Nasik, entre temples et vignobles

Nasik, située à 160 km de Mumbai, la capitale du Maharashtra, est considérée comme une des villes les plus saintes de l’Inde. Non seulement elle accueille tous les douze ans la célèbre Kumbh Mela, mais c’est aussi ici que le seigneur Rama de l’épopée du Ramayana a vécu quelques années d’exil avec son épouse Sita et son frère Laskhman. Sur un plan plus hédoniste, la ville est aussi connue comme la capitale du vin de l’Inde : les domaines viticoles lovés autour du lac Gangapur cultivent tous les plus grands cépages, du Sauvignon au Chardonnay en passant par le Merlot et le Riesling, pour ne citer qu’eux.

La vue scénique pendant la mousson sur la route Mumbai-Nasik

La route qui nous mène de Mumbai à Nasik traverse la chaîne de montagne Sahyadris (la même qu’à Saputara au Gujarat) qui fait partie des ghâts occidentaux. Pendant la mousson, ces monts offrent un spectacle naturel de toute beauté avec une palette de verts fluorescents et des cascades qui dévalent en nombre des falaises.

Les cascades dévalant des sommets des ghats occidentaux pendant la mousson (collines de Brahmagiri)

Nasik étant une ville industrielle réputée pour sa production de sucre, de coton et d’huile, elle n’offre guère de monument intéressant en terme purement esthétique. Son charme provient avant tout de son aura spirituelle et, tout autour, de sa nature luxuriante.

Peinture représentant les Premiers ministres Peshwas | Photo : Art UK

Pour la partie historique, Nasik a vu la succession de différentes dynasties comme les Yadavas, les Satavahanas, les Chalukyas, les Marathes, les Adilshahi, les Nizamshahi et les Britanniques qui ont tous laissé leur empreinte ici. Cependant, c’est sous la direction des Peshwas, les Premiers ministres de l’Empire Marathe (1679 -1814) que la ville s’épanouira vraiment. On leur doit la construction de bon nombre de temples comme le Kalaram ou le Naroshakrarm et les demeures wadas de la vieille ville.


Panchavati, le coeur de Nasik


Dans la langue locale, Panchavati veut dire, « la région des cinq arbres banians ». Ils sont repartis sur toute la zone, un se trouve près de la grotte de Sita (voir plus bas).

Panchavati est le cœur de la ville de Nasik, traversée par la rivière sacrée Godavari. Elle revêt une grande importance religieuse, car selon l’épopée du Ramayana, après leur dixième année d’exil*, Rama, Sita et Lakshman vécurent deux ans et demi sur la rive nord de la Godavari.

*Les premières années d’exil se seraient faites à Chitrakoot dans le Madhya Pradesh.

Panchavati abrite les ghats et les kunds (bassins) d’ablution rituelles et plusieurs temples.

Les ghats & Kund de Panchavati

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Le Ramkund où les fidèles font leurs ablutions rituelles

On compte plusieurs kunds ou bassins sacrés sur les rives de la rivière Godavari, le plus important étant le Ram kund : on dit que le Seigneur Rama avait pris l’habitude de s’y baigner. Les ablutions faites dans ce kund sont donc considérées comme une grande bénédiction.

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Le Ram Kund avec une statue du dieu-singe Hanuman terrassant le roi-démon Ravana

C’est aussi là que le seigneur Rama est venu immerger les cendres de son père, le roi Dashrath. Depuis, les fidèles viennent plonger les cendres de leurs proches décédés à Panchavati pour les libérer du cycle karmique des naissances et des morts. L’immersion des cendres s’effectue à l’Asthivilay kund, un petit bassin adjacent au Ram kund qui possède des sources naturelles qui, dit-on, ont la capacité de dissoudre les cendres très rapidement.

Les cendres de grandes personnalités comme Gandhi ji, Pandit Nehru, Indira Gandhi, Y.B. Chavan pour ne citer qu’eux, ont été immergées dans le Ram kund.

