Bordée par le Pakistan et le Rajasthan, Kutch (prononcer keutch) est une terre ancienne qui tire son nom de ses caractéristiques géographiques qui ressemblent à une tortue (Kachchh en Gujarati). Cette région a développé son extraordinaire richesse artistique en intégrant le savoir et les traditions de la myriade de communautés qui sont venues s’y installer depuis l’Antiquité : Rabari, Jats, Ahir, Meghwal, Sodhas, pour ne citer qu’elles. De plus, en raison de l’existence de ports majeurs (Mandvi notamment), Kutch fut jadis l’épicentre du commerce maritime et terrestre qui s’est étendu de l’Asie centrale à la côte ouest de l’Afrique et de l’Inde en passant par le Moyen-Orient. Cette route commerciale apporta elle aussi sa part d’influences extérieures à la région de Kutch.
La broderie est très certainement l’artisanat le plus emblématique de la région de Kutch et principalement l’Abhla, celle qui incorpore des petits miroirs ronds.
À l’origine, l’art de la broderie, transmise de mère en fille, servait un but purement utilitaire : les vêtements brodés étaient essentiellement destinés au trousseau de la future mariée.
Cet art s’exporte maintenant dans le monde entier et de nombreux stylistes reconnus s’en inspirent pour leurs propres créations ; c’est le cas de Aratrik Dev Varman du studio Tilla à Ahmedabad.
On peut dire qu’il y a autant de styles de broderie à Kutch qu’il y a de groupes ethniques, une vingtaine à peu près. Elles reflètent l’appartenance à une communauté et le statut des individus au sein de ce même groupe.
Ainsi, les femmes Rabaris utilisent le point de chaînette et l’inclusion de petits miroirs ronds pour créer des motifs géométriques aux couleurs vives s’inspirant de leur vie semi-nomade et des mythes ancestraux.
Quant aux femmes Meghwal, elles utilisent le style « paako » ou point de boutonnière avec l’incorporation là aussi de petits miroirs. Les motifs du paako sont principalement floraux et disposés de façon symétrique. (Banni)
L’Ajrakh est également un artisanat très répandu à Kutch. Généralement concentré à Ajrakhpur, on retrouve aussi cet art dans des petits villages disséminés çà et là près de Bhuj (préférez ces petits artisans).
Il consiste à imprimer des motifs répétitifs sur un tissu à l’aide de blocs de bois sculptés et imbibés d’encre.
L’art est très ancien. Il remonterait aux civilisations de l’Indus, il y a près de 3 000 ans avant J.-C. Cependant cette technique d’impression a tout particulièrement fleurie sous le patronage des rois au 12e siècle de notre ère.
C’est un travail exigeant, pas moins d’une vingtaine d’étapes sont nécessaires jusqu’à l’impression finale d’un tissu. Cela implique, entre autres, la sculpture minutieuse de la matrice (le bloc de bois), la préparation des encres faites traditionnellement à partir de pigments naturels, l’application manuelle des blocs sur le tissu en coton, le trempage, le rinçage et le séchage.
Le Batik, tout comme l’Ajrakh, est une technique d’impression au bloc de bois. Ici, la différence majeure est l’utilisation de la cire chaude sur les blocs au lieu de l’habituelle encre.
Le principe du Batik consiste à protéger des zones du tissu contre la coloration en les délimitant avec de la cire chaude. Le tissu est ensuite trempé dans plusieurs bains de teinture successifs jusqu’à l’obtention de la couleur voulue. Au stade final, la cire est ôtée par trempage dans l’eau bouillante.
Ce procédé de « coloration par épargne » que l’on retrouve aussi en Indonésie et en Afrique, confère un effet « craquelé » et texturé au tissu.
Le Bela tire son nom du village du même nom près de Rapar Taluka à Kutch. C’est un art en voie de disparition, car un seul artisan, Mansukhbhai Khatri, le pratique désormais.
Cette technique est effectuée avec des blocs de bois plus petits que ceux de l’Ajrakh ou du Batik et le design, qui s’effectue généralement sur un fond uni blanc, est très graphique avec deux couleurs naturelles emblématiques : le rouge et le noir.
Le Bandhani est un type d’impression textile dite « tie-dye » (traduit littéralement par « nouer-teindre ») dont la fabrication se situe non seulement au Gujarat, mais aussi au Rajasthan, au Pendjab et au Tamil Nadu où il est connu sous le nom de Sungudi.
