Delwara est un bourg niché au coeur des monts Aravallis, à une trentaine de kilomètres à peine d’Udaipur, la romantique cité des lacs du Rajasthan. Si Delwara est étonnamment peu connu, il fut jadis un centre spirituel majeur et un lieu d’apprentissage réputé pour les futurs souverains du Mewar ; ses milliers de temples hindous et ses centaines de derasar jaïns lui valurent le nom de « cité des dieux ».
Même si Delwara a bien changé au cours de cette dernière décennie, il a tout de même su garder cette atmosphère villageoise qui fait tout son charme. Ruelles colorées, habitants souriants, havelis rajpoutes, anciens temples et chameliers de passage réunissent tous les critères d’une visite enrichissante.
Comme à chaque fois que je m’y rends, je rencontre Himmat, guide sympathique de l’association Sadhna. Initialement créée par Seva Mandir, une ONG de premier plan à Udaipur, Sadhna, œuvre pour l’amélioration des conditions de vie des villageois et favorise l’émancipation des femmes du district d’Udaipur en les formant à l’art de la couture et de la broderie. Le patchwork, l’appliqué et le tanka sont devenus les bases d’un solide collectif de femmes artisanes. Cette association a notamment pour client FABINDIA, une marque de textiles réputée en Inde.
La balade patrimoniale de Delwara commence par les ateliers de couture de SADHNA et son magasin, puis nous longeons le lac de Palera, principale source d’eau de la ville. Il a été construit vers 1875 EC par la reine Sajjan Kumari à la mémoire de son défunt mari, le prince Jhala Mansinghji, décédé très jeune. Le nom Palera Talab vient du sanskrit « palankarta » qui signifie « protecteur ».
Après quelques mètres, nous entrons à proprement parler dans le village. Là, nous faisons un premier arrêt au Trimukhi Baori, un ancien puits à degrés à trois entrées construit par les brahmanes Shrimali pour les besoins de leurs rituels.
Non loin, nous tombons sur le temple ancien Vaikunthnathji dedié à Vishnou. Une construction récente collée à l’un des murs du temple altère malheureusement la beauté du site.
Nous continuons notre marche dans ce village paisible où les habitants viennent facilement à ma rencontre. L’un d’entre eux, un artisan-bijoutier, m’invite chez lui pour me montrer ses bijoux anciens en argent. Je n’achèterais rien cette fois-ci, mais je garde l’adresse précieusement.
Il me fait ensuite une démonstration de création d’amulettes. Ses moules anciens représentant diverses déités hindoues et autres symboles de bon augure valent à eux seuls le coup d’œil.
La visite suivante nous mène à un des deux principaux temples jaïns de la ville, celui de Bhagwan Parshwanath, dédié au 23e tirthankara. Sa caractéristique unique est une chambre située à environ 5 mètres sous terre, qui abrite treize idoles.
On pense que les temples jaïns de Delwara ont été construits sous le règne de l’empereur Samprati, petit-fils du grand empereur Ashok. Samprati régna sur toute la partie occidentale et méridionale de l’Inde (empire Maurya) depuis Ujjain dans l’actuel Madhya Pradesh. Il fut à l’origine de nombreux derasars jaïns dans cette partie de l’Inde.
Ce temple jaïn a été détruit à maintes reprises et sa reconstruction à grands frais a commencé en juillet 2007, les travaux sont toujours en cours ; le travail du marbre des derasars jaïns est minutieux, chaque sculpture taillée à la main est unique.
Nous continuons notre marche vers le Sadar bazar, le marché principal du village qui, avec ses échoppes surannées et ses commerçants sympathiques, ajoutent, ô combien, à l’intérêt de la balade.
Nous traversons plusieurs ruelles colorées où des villageois papotent tranquillement assis sur le devant de leur porte.