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Le Gandhi Talav

La tradition hindoue déclare également qu’une goutte d’amrita, le nectar de l’immortalité, est tombée sur le Ram kund. C’est ainsi que la Kumbh Mela, le plus grand rassemblement spirituel au monde, se tient ici tous les 12 ans. La prochaine aura lieu en octobre 2026.

EN SAVOIR + SUR LA KUMBH MELA

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Le Ram Kund pendant la Kumbh Mela | Crédit photo : DNA

Naroshankar Temple (Panchavati)

En plus des kunds, on trouve pléthore de temples posés sur les rives de la Godavari. Le temple de Naroshankar sort du lot. Bien qu’il soit endommagé, il garde un charme particulier.

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Le temple Naroshankar avec son mur fortifié et une de ses tourelles

Le temple tire son nom de Naroshankar Rajebahaddur, commandant en chef de l’armée des Peshwas qui l’a fait construire en 1747.

Première particularité, il est entouré d’un mur fortifié avec des tourelles couronnées d’un toit de style « chhatri » (en forme de parapluie) aux quatre coins de la muraille.

La deuxième particularité du temple est son entrée principale qui dispose d’un clocher. La fameuse cloche en bronze, appelée « Naroshankar Bell » est en quelque sorte un mémorial rappelant la victoire du prince Chimaji Appa Peshwa sur les Portugais. Suite à la capture du fort de Vasai près de Mumbai, la cloche de l’église portugaise du fort a été retirée et amenée à dos d’éléphant jusqu’à Nashik. Elle a ensuite été offerte à Naroshankar en signe de récompense pour sa bravoure lors de cette bataille contre les Portugais.

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L’entrée principale du temple avec la cloche rapportée du fort de Vesai

Si la partie supérieure du temple est en mauvais état, la partie inférieure, elle, présente de belles sculptures dentelées avec plusieurs statues de Shiva en tant que Kala Bhairava (version féroce du dieu) dans les quatre directions.

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Détail du temple
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Sculptures dentelées et statue de Kala Bhairava peinte en rouge

L’intérieur du temple et particulièrement l’entrée du garbhagriha est remarquable avec de fines sculptures d’arbres de vie, d’animaux mythologiques et de paons.

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Le garbhagriha avec le lingam et son entrée finement sculptée

Temple de Kalaram

Construit en 1790 par Sardar Odhekar de la dynastie Peshwa, Kalaram est l’un des sanctuaires hindous les plus importants de Nasik. Le temple tire son nom de la statue du Seigneur Rama qui est de couleur noire (kala = noir en Hindi), les deux autres statues du sanctuaire principal, celles de Sita et Lakshman sont aussi en gré noir.

Le temple de Kalaram

On dit que le temple originel est millénaire et qu’il a été détruit pendant les invasions musulmanes. La statue de Rama aurait été cachée dans la rivière Godavari pendant le règne moghol et récupérée par Sardar Odhekar qui l’aurait vu en rêve. Il aurait alors décidé de construire ce temple pour accueillir à nouveau la statue.

Les statues de Lakshman, Rama et Sita dans le temple de Kalaram

La spécificité du temple est qu’il a été construit avec des pierres noires ramenées des collines de Ramshej près de Nashik.

Touristes posant devant le temple de Kalaram

En descendant de Kalaram, nous tombons sur la vieille ville où de jolies demeures semblent résister tant bien que mal à l’épreuve du temps. Les Peshwas soucieux de développer les rives de la Godavari sélectionnèrent les meilleurs artisans et firent bâtir de belles demeures dans le style Wada.

Une des wadas de la vieille ville

Les wadas sont des structures vernaculaires bioclimatiques construites autour d’un « chowk » ou cour centrale à la manière des havelis du Rajasthan. Elles disposent de vérandas en bois pour la ventilation et d’une entrée à piliers.

Dame créant des guirlandes de fleurs dans la vieille ville de Nasik

Sita Gufa

En montant quelques mètres à partir du temple de Kalaram, nous tombons sur la « Sita Gufa » ou grotte de Sita.

