Athangudi, son palais et ses fameux carreliers

Athangudi constitue un site patrimonial majeur dans la région du Chettinad au Tamil Nadu. Son impressionnant palais, symbole d’un métissage culturel réussi, est sans aucun doute l’un des plus remarquables de la région. Athangudi rime aussi avec « carreliers » : c’est ici que sont fabriqués les fameux carreaux colorés du Chettinad qui s’exportent dans le monde entier.


Le palais Sri Letchmi Vilas


Athangudi est un village situé à 15 km au nord de Karaikudi. A l’exception de certains temples hindous, la principale attraction de cet endroit est son palais, connu sous le nom de « Sri Letchmi Vilas », ou plus couramment, le palais d’Athangudi.

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Shrimathi Meyyammai Achi et son époux Shri N. AR. Nachiappa Chettiar, les fondateurs du palais

La construction du palais a démarré en 1929, commandée par Shri. N. AR. Nachiappa Chettiar, fils de Shri. N. Arunachalam Chettiar, qui fait partie des nombreux entrepreneurs de cette région qui ont prospéré dans la finance et le commerce en Birmanie, accumulant ainsi une grande fortune.

La résidence qui couvre un hectare a sollicité le dur labeur d’une centaine d’ouvriers, de forgerons, de charpentiers et d’artistes provenant en grande partie des régions de Tirunelveli et Nagercoil.

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Sri Letmi Vilas, le palais d’Athangudi de l’extérieur

Achevée en 1932, cette demeure, qui utilise des matériaux venus des quatre coins du globe, se targue d’avoir été édifiée sans ciment, sans l’aide d’ingénieurs, d’architectes ni d’électricité. Elle compte pas moins d’une soixantaine de chambres et plus de 600 fenêtres !

La bâtisse est baptisée « Sri Letmi Vilas », « Letchmi » étant le nom de la mère et de la fille de Shri N. AR. Nachiappa chettiar. Par commodité, elle est connue sous le nom de « Athangudi palace ».

Entrée du palais d’Athangudi

L’entrée du palais n’est pas des plus remarquables. Un vilain grillage censé protéger la bâtisse et un entremêlement de fils électriques ne mettent pas le palais en valeur.

Comme pour la plupart des demeures du Chettinad, le porche d’entrée est protégé par Gajalakshmi, la déesse hindoue de la prospérité accompagnée de deux éléphants blancs. Quelques éléments occidentaux, cavaliers et soldats ornent aussi le devant du palais.

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Entrée du palais

Passé ce porche, nous entrons dans l’atmosphère des demeures traditionnelles tamiles avec le « thinnai », une véranda surélevée utilisée pour des fonctions sociales. Celle-ci est portée, non pas par des piliers en bois comme c’est généralement le cas, mais par une rangée de piliers en grès noir. Des carreaux noir et blanc en marbre italien et des carrelages bleus venant d’Espagne décorent les sols.

Le thinnai, véranda utilisée pour des fonctions sociales avec ses piliers en grès noir et ses carrelages blanc et noir d’Italie

Une porte massive en teck de Birmanie, portant de chaque côté les deux portraits des fondateurs des lieux (Shrimathi Meyyammai Achi et Shri N. AR. Nachiappa Chettiar) ouvre sur le Darbar hall, la grandiose salle de réception.

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La porte en teck massif de Birmanie donnant sur le Durbar hall

Et là, c’est l’exaltation, la beauté du lieu vous laisse sans voix. C’est sans conteste une des plus belles pièces de tout le Chettinad.

Le grandiose Durbar hall

L’influence européenne de ce Durbar hall est notoire. Sous certains angles, on se croirait presque dans un petit palais de Firenze en Italie.

Autre vue du Durbar Hall
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Le plafond du Durbar Hall entièrement sculpté dans le bois

Des fleurs colorées sculptées dans le bois tapissent le plafond tout entier. Des frises où apparaissent des chérubins et divers motifs floraux sont peintes avec des pigments naturels dans les tons pastel. Au sol, on retrouve là aussi les carreaux noir et blanc en marbre d’Italie qui donnent un effet très classe et solennel.

