Le Sanjhi est un art ancien, à l’origine spirituel, qui consiste à créer des dessins sur le sol ou sur l’eau en utilisant des pochoirs finement découpés que l’on remplit de poudres colorées. Cet art dépeint traditionnellement les légendes mythologiques indiennes et tout particulièrement celles du dieu Krishna. Le Sanjhi, tombé peu à peu en désuétude, a cependant su évoluer vers des formes contemporaines d’une grande créativité qui s’exposent dans les meilleures galeries d’art en Inde.
« Sanjhi » dériverait du mot « sajja » signifiant ‘ »décoration » ou encore de « sanjh » , « crépuscule », se référant à la période de la journée lors de laquelle les dessins Sanjhi étaient révélés au public.
On dit que le Sanjhi est apparu il y a 400 ans à Mathura, le lieu de naissance du seigneur Krishna. Cet art était alors utilisé comme un élément décoratif dans les temples de Mathura et de Vrindavan dédiés à Radha Krishna lors de festivités spéciales comme Holi (la fête des couleurs) et Janmashtami (naissance de Krishna).
Le Sanjhi n’est pas qu’un simple dessin récréatif mais il s’inscrit dans la « Radha-Krishna Bhakti », c’est-à-dire l’expression de la dévotion pour Krishna-Radha et pour le divin en général. Le processus de création du design est une forme de méditation en lui-même offrant un véritable moment d’introspection ; le Sanjhi se rapproche par là même des mandalas bouddhistes.
Pendant plusieurs siècles, cet art particulier a persisté et prospéré, principalement au sein de la communauté des prêtres hindous vishnouïtes, puis il est lentement tombé dans l’oubli. Quelques temples, à Vrindavan, Mathura et au Rajasthan, continuent malgré tout à perpétuer cette tradition unique (voir plus bas).
Les pochoirs appelés « khakha » sont découpés de façon minutieuse avec de petits ciseaux spéciaux. Le processus exige beaucoup de compétence et de patience. Les dessins obtenus reflètent le plus souvent les « leelas » (les jeux divins) du dieu au visage sombre, Krishna.
Les sanjhis les plus élaborés sont créés avec des pochoirs qui sont superposés les uns sur les autres et remplis de poudres de différentes couleurs jusqu’à ce que le motif en entier apparaisse. L’image finale présente alors un design et une profondeur plus complexes (voir plus bas).
Cet art a été revisité par différents artistes comme Mohan Kumar Verma de Mathura ou Ram Soni et s’expose dans plusieurs galeries en vue en Inde.
On l’a vu plus haut, l’art du Sanjhi se fait de plus en plus rare en Inde mais, heureusement, il est encore pratiqué dans une poignée de temples. C’est le cas du Radha Wallabh Ji situé à Udaipur au Rajasthan. La famille Pancholi continue à perpétuer cet art et leur spécialité est le « Jal Sanjhi » ou l’art du Sanjhi sur l’eau.
L’art du Sanjhi a été introduit dans le temple Radha Wallabh Ji par M. Madhav Lal Pancholi, il y a une soixantaine d’années. Il a créé les pochoirs en papier encore utilisés de nos jours dans le temple. Ses fils Rajesh Pancholi et Narayan Pancholi ont ensuite pris la relève suivis de ses petits-fils Gunjan Pancholi et Parag Pancholi.
Les sanjhis de ce temple sont effectués annuellement durant la période de 16 jours du Pitru Paksha (septembre-octobre) pendant laquelle les hindous rendent hommage à leurs ancêtres. En soirée, le public vient admirer cet art unique alors que le son des Bhajans (chants de dévotion) résonne dans le temple.
Différents designs couvrant la vie du seigneur Krishna comme le Govardhan leela ou le Naag leela sont créés dans de petits bassins remplis d’eau claire.
Pour obtenir le motif final, un grand nombre de pochoirs sont requis, qui posés les uns sur les autres, donnent le résultat désiré.
Une première couche de poudre blanche (faite à partir d’ingrédients tenus secrets) est saupoudrée délicatement sur l’eau. Puis, un premier pochoir est posé sur cette surface blanche et rempli d’une ou de plusieurs poudres colorées. Le premier pochoir est ensuite délicatement retiré laissant apparaître un premier élément du dessin final, puis un deuxième pochoir est posé par-dessus le premier élément et ainsi de suite jusqu’à ce que le dessin soit complet.
Ce processus minutieux peut durer jusqu’à 4 heures mais quelque temps après, les couleurs commencent à se dissoudre dans l’eau, symbole par excellence de l’impermanence de la vie.