Barmer est, tout comme Jaisalmer, une cité du désert du Thar, mais contrairement à cette dernière, elle est encore épargnée par le tourisme de masse. L’authenticité de la ville se retrouve jusque dans ses bazars où l’on y croise des caractères qui semblent tout droit sortis d’un ancien film Bollywood. Plusieurs sites archéologiques d’importance, un artisanat local bien vivant ainsi qu’une délicieuse gastronomie font de Barmer une ville à découvrir sans plus tarder.
Barmer était autrefois appelée « Mallani », dérivé du nom de Mallinath, le fils du Rao Salkha, le premier Maharaja de Barmer. Au 18e siècle, les Britanniques la rebaptisèrent « Barmer » d’après le souverain Bar Rao Parmar qui dirigea la région au 13e siècle de notre ère. Bar Rao édifia tout d’abord une petite cité connue sous le nom de « Juna », située à 25 km de la ville actuelle de Barmer. Rawat Lunka – le petit-fils de Rawal Mallinath – s’emparera de Juna et, en 1552, son descendant, Rawat Bhima transférera la capitale de Juna à l’actuelle ville de Barmer. Il fit construire un fort en haut de la ville, le « Barmer Garh » (voir plus bas). Rawat Tribhuwan Singh Rathore, l’actuel Maharaja de Barmer est le descendant de Rawat Lunka.
La « Mallinath fair » est l’une des plus grandes foires aux bestiaux du Rajasthan avec celles de Pushkar et Nagaur. Elle est organisée chaque année, en mars ou avril selon le calendrier hindou, à Tilwara, un village à 90 km de Barmer, et dure une quinzaine de jours. Les races les plus prestigieuses de vaches, chameaux, moutons, chèvres et chevaux sont échangées ou achetées.
Les bazars de la ville sont un régal pour les yeux des visiteurs. C’est le Rajasthan traditionnel par excellence : hommes aux moustaches stylées coiffés de turbans colorés, femmes parées de larges chourias blancs (bracelets de mariages) portant leurs courses sur leur tête et tous les petits métiers de rue qui font le charme des marchés indiens. La balade s’avère des plus attrayantes et les habitants, qui sont peu habitués aux touristes, prennent la pose sans se faire prier.
Situé sur un promontoire rocheux, le fort fut construit par Rawat Bhima, en 1552 après J.-C., lorsqu’il déplaça sa capitale de Juna à Barmer. Il fit établir le fort non pas sur le sommet, mais à flanc de colline pour lui assurer une plus grande protection. Ce sont les pierres de la colline elles-mêmes qui ont été utilisées pour la construction du fort. Sur rendez-vous, il vous est possible de visiter l’intérieur du fort en présence du Maharaja actuel, Rawat Tribhuwan Singh Rathore.
Le Raja de Barmer vous accueillera en toute simplicité et racontera quelques anecdotes sur l’histoire de la ville tout en sirotant un chaï. La visite de sa résidence s’en tient à la « court room » (salle d’audience) meublée d’objets historiques : portraits de famille, vieilles radios, figurines de Gauri et Shiva utilisées lors du festival de Gangaur et les deux statues antiques de Ganesha qui ont été sculptées en signe de bon augure, juste avant la construction du fort.
A partir du fort, débutent les marches du temple de Jogmaya Devi (ou Garh Mandir) juché au sommet de la colline. C’est un des sanctuaires les plus sacrés de Barmer. Il est dédié à Devi. Le temple plutôt paisible d’ordinaire s’anime de milliers de pèlerins lors de Navaratri, le festival dédié à la Shakti, la force féminine.
Un des autres charmes de Barmer, et non des moindres, est sa proximité avec le désert du Thar. Il est très probable que les guides touristiques mentionnent encore les dunes de Mahabar comme lieu d’intérêt, mais ne vous y fiez pas ! Un périphérique à quatre voies coupe maintenant ce petit désert en deux et il ne reste plus que quelques dunes éventrées. Quel désenchantement !
