Ayodhya, posée sur les rives de la Sarayu, est une cité historique. On dit qu’elle fut la capitale du Royaume de Kosala qui a vu naître le dieu Rama, le célèbre héros de l’épopée du Ramayana. À ce titre, elle est considérée par les hindous comme l’une des sept villes les plus sacrées de l’Inde (Sapta Puri). Comme tous les hauts de pèlerinages, la ferveur spirituelle y est palpable même si, pendant deux décennies, la ville a fait l’objet d’un conflit politico-religieux.
Le conflit d’Ayodhya trouve son origine dans la mythologie hindoue elle-même.
On dit qu’à l’origine, le lieu de naissance de Rama était marqué par un temple ; il aurait été démoli par l’empereur moghol Babur et remplacé en 1528 par une mosquée du nom de Badri.
La mosquée de Babri était l’une des plus grandes de l’Uttar Pradesh. Les hindous comme les musulmans se rassemblaient dans cette « mosquée-temple », les musulmans à l’intérieur et les hindous à l’extérieur. Aussi, elle fut surnommée « masjid-i-janmasthan », la mosquée construite sur le lieu de naissance.
Des fouilles archéologiques ont prouvé l’existence d’une importante structure hindoue antérieure à la mosquée sans pouvoir prouver toutefois qu’il s’agit bien là du temple à Rama.
De plus, même si une grande partie des chercheurs acquiescent sur le fait que la ville actuelle d’Ayodhya est bien celle des anciens textes, cette théorie n’est pas universellement acceptée.
En 1992, lors d’un rassemblement politique hindou qui s’est transformé en émeute, la mosquée Badri fut détruite. La volonté des activistes hindous était de pouvoir rebâtir un temple dédié à Rama à ce même endroit.
Suite à la destruction de la mosquée, l’affaire fut portée devant la Haute Cour de Justice d’Allahabad. Dans un arrêt du 30 septembre 2010, elle divisa 2.77 acres de terre d’Ayodhya de façon égale, entres les hindous et les musulmans.
Les parties firent appel de ce jugement devant la Cour Suprême de Delhi. L’enjeu était de savoir sur quelle partie de terrain le temple serait construit. L’affaire resta en suspend pendant 7 ans.
En octobre 2019, la Cour suprême ferma la porte à tout recours. Elle ordonna que le terrain initial soit remis au Trust hindou pour la construction du temple. Elle somma également le gouvernement de donner une autre parcelle de terrain au conseil sunnite du Waqf pour la construction d’une mosquée.
Le Trust hindou n’avait cependant pas attendu le résultat final du procès pour démarrer la construction du temple ; une grande partie des pierres de l’édifice à venir avaient déjà été rassemblées. Elles ont été sculptées dans des blocs de grès rose provenant du Rajasthan.
Au fil des ans, plus de 200 000 briques portant l’inscription « Sri Ram » ont été récoltées. Il semble que la construction du nouveau temple hindou était de toute façon en marche quelle que soit la décision judiciaire finale.
Le 5 août 2020, le Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, posa une brique d’argent symbolique dans le sanctum sanctorum du futur temple. Pour beaucoup d’hindous, cet événement fut un moment historique. La retransmission en direct de la cérémonie fut suivie par plus de 160 millions de téléspectateurs.
La nouvelle structure (plus ambitieuse que le premier projet) sera construite sur trois étages. Elle sera posée une plate-forme surélevée de 49 mètres de long, avec plusieurs tourelles, piliers et dômes. Selon les architectes, il faudra attendre encore trois ans pour pouvoir franchir la porte de ce temple historique.
Ram Janmbhoomi est le lieu supposé de la naissance du seigneur Rama et l’endroit même du conflit d’Ayodhya. Il est situé à l’ouest de la ville, là où le fort de Rama était érigé.
Rama est l’une des divinités majeures de l’hindouisme. Il est le septième avatar ou incarnation du dieu Vishnou (le protecteur de l’univers). Il est né le neuvième jour du mois lunaire Chaitra (mars-avril) célébré à travers toute l’Inde sous le nom de « Ram Navami« . Cela coïncide avec l’un des quatre Navaratris sur le calendrier hindou, au printemps.
Jusqu’en 2020, le sanctuaire de Rama se tenait sous une tente temporaire rudimentaire sur le lieu de l’ancienne mosquée.
La petite idole de Lala Rama (l’infant Rama) ainsi que celle de Sita et d’autres divinités sont maintenant placées dans un temple en bois en attendant le grand sanctuaire final.
Le temple hindou de Garhi, dédié au dieu-singe Hanuman, se niche en hauteur dans une citadelle ; une centaine de marches nous y mène.
C’est, avec Ramkot, le temple le plus vénéré d’Ayodhya et il est de coutume de visiter ce temple avant celui du seigneur Rama.
Le sanctuaire a été construit par les Nawabs de Lucknow au 10e siècle EC. Même si vous n’êtes pas hindou, l’ambiance animée et l’architecture richement décorée du temple valent à eux seuls le coup d’œil.
On dit qu’Hanuman vivait ici dans une grotte et protégeait le fort de Ramkot. La divinité du temple est un « shila », une grande pierre décorée, entourée de différentes divinités ; parmi elles, celle de la mère d’Hanuman.
Les fidèles viennent ici avec des laddous (sucreries rondes très populaires en Inde) qu’ils font bénir. Ils pensent que prier le dieu-singe leur apportera chance et prospérité.
Kanak Bhawan se trouve à environ 800 mètres du temple d’Hanuman Garhi. C’est certainement l’un des plus beaux temples d’Ayodhya. Il a été construit en 1891 par Vrishbhanu Kuvari, la reine de Tikamgarh dans l’état du Madhya Pradesh actuel.