Cette grotte est un autre lieu important associé au Ramayana, on dit que c’est là que Ravana, le roi-démon de Lanka, kidnappa Sita pour se venger de Lakshman qui avait tranché le nez de sa sœur Surpanakha

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La grotte de Sita se trouve à l’intérieur de ce bâtiment ancien

Après une heure environ d’attente en file indienne, on accède à la grotte via un couloir très étroit (il nous faut nous accroupir) qui semble descendre jusqu’au centre de la terre. Claustrophobes s’abstenir !

Les statues de Lakshman, Rama et Sita au fond de la grotte

Les statues en gré noir de Lakshmana, Rama et Sita trônent au fond de la grotte. Passée cette grotte, une autre se présente avec le lingam qui aurait été vénéré par Sita.

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Le vendeur de Ram Kand Mool sous un des cinq arbres banian de Panchavati

Malgré l’attraction que provoque cette grotte, nous sommes contents de remonter à l’air libre.

Juste à la sortie de la grotte, sous un des cinq arbres banians, un vendeur de rue propose quelques tranches de « Ram Kandmool ». Le kandmool est un légume racine cylindrique (ressemblant à un billot de bois) de la famille des agaves qui, dit-on, faisait partie du menu des ascètes qui méditaient autrefois dans les forêts. De même Rama, Sita et Lakshman en ont consommé régulièrement lors de leur exil.


Tapovan


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La rivière Godavari à Tapovan

Tapovan qui signifie littéralement « la forêt de pénitence » est situé un peu en avant de Panchavati. On dit que c’est là que les sages, il y a des siècles de cela, méditaient à la recherche de l’illumination.

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Temple avec la statue de Laskhman tranchant le nez de Surpanakha

Tapovan serait également l’endroit où Lakshman trancha le nez de Shurpanakha, la sœur du roi de Lanka, Ravana. De là provient le nom « Nasik », « nasika » veut dire « nez » en sanscrit.

Dans le Ramayana, Surpanakha est une veuve qui utilisa ses pouvoirs pour changer de forme pour tenter de séduire Ram et Lakshman. Elle attaqua aussi Sita, exaspérant Lakshman qui la mutila pour lui donner une leçon.

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Les différents Kunds sacrés de Tapovan

Tapovan est composé de grottes et de petits temples ainsi que de bassins sacrés connus sous le nom de Brahmatirth, Shivtirth, Vishnutirth et d’Agnitirth où les trois héros du Ramayana venaient s’y prélasser.

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Les statues de Rama et Sita à Tapovan

En face de Tapovan, un temple-musée coloré retrace l’histoire de l’exil de Rama. Les touristes prennent souvent la pose devant l’imposante statue d’Hanuman.

Le temple-musée de Tapovan retraçant l’histoire de l’exil du Ramayana

Someshwar waterfalls


Les cascades de Someshwar

Les cascades de Someshwar se trouvent à une dizaine de kilomètres au nord-est de Panchavati. C’est un lieu populaire apprécié des familles indiennes et des jeunes couples. À cet endroit, la rivière sacrée Godavari se jette dans un canyon d’une hauteur de 10 m. À voir de préférence pendant la mousson pour un côté plus spectaculaire.

Environ un kilomètre avant ces cascades, on peut visiter le temple de Someshwar, un des plus anciens de Nasik. Il est dédié à Shiva. Un chapelet de temples l’entourent.

Le temple de Someshwar dédié à Shiva près des cascades

Les vinobles de Nasik


Le domaine originel de Sula « Sula at the source » ressemblant aux villas du sud de la France

Nasik a un autre centre d’intérêt, plus hédoniste cette fois-ci : ses domaines viticoles.

On en compte environ une trentaine et, par conséquent, Nashik est aussi connue comme « la capitale du vin de l’Inde » ou « la Californie de l’Inde » en référence à la vallée de Napa. La contribution de Nashik sur le marché du vin indien est de 80 % ; cela est principalement dû au climat de la région (journées chaudes et nuits fraiches) et au sol bien drainé parfait pour produire des raisins de différentes variétés.

