Avec Dussehra, Phagun Madai est un autre festival d’importance du Bastar dans l’état du Chhattisgarh. Il est organisé chaque année à Dantewada, une ville située à 80 km au sud de Jagdalpur où 60 % de la population est « adivasi », c’est-à-dire d’origine indigène. Ce festival de 10 jours, qui a lieu durant le mois de Phagun du calendrier hindou (février/mars), célèbre le printemps ainsi que la riche culture artistique et spirituelle des peuples autochtones de cette région.
Dantewada est la ville de la déesse Maa Danteshwari, sainte patronne du Bastar et très vénérée Shakti Pitha : la mythologie raconte qu’une dent de Sati, la parèdre de Shiva, est tombée ici, d’où le nom de la ville « Dantewada » (« dat » signifiant « dent » en hindi).
Sculptée dans le schiste noir, Danteshwari représente « Mahisasuramardini », la déesse guerrière avec six bras armés qui combat les démons et rétablit l’ordre dans l’univers.
Le festival de Phagun Madai est étroitement lié à la déesse, car on dit que pendant ce festival, Danteshwari célèbre le festival de Holi avec toutes ses sœurs divines des villages environnants.
Selon d’autres sources, ce festival aurait été initié par Sri Putra Purushottam Dev, le quatrième roi du Bastar (1468-1534 EC), afin de préserver la culture tribale.
A l’occasion de Phagun Madai, un kaléidoscope d’ethnies du Bastar, mais aussi de l’Odisha se réunit au temple de la déesse avec leurs déités locales représentées par des « anga deo » (sortes de palanquins), des « Chhatri » (parapluies) en argent et des drapeaux. Elles se comptent par centaines.
Tout comme Dussehra Bastar, ce festival est un mélange de traditions autochtones animistes et de rituels hindous. Les festivités s’effectuent en parfaite harmonie avec la famille royale du Bastar et les différents représentants des tribus.
L’inauguration du festival de Phagun Madai a lieu devant dans le temple Maa Danteshwari en enterrant un poteau en bois surplombé du « trishul » (trident) de la déesse.
Chaque jour, le palanquin représentant Maa Danteshwari est emmené en procession jusqu’au temple de Narayan en contrebas accompagné des divinités tribales, les anga deo et de leurs symboles, les drapeaux et les parapluies.
Le grand-prêtre du temple de Danteshwari ainsi que le Maharaja du Bastar accompagnent la procession couverts d’une coiffe originale composée de fleurs de bhandarin et de mogra. Dans la soirée, après différents rituels, le palanquin retourne au temple d’origine.
Parallèlement au culte de la déesse, les traditions artistiques des tribus sont mises à l’honneur tout au long du festival. Alors qu’à l’extérieur du temple, des hommes jouent des airs de Mohari (sorte de hautbois) au rythme des percussions dhols et nagadas, à l’intérieur, des femmes entonnent des chants d’un autre monde accompagnées d’instruments de musique « faits maison » : paniers à riz et cruches pour la caisse de résonance et arc de chasse comme archer !
Le soir, des danses de chasse et du théâtre folklorique prennent le relais tel le « Ganwarmar » qui implique la chasse symbolique du « Ganwar » ou buffle sauvage.
Phagun Madai se termine par les adieux aux déités. En fin de journée, les hommes se précipitent dans le temple pour y chercher leur divinité-parapluie. Puis, les porteurs de drapeaux forment une haie d’honneur, du temple de Danteshwari jusqu’à celui de Narayan.
Les Dandami Maria et leur fameuse danse rythmée du bison ouvrent le bal ; ils forment plusieurs cercles devant la porte du temple de la déesse avant de descendre l’allée jusqu’à l’autre temple.
S’en suivent plusieurs cortèges de palanquins et parapluies divins jusqu’à la tombée de la nuit quand tous les participants se réunissent au temple de Nayaran pour le dernier chapitre des festivités. Au menu, des chants et des danses qui, parfois, ne sont pas sans rappeler des traditions ethniques d’autres continents, preuve encore une fois de la connexion entre les différents peuples du monde.