La légende raconte que Mata Kakai (la mère de Rama) a fait cadeau de ce palais à Rama et Sita après leur mariage. On dit qu’à l’origine, il était recouvert d’or, d’où son nom « Sone-ka-Mandir » (temple d’or).
Ce temple paisible, au carrelage noir et blanc, abrite les idoles de Sita et Rama ainsi que ses trois frères: Lakshmana, Bharata et Shatrughna
Cet édifice à l’entrée très colorée serait le palais originel de Rama. Il contient un temple dédié au dieu et à sa famille.
Le prêtre du temple, Ram Das, avait entreprit un jeûne de plus de 20 ans ; un acte militant pour la réhabilitation du temple de Rama. Il ne mangeait alors que des fruits accompagnés de lait. Son ascèse s’est enfin terminée avec le verdict final de la haute cour de justice.
Sri Maniram Das Chavani est un temple dédié à la mémoire de l’auteur du Ramayana, Valmiki. L’entière épopée du seigneur Rama est inscrite sur les murs de l’immense hall du temple.
A l’autre bout de la salle, en face de l’entrée, se trouvent les idoles de Lav et Kush, les deux fils de Rama et Sita. Ils sont entourés de celle de leur père adoptif et instructeur, Valmiki.
En Inde, un haut lieu de pèlerinage n’est jamais loin d’une rivière sacrée et vis-versa. C’est le cas d’Ayodhya.
La rivière Sarayu coule au nord de la ville ; les hindous se rassemblent sur ses rives (Naya ghats) pour y faire leurs ablutions et offrandes rituelles.
Le soir autour de 7 heure, un arati (offrande de flammes) est effectué pour remercier la rivière de ses bienfaits.
Juste à côté, on trouve les ghats* d’ablutions de Ram Ki Pairi entourés de vieux temples et de jardins.
* Les ghats sont les marches menant à la rivière
Les 25 ghats furent reconstruits en 1985 afin d’accueillir les milliers de pèlerins qui s’y rassemblent lors des grandes fêtes religieuses ; ils pallient aussi aux inondations qui submergent les naya ghats. L’eau des bassins de Ram Ki Pairi est pompée directement dans la rivière Sarayu.
Situé juste à côté des Naya ghats, se tient le temple de Nageshwarnath dédié au dieu Shiva ; c’est l’un des plus vieux d’Ayodhya. Les fidèles s’y rendent après l’arati du soir donné à la rivière Sarayu (voir ci-dessus).
La légende raconte que le temple de Nageshwarnath a été construit par Kush, un des fils du dieu Rama. Kush avait perdu son bracelet-brassard en se baignant dans la rivière Sarayu. Il fut ramassé par une Nag-Kanya (femme-serpent gardienne de la terre) qui tomba amoureuse de lui. Comme elle était une fidèle de Shiva, Kush ériga ce temple pour elle. Le sanctuaire actuel a été construit en 1750 et abrite un lingam, symbole du dieu Shiva.
On dit aussi que c’est avec ce temple que le roi légendaire Vikramaditya (1er siècle av. J.-C) a pu localiser Ayodhya et les sites des différents sanctuaires.
La ville était alors tombée en ruine et recouverte de forêts denses. Des fouilles ultérieures aux 19e et 20e siècles ont aidé à localiser l’endroit exact d’Ayodhya. Cependant, cette localisation n’est pas acceptée à l’unanimité.
Lors du festival de Mahashivaratri (Février-Mars), le temple est en ébullition ; des milliers de pèlerins jouent des coudes pour recevoir les bénédictions du lingam.
Situé près de la route nationale, Tulsi Smarak Bhawan est un complexe construit en 1969 en hommage à Goswami Tulsida. Ce poète et philosophe indien est principalement connu pour sa version du Ramayana, le Ramcharitmanas.
L’édifice renferme un institut de recherche (Ayodhya Shodh Sansthan) et une importante bibliothèque de livres en hindi ainsi que des compositions littéraires sur Goswami Tulsidas.
Des programmes culturels ont lieu chaque jour de 18 h à 21 h à l’auditorium Tulsi Smarak ; l’attraction principale est le « Ram Lila », une pièce sur la vie du dieu Rama.
D’autres activités comme la prière, les discussions religieuses, les chants de dévotions y sont également organisées.
Cet édifice haut en couleur est supposé être le palais dans lequel le roi Dasharatha a résidé avec sa famille.
Dasharatha descend de la dynastie Suryavamsa (dynastie du soleil) ; il fut le roi d’Ayodhya et le père de Rama, comme mentionné dans l’épopée hindoue, le Ramayana.
L’endroit abrite maintenant un temple, avec les idoles de Sitha, Rama et ses frères.
Merci pour cet article très intéressant.
J’ignorais en effet tout de cette ville et de l’histoire de ses temples fabuleux.
Hello Patricia, oui effectivement, très peu d’étrangers connaissent cette ville qui est vraiment centrée sur la Rama-Bhakti. Il faut dire qu’avec ce long duel judiciaire, la ville avait été laissée complètement à l’abandon, la rendant peu attractive pour les touristes. Il fallait vraiment être intéressé par l’hindouisme pour s’y rendre. Après la décision judiciaire finale, la vieille ville et les ghats ont été complètement rénovés ; du coup Ayodhya vaut vraiment le coup d’oeil 🙂
J’ai beaucoup aimé, au travers de votre reportage, l’authenticité de l’aarti puja sur les gaths de la rivière Sarayu ainsi que cet alignement de monuments anciens sur les gaths de Ram Ki Pairi. Un endroit authentique où il doit faire bon se perdre au gré des rencontres.
Bonjour, oui, c’est un lieu encore authentique, bien loin du tourisme de masse. Une belle pause avant de se diriger vers Varanasi 😉