Suite à la découverte de nappes de pétrole en 2022 à Barmer, cette ville paisible du Thar s’est alors « modernisée » en un temps record faisant apparemment fi des impératifs écologiques.
Heureusement, à 30 km de là, une belle surprise nous attend. Une route cabossée, piquée de buissons secs nous mène vers une immensité blanche : c’est le « Redana Rann« , un petit désert de sel, cousin du grand Rann of Kutch du Gujarat. Tout comme ce dernier, le Redana Rann est recouvert d’eau pendant la mousson et un grand nombre d’oiseaux migrateurs comme les pélicans, les flamants roses et les grues viennent s’y établir. Durant l’hiver, il se transforme en grand désert blanc.
Le principal centre d’intérêt de la région est le complexe de temples hindous de Kiradu à 40 kilomètres de Barmer. Au nombre de cinq, ces temples auraient été construits autour du 11e et 12e siècle de notre ère par le clan rajpoute Paramar, vassaux des Solankis du Gujarat.
Parmi ces cinq temples, celui de Someshvara, dédié au dieu Shiva, est le plus remarquable. La sikhara (clocher) a disparu, mais il subsiste plusieurs chambres et de très belles colonnes finement sculptées ornées de différents dieux et déesses de la mythologie hindoue.
Selon une légende, la cité de Kiradu a été désertée suite à la malédiction d’un sage. Ce dernier avait été invité par un roi de la dynastie Parmar, qui dirigeait Kiradu au 12e siècle EC, pour rétablir la sécurité et la prospérité de la région après la guerre des Parmars contre les Turushkas. Le sage était accompagné de son disciple, qu’il laissa dans le royaume. Une fois que le royaume retrouva sa prospérité, ils négligèrent le disciple qui tomba malade. Seule la femme d’un potier vint à son aide. Quand le sage revint, il fut si furieux qu’il maudit la ville en changeant les habitants en pierre. Il épargna toutefois la femme du potier en la laissant quitter la ville à condition qu’elle ne se retourne pas. Mais, piquée par la curiosité, elle n’en fit qu’à sa tête et fut immédiatement transformée en pierre.
A l’extérieur du complexe se trouvent deux temples couronnant deux collines jumelles… Vous pouvez y accéder en grimpant des centaines de marches. Pour les voyageurs les plus courageux !
Barmer était autrefois une étape commerciale importante pour les caravanes chamelières. Cette région a gardé de ce temps un riche artisanat, notamment l’Ajrakh, la broderie, la poterie et le tissage.
Barmer dispose de plusieurs ateliers d’Ajrakh ou impression au bloc de bois, un art noble et ancestral. L’Ajrakh remonterait aux civilisations de l’Indus, il y a près de 3 000 ans avant J.-C., mais cette technique d’impression a tout particulièrement fleurie sous le patronage des Maharajas au 12e siècle de notre ère.
C’est un art exigeant, pas moins d’une vingtaine d’étapes est nécessaire jusqu’à l’impression finale d’un tissu. Cela implique, entre autres, la sculpture minutieuse de blocs de bois au design voulu, la préparation des encres faites à partir de pigments naturels, l’application manuelle des blocs sur le tissu en coton, le trempage, le rinçage, le séchage.
L’appliqué est la broderie la plus réputée de Barmer. Le tissu de base utilisé est généralement de couleur blanche avec, comme motif principal, l’arbre de vie qui représente un banyan (ficus bengalensis), l’arbre national de l’Inde. Dans la mythologie indienne, ce figuier sacré est considéré comme immortel puisque que ses racines aériennes s’enracinent au sol créant ainsi un nouvel arbre.
Si l’art de la poterie est très répandu au Rajasthan et plus largement en Inde, la fabrication de bijoux en argile l’est beaucoup moins. Une seule famille, dans un village à 25 km de Barmer, perpétue encore cette tradition qui est boudée par la population locale qui lui préfère l’or. Seuls les touristes, comme moi, y voient un intérêt majeur, celui de préserver un héritage ancestral.
