sont enlevés et, à la place, de nouveaux motifs sont créés. Ce processus est répété tous les jours jusqu’à la fin de la quinzaine de Pitru-Paksha.
Ces dessins, même simples, demandent beaucoup de patience. Il aura fallu deux heures pour compléter la création ci-dessous. Tout comme le mandala dans la tradition bouddhiste, le Sandhya, du fait de la concentration qu’il requiert, est vu comme un support de méditation.
Dans une société où tout doit aller très vite, le Sandhya peine à trouver des émules. Cet art traditionnel disparaît malheureusement peu à peu.
un autre art, plus contemporain, rappel vivace de mon tout premier voyage en Inde, et que je n’ai hélas jamais revu, la peinture à la main des affiches de cinéma, magnifique travail effectué perché sur des échafaudages de bambou, à même la devanture des cinémas.
Guirlandes de fleurs synthétiques, morceaux de « miroirs » étaient ajoutés … de véritables oeuvres d’art.
Oui, c’était en effet de petits chefs-d’oeuvre bollywoodiens ! 😉
Merci Mathini – réellement très intéressant – Espérons que cette forme traditionnelle d’art mural perdure.
Merci Patricia 🙂 ! A bientôt 😉