Les motifs ornementaux des arches du Dubar Hall

Chaque pan de mur du hall contient de larges miroirs provenant de Belgique ; ils sont surmontés de deux femmes allongées dos à dos sur un divan. Certains sont recouverts d’un épais tissu en velours jaune.

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Un des miroirs de Belgique du Durbar Hall

En haut de chaque fenêtre, des peintures illustrent des épisodes de la Bhagavad Gita et de la vie du seigneur Krishna.

Voyant que mes yeux s’écarquillaient devant certaines de ces scènes, la guide qui m’accompagnait me précisa que les artistes avaient pris quelques libertés avec l’illustration de la vie de Krishna. On peut y voir en effet le seigneur au visage bleu dans des postures pour le moins sensuelles, entre autres, alangui avec des femmes dénudées !

Les peintures au-dessus de chaque fenêtre retraçant des épisodes de la vie du seigneur Krishna. Celle-ci est assez coquine 😉

Les céramiques sur le bas des murs servant de décoration comme de protection contre l’humidité viennent du Japon, témoignant encore une fois du grand melting-pot artistique de la demeure.

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Les céramiques en bas des murs proviennent du Japon

Nous entrons ensuite dans la cour principale, le valavu, une pièce ouverte typique de l’architecture tamile qui sert à ventiler la demeure et à récupérer l’eau de pluie via un impluvium au centre de la cour. Des chambres sont distribuées tout autour.

Au centre de la cour principale se trouve un impluvium entouré des différentes pièces de la maison

La dernière partie de la visite est plus sobre, mais non moins charmante. Il s’agit d’une salle à manger qui s’étire sur 15 mètres de long avec des murs enduits d’un mélange de chaux, de coque d’œuf, de poudre de coquillage et d’huile de coco servant à l’isolation du lieu ; c’est la même conception que l’on retrouve dans les havelis du Rajasthan.

Des fenestrons en hauteur avec des vitres de couleurs apportent un effet kaléidoscopique à cette salle blanche.

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La longue salle à manger du palais

La visite se finit par une petite anecdote : dans la charpente de style birman, on peut apercevoir de longs crochets. Ils servaient à pendre des saris pour en faire des berceaux pour les nouveaux-nés de la famille.

Les crochets dans la charpente qui servaient à pendre des saris pour en faire des berceaux

Les carreliers d’Athangudi


L’autre attraction de la ville est la fabrication des fameux carreaux du Chettinad. Une belle expression, là encore, de l’héritage de la région car ces carreaux sont utilisés dans la région depuis plus de 100 ans.

Je ne m’étendrai pas trop sur ce sujet, car il fera l’objet d’un article à lui tout seul.

Les carreaux en ciment d’Athangudi sont faits à la main et sont généralement utilisés pour décorer l’intérieur des maisons. Ils ont un design géométrique distinctif et les couleurs standards utilisées sont le rouge, le moutarde, le vert et le gris… A suivre dans un prochain numéro… 😉

Comment se rendre dans le Chettinad ?

Le Chettinad est à 1 h 30 de Trichy, de Tanjavur et de Madurai. Il y a bien des bus et des trains qui s’y arrêtent, cependant louer une voiture avec chauffeur vous permettra de sillonner toute la région aisément.

Où séjourner ?

Une des pièces de l’hôtel Saratha Vilas

Il y a un bon nombre d’hôtels dits « heritage », plus ou moins bien entretenus. J’ai retenu trois hôtels de charme, par ordre de préférence : « Saratha Vilas » (rénové avec goût par deux architectes français), « The Bangala » (réputé pour son chef cuisinier) et « The Lotus hotel » (le tout dernier, très coloré, ouvert en novembre 2024).

L’hôtel « the lotus palace » à Kanadukathan

Où manger ?

Le Chettinad est réputé pour sa gastronomie subtile. Je recommande tout spécialement le restaurant de l’hôtel « The Bangala » et celui en face du Lotus hotel, The Vaadhyar’s House, dans le village de Kanadukathan.

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2 Comments on “Athangudi, son palais et ses fameux carreliers”

    • Hello Ady, merci pour ce nouveau commentaire. Oui, le Chettinad est une région incroyable pour les passionnés d’architecture ! mathini

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