Les vignobles autour du lac de Gangapur à une dizaine de kilomètres du centre de Nasik

Le domaine de Sula a été la première entreprise à créer un domaine viticole à Nashik en 1999. En plus de la dégustation de vins, le domaine dispose de deux hébergements de charme (The Source et Beyond Sula) avec une vue imprenable sur les vignobles et le lac Gangapur.


Aux alentours de Nasik


Pandav Leni


La grotte 18 du site de Pandav Leni

Une destination à ne pas manquer aux alentours de Nasik est Pandav Leni, un groupe de 23 grottes bouddhistes (et une jaïne) creusées entre le 1er siècle avant notre ère jusqu’au 6e siècle EC. Elles sont situées sur une colline près de la route principale Nashik-Mumbai. Les grottes reflètent l’excellence de l’art bouddhique de cette époque tout comme celles, un peu plus loin, d’Ajanta et d’Ellora.

Statue du Bouddha sur le site de Pandav Leni

Temple de Trimbakeshwar

Le temple de Trimbakeshwar

Trimbakeshwar est le temple du « seigneur aux trois yeux », un des douze très vénérés Jyotir-lingams ou lingams de lumière. Il est situé dans le village de Trimbak, à 30 km de Nashik. Une étape incontournable pour les pèlerins hindous se rendant à Nasik.

EN SAVOIR + SUR LES JYOTIR LINGAMS

Le Jyotir lingam du temple

Le temple est surplombé par la colline Brahmagiri qui, pendant la mousson, offre un spectacle grandiose avec une multitude de fines cascades dévalant les falaises.

Les multiples cascades dévalant la colline de Brahmagiri

La colline de Brahmagiri est aussi connue pour être le lieu où la rivière Godavari prend sa source. Un trek à flanc de colline (500 escaliers – 2 km) de niveau facile à modéré, selon votre forme, nous y mène. La vue sur la vallée est splendide et, se trouver à la source d’une rivière, est toujours un moment magique.

Le trek jusqu’à la source de la rivière Godavari
Le temple de la source de la rivière Godavari


Infos pratiques


Quand s’y rendre ? Pour les amoureux de nature luxuriante et les trekkers, la saison de la mousson (juillet-août) offre incontestablement des paysages à couper le souffle. Cependant, la pluie quasi-incessante peut aussi décourager certaines visites et rendre le sol très glissant. De plus, comme c’est une saison très touristique dans la région, vous risquez de faire des files d’attente interminables pour accéder aux temples. Autre saison possible : d’octobre à mars.

Comment s’y rendre ? La route nationale Mumbai-Nasik est en ce moment en travaux (août 2023) ce qui forme de nombreux bouchons, on met péniblement 5 h pour atteindre Nasik contre 3 h en train ; le train direct Mumbai-Nasik est donc le meilleur mode de transport à l’heure actuelle. Vous pourrez louer une voiture ou un rickshaw à partir de votre hôtel pour visiter la ville.

Où se loger ? Si votre budget vous le permet, optez pour un séjour de charme dans un des deux hôtels 4* du domaine de Sula (voir plus haut). Autrement, l’hôtel IBIS à 5 km du centre de Nasik est un très bon rapport qualité-prix (5000 INR par nuit – env. 50 euros par nuit)

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2 Comments on “Nasik, entre temples et vignobles”

  1. Merci Mathini et Dinesh pour cet aperçu d’une région qui, jusqu’à présent m’était inconnue.
    Sans vouloir paraître nostalgique, je ressens le même charme devant la vieille ville de Sayla et celle de Nashik, d’époques différentes, mais aussi belles malgré leur décrépitude.
    L’intérieur des wadas semble malgré tout plein de charme, certaines semblent même avoir été restaurées à Pune. Espérons qu’il en soit prochainement de même pour celles de Nashik, reflet d’une époque surannée.

    • Merci Patricia! Mise à part les fameuses grottes d’Ellora et Ajanta, c’est une région de l’Inde encore peu connue… Et tant mieux quelque part , ça laisse encore place à l’aventure ! Bien cordialement, Mathini

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