Le tissage traditionnel est en voie de disparition dans la région, il reste cependant quelques irréductibles, comme dans ce petit hameau perdu dans les monts Aravallis, à 1 h de Barmer. L’atelier de tissage en plein air emploie une vingtaine de femmes formées par un maître tisserand qui a plus de 30 ans d’expérience derrière lui.
Le tissage par excellence de Barmer est le « pattu », un long plaid confectionné dans des couleurs vives à partir de laine de mouton locale. Jadis, c’était un cadeau incontournable lors des cérémonies de mariage.
Hormis le Pattu, j’eus la surprise de découvrir un tissage rare, celui du « coton » de la plante Aak (calotropis gigantea / fleur de couronne), appelée aussi, à juste titre, « arbre à soie » en raison de ses graines couronnées d’un faisceau de filaments soyeux qui se détachent au gré du vent.
On ne peut quitter Barmer sans avoir assister à un concert des Manganiars ou des Langhas !
Les Langhas tout comme les Manganiars sont des musiciens professionnels. Ils vivent dans l’ouest du Rajasthan (Barmer, Jaisalmer et Jodhpur) et dans la région de Kutch au Gujarat. Leurs musiques sont transmises de génération en génération dès la tendre enfance.
Ces deux communautés de musiciens sont très réputées et se produisent dans les festivals les plus prestigieux en Inde comme à l’étranger.
EN SAVOIR + SUR CES MUSICIENSUn petit mot tout de même sur la gastronomie de Barmer (appelée Mallani), réputée par ses plats typiques du désert du Thar. On y retrouve notamment le « bajara ki roti », un pain-galette plutôt nourrissant à base de farine de millet. Il accompagne très bien les currys et, en hiver, il se déguste aussi avec du « gud » (molasse).
Juna est l’ancienne capitale des Maharajas de Barmer (voir histoire en haut de page). Construite sous le règne de Bar Rao, elle fut déplacée par Rawat Bhima là où se trouve la ville actuelle de Barmer. Il ne reste de Juna que quelques vestiges archéologiques, témoins de sa gloire passée : un temple jaïn (du 12e -13e siècle de notre ère) et un vieux fort. À visiter pour le côté historique.
Le dérasar jaïn de Nakoda est situé à environ 10 km de la ville de Balotra connue pour ses nombreux sites religieux. Construit au 3e siècle EC, ce temple a dû être rénové plusieurs fois suite aux invasions mogholes du 13e siècle EC. L’idole principale est une statue en schiste représentant Parshvanth, le 23e Tirthankara (saint jaïn). On dit que les statues du temple ont le pouvoir d’exaucer les vœux sincères des fidèles.
Le temple Ma Rani Bhatiyani est situé dans la ville de Jasol près de Balotra et est dédié à Swarup ou Majisa, une princesse Rajpoute devenue une sainte femme. Elle est particulièrement vénérée par la communauté des musiciens Manganiars suite à une vision divine de la déesse reçue par un des artistes.
Situé à Devka, un petit hameau à environ 60 km de Barmer, le temple dédié au dieu-soleil (surya) est connu pour sa belle architecture datant du 12e ou 13e siècle EC. Le village abrite également les ruines de deux autres temples abritant des sculptures en pierre du seigneur Ganesha.
Le fort de Sanchal situé près des ex-dunes de Mahabar est, de loin, le meilleur choix de la région. Conçu comme un petit palais rajpoute, il offre une hospitalité et un service impeccables. Les chambres sont joliment décorées (optez pour une suite) et on s’y sent comme à la maison ! Piscine et possibilité de concert privé des musiciens Manganiars.
Le resort « the good hall » offre une possibilité d’hébergement dans des tentes ou des huttes traditionnelles. Leur restaurant concocte des plats délicieux, typiquement Mallanis.
DÉCOUVREZ BARMER ET LE THAR AVEC NOUS !
Je connais jaisalmer mais cette partie du désert mérite un voyage
Oui absolument ! Padharo Rajasthan ! Mathini