Le batik figure parmi les arts textiles les plus vivants de Kutch, côtoyant l’Ajrakh, le Bandhani et les broderies distinctives des communautés Ahir, Rabari ou Mutva. Cet art tissé dans la trame même de la terre de Kutch, est le miroir profond de son histoire et des anciens sentiers de commerce qui ont sculpté son identité.
Le batik, technique de teinture à la cire vieille de plus de 2 000 ans, possède des origines qui demeurent incertaines mais est largement reconnu pour avoir atteint son apogée à Java, en Indonésie, où il est devenu un art culturellement profond.
De Java, le batik s’est répandu mondialement. En Inde, cette technique s’est parfaitement intégrée, le Gujarat devenant un centre majeur, surtout la région de Kutch. D’autres États comme le Bengale occidental, le Rajasthan et l’Andhra Pradesh l’ont également adopté. Son arrivée en Inde s’est faite via les routes commerciales et grâce à des initiatives comme celle de Rabindranath Tagore, lauréat du prix Nobel, qui avait fait venir des artistes javanais pour enseigner le batik.
A Kutch, dès les années 1500, ce tissu chatoyant très prisé traversait les mers à partir du port animé de Mandvi.
Cependant, les années 1960 marquèrent un tournant. L’attrait pour le batik s’estompa, supplanté par l’ascension des tissus manufacturés, plus abordables. Mais l’esprit des artisans de Kutch ne s’est pas éteint. Avec une résilience remarquable, ils ont continué à façonner la cire et les couleurs, intégrant habilement des motifs modernes pour insuffler une nouvelle vie à cet art ancestral. Le batik, tel un phénix, se réinvente, prouvant que la tradition peut toujours danser avec la modernité.
A l’heure actuelle, la ville de Mundra, à 50 km au sud de Bhuj, est le cœur battant du batik à Kutch, où une vingtaine d’artisans perpétuent cet art ancestral. J’ai eu le privilège de rencontrer Shakeel Ahmed Khatri, un maître incontournable du batik, qui a pris le temps de m’expliquer cette technique d’impression, et ce, malgré un emploi du temps des plus chargés.
Contrairement à l’ajrakh, le batik est un art de la teinture par étapes où la cire (souvent un mélange de paraffine et de cire d’abeille) joue un rôle central. Elle est appliquée avec précision sur un tissu blanc, soit à l’aide de blocs de bois sculptés, soit délicatement à la main.
La préparation commence par un lavage minutieux du tissu en coton épais. Le tissu est ensuite posé sur du sable mouillé, préalablement tassé avec une truelle en bois.
Le sable est essentiel : il absorbe l’excès de chaleur, empêchant la cire de s’étendre et garantissant la précision du motif.
La phase de création peut alors commencer, avec l’application des motifs à l’aide de divers tampons de bois
C’est ensuite que la magie opère : lorsque le tissu est plongé dans le bain de teinture, la cire agit comme un bouclier. Elle « réserve » les zones qu’elle recouvre, les empêchant d’absorber la couleur. Le reste du tissu, lui, s’imprègne de la teinte.
Ce ballet de cirage, teinture et lavage peut être répété plusieurs fois, couche après couche, pour donner naissance à des étoffes multicolores et des motifs d’une grande complexité. L’une des signatures uniques du batik est l’apparition de « veines » ou de « craquelures » fines, formées par la cire qui se fissure subtilement, ajoutant une texture inimitable au dessin final.
Selon Khamir, une organisation dédiée à la préservation du riche patrimoine de Kutch, l’art du batik prenait jadis forme grâce à une méthode singulière : un bloc était plongé dans de l’huile chaude de graines de pilou (salvadora persica), puis pressé délicatement sur le tissu. Une fois le processus de teinture achevé, cette pâte huileuse était retirée, révélant alors l’impression.
Cependant, avec le temps, la cire est devenue le cœur de la méthode batik. Bien plus pratique à utiliser que l’huile de pilou, dont l’extraction nécessitait le pressage de milliers de petites graines, la cire a simplifié et perfectionné cet artisanat ancestral, mais a aussi changé l’apparence de l’impression en créant un effet veiné.
Si ces formes d’art vous intéressent, nous organisons des ateliers personalisés avec des maîtres artisans, notamment de Batik, d’Ajrakh et de broderie, à Kutch, mais aussi dans tout le Gujarat. Contactez nous !
VOYAGE À LA RENCONTRE DES ARTISANS DE KUTCH