Si cette technique a été largement popularisée par les hippies dans les années 70, ses origines quant à elles sont très anciennes : elles remonteraient à la civilisation de l’Indus. Le premier exemple de ce type peut être observé sur une des peintures du 6e siècle de la grotte numéro 1 d’Ajanta représentant la vie du Bouddha.
L’art de Bandhani est un processus minutieux. La technique consiste à teindre un tissu qui est tout d’abord ligaturé en plusieurs points ; ces nœuds ou « Bhindi » qui peuvent se compter par centaines sur une même pièce de tissu forment un dessin géométrique harmonieux une fois enlevés après la teinture. La variété des motifs dépend de la manière dont le tissu a été noué.
Le Rogan, est une méthode de peinture sur tissu absolument unique ! Originaire de Perse, elle est arrivée dans le village de Nirona (Kutch), il y a environ 400 ans.
Tout comme le Béla, il n’y a plus qu’une seule famille d’artisans qui perpétue la tradition du Rogan. Cet art était au bord de l’extinction quand, dans les années 80, la famille Abdul Gafur Khatri décida de le sauver et de le développer. Leur effort a été récompensé en 2019 par la prestigieuse Padma Shri, qui est une décoration civile attribuée par le gouvernement indien à ceux qui se sont distingués dans divers domaines tels que les arts.
Dans le Rogan, des dessins élaborés sont effectués « à main levée », en appliquant de fines lignes de peinture à l’aide d’un stylet. En général, la moitié d’un dessin est peinte, le tissu est alors plié en deux, transférant une image miroir à l’autre moitié du tissu.
La peinture est fabriquée à partir d’huile de ricin (le nom « Rogan » signifie « peinture à l’huile ») que l’on fait bouillir pendant environ deux jours. On y ajoute ensuite des pigments naturels et un agent liant. La pâte ainsi obtenue est gélatineuse et peut alors s’accrocher facilement au tissu.
Traditionnellement, des motifs floraux et géométriques sont utilisés dans le Rogan et notamment le très populaire « arbre de vie ».
Le tissage tout comme la broderie fait partie intégrante de la région de Kutch.
Les tisserands kutchis sont traditionnellement issus de la communauté Marwada. On pense qu’il y a 500 ans de cela, les Marwadas du Rajasthan ont migré vers la région de Kutch et sont connus aujourd’hui sous le nom de Vankar.
Autrefois, les Vankars étaient dans une relation quasi-symbiotique avec les autres communautés de la région. Ainsi, les Rabaris (peuple pastoral), leur fournissaient la laine de mouton, de chèvre ou de chameau ; les agriculteurs Ahirs quant à eux leur procuraient le coton.
En retour les tisserands leurs fabriquaient des couvertures, des tissus et des vêtements traditionnels (voiles, jupes, et châles).
Avec l’industrialisation du textile dans les années 1960-70, la demande locale s’est considérablement amoindrie et l’artisanat local a bien failli s’éteindre. Les Vankars se sont alors regroupés en une coopérative de tisserands située à Bhujodi. C’est une destination qui est devenue très (trop) touristique à l’heure actuelle ; comme les tisserands sont présents un peu partout dans la région, mieux vaut privilégier un petit atelier de village qui a gardé encore tout son charme.
Dans les villages de Zura et Nirona, les Lohars (communauté des ferronniers) perpétuent encore la tradition du Ghantadi, la fabrication des cloches en métal. Cet art, qui serait originaire du Sindh (une province du Pakistan actuel), était à la base lié à l’élevage du bétail. Elles permettaient aux éleveurs d’identifier et de localiser leur troupeau à distance.
La matière première pour la fabrication des cloches sont de simples plaques de fer rouillées achetées dans des déchetteries. Tout est ensuite façonné à la main, à l’aide d’outils simples.
Si le Ghantadi est de moins en moins utilisé pour le bétail, il gagne cependant en popularité en tant qu’objet de décoration ou d’instrument de musique.
Le Namda trouverait sa source au 11e siècle pendant le règne du l’empereur moghol Akbar, quand un artisan créa une couverture en laine feutrée pour le cheval malade du roi.
Depuis, cet artisanat est toujours utilisé pour fabriquer des tapis de selle pour les chevaux et les chameaux des communautés locales ainsi que pour des créations modernes destinées à un public plus large comme des tapis, des sacs, des chapeaux, entre autres.