Nous arrivons au deuxième derasar jaïn, nommé Rishabhdev. Ce temple en marbre blanc est un vrai bijou architectural. Il contient 149 piliers et 52 sanctuaires individuels finement sculptés. Dommage que les photos soient interdites à l’intérieur, car vous auriez pu voir qu’il n’a rien à envier aux autres temples jaïns de la région, Ranakpur, pour ne citer que lui.
D’ailleurs, pour la petite anecdote, Delwara est souvent confondu avec Dilwara du Mount Abu et non sans raison. L’histoire raconte que quand Vimal Shah (un des ministres du souverain Solanki Bhimadev I du Gujarat) visita les temples jaïns de Delwara, il a fut si inspiré qu’il construisit le premier temple jaïn du Mount Abu (le temple Vimala Vasahi) sur le modèle des temples de Delwara ; de là proviendrait le nom de Dilwara.
À partir du temple, nous apercevons au loin une tour posée sur la colline Kantya. Connue localement sous le nom d’Audhi, elle a été construite par le maharaja Jasvant singh comme tour de chasse. Si vous êtes intéressé.e.s, nous organisons des treks jusqu’à cette colline, ainsi qu’aux alentours.
Nous prenons un peu de hauteur et atteignons un ensemble de temples hindous du nom de Kasheshwar Mahadev dédiés à Shiva. On dit que le complexe aurait plus de 1000 ans.
Nous sommes maintenant sur la colline de Bhil basti, qui comme son nom l’indique, est une colonie habitée par la communauté indigène Bhil. L’atmosphère ici est toute autre avec des maisons aux motifs tribaux et, disons-le, des conditions de vie plus précaires, qui contrastent avec le palais-hôtel 5* posé à quelques centaines de mètres cette colline.
Un temple dédié à la Shakti attire mon attention avec sa porte ornée de motifs rouges géométriques et ses divinités au sol devant lesquels des épis de blé sont offerts. La période de Basant Panchami (festival du printemps et des moissons) explique certainement cela.
En redescendant, nous tombons sur un des centres d’intérêt majeurs du village : le puits à degrés Indra datant du 19e siècle, qui était autrefois un espace public et une source d’approvisionnement en eau pour la communauté. Tombé en désuétude après des décennies de négligence, il a été restauré avec l’aide de l’ONG Seva Mandir.
En arrière-plan du puits, on peut apercevoir l’imposant Devi Garh. L’histoire de ce palais-forteresse remonte au 16e siècle quand la principauté de Delwara fut offerte à Rajrana Sajja Singh et à son frère, Ajja Singh, par le célèbre Maharana Pratap, 13ᵉ roi du Mewar, en reconnaissance de leurs services rendus suite à la bataille de Haldighati en 1576.
Un palais rudimentaire fut d’abord construit, puis il fut réaménagé en palais à sept étages dans les années 1760.
Deux siècles plus tard, il était en ruine lorsqu’il fut acquis par Lekha Poddar, héritière d’une famille industrielle de la région du Shekhawati (la galerie d’art à ciel ouvert du Rajasthan). La restauration durera plus de 15 ans. Devigarh rouvrira ses portes en 1999. L’édifice a été ensuite racheté en 2015 par la chaîne d’hôtels de luxe RAAS.
Ce palais-hôtel est sûrement l’un des plus beaux que compte l’Inde, mariant une architecture traditionnelle rajpoute avec des éléments contemporains et une vue imprenable sur les monts Aravalli.
La marche s’achève après avoir flâné dans la rue des « lodha pada haveli« , un quartier jalonné de maisons de maître typiques avec leurs jharokhas (balcons à encorbellement) et leurs jalis, ces écrans de pierre sculptés qui permettaient aux locataires d’observer la rue sans être vus.
Peut importe le nombre de fois où je me suis rendue à Delwara, je ne m’en lasse jamais. C’est un de mes villages coup de coeur de la région du Mewar. Pour une expérience rurale du Rajasthan, j’organise, en collaboration avec Sadhna, des balades patrimoniales à Delwara, des ateliers artistiques, des treks et des séjours chez l’habitant. Contactez-moi !
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