La route sinueuse de quelques heures qui nous mène d’Udaipur (Rajasthan) vers Poshina (Gujarat) traverse les monts Aravallis, particulièrement en beauté après la mousson, quand la nature en pleine exubérance vous offre toute une palette de verts tendres et frais. Quel bonheur ! Mais les bonnes surprises ne s’arrêtent pas là. À notre arrivée, nous sommes chaleureusement accueillis par le Maharaja, Harendrapal Sinh, dans son palais ancestral, qui sera notre pied-à-terre royal pendant toute la visite de la région. La suite de l’histoire est une série de belles découvertes, des intrigants chevaux Adivasis en terre cuite aux peuples colorés Garasias, sans oublier les très élégants bergers Rabaris aux larges turbans vermillon.
Poshina est situé dans le district de Sabarkantha, tout au nord du Gujarat, à une vingtaine de kilomètres d’Ambaji, demeure suprême de la Shakti.
La région se niche tranquillement dans les monts Aravallis dont les paysages vallonnés et sauvages vous extasient tout au long du voyage. Sur la route, comme un avant-goût de notre séjour à Poshina, nous croisons plusieurs autochtones, notamment des Bhils, un des peuples indigènes les plus nombreux de l’Inde.
Les pauses « chaï » permettront d’aller à leur rencontre en balbutiant quelques mots d’Hindi.
Autour du stand de thé, plusieurs locaux attendant le bus ou plutôt les taxis-jeeps qui ne semblent circuler que s’ils sont hyper bondés !
Le seul hébergement disponible à Poshina est le palais de Darbargadh, on ne saurait s’en plaindre, toujours dirigé par les descendants de Rao Rai Sinh, un rajpoute de la dynastie Vaghela, qui conquit la région en 1634 alors occupée par les Rathores.
Les fiefs du clan des rajpoutes Rathore englobaient à cette époque la région du Marwar au Rajasthan et quelques parties de l’Inde centrale et du Gujarat.
Quant à la lignée Vaghela, leurs dirigeants furent tout d’abord des vassaux de la grande dynastie Chaulukya, bien que les Vaghelas soient aussi associés aux Chaulukyas, le premier membre connu de la famille Vaghela, Dhavala, ayant épousé la tante maternelle du monarque Chaulukya Kumarapala. Les Vaghelas eurent leur heure de gloire, lorsqu’au milieu du 13e siècle, Visaladeva Vaghela (fils de Lavanaprasada, général des Chaulukyas) monta sur le trône profitant des failles dans le règne du roi Chaulukya Bhima II. Les successeurs de Visaladeva Vaghela gouvernèrent une grande partie du Gujarat jusqu’à ce que Karna Vaghela soit vaincu par Alauddin Khalji du Sultanat de Delhi en 1304 EC. Les Vaghelas furent les derniers monarques hindous à gouverner le Gujarat, avant la conquête musulmane de la région.
Notre entrée dans le palais se fait au son du tambour, comme quand les illustres convives venaient prêter allégeance au Maharaja. Kunwar Harendrapal Sinh, le maître des lieux, nous accueille en personne et nous fait faire le tour du propriétaire.
De blanc vêtu, le palais aux multiples arches à colonnades de style rajpoute est subtilement décoré de mobilier ancien et, toute une collection de peintures Pichwais et Tanjores, chinées par la maîtresse des lieux, ornent les murs.
Nous serons logés dans une chambre spacieuse, donnant sur l’ancien Zenana, la partie qui était réservée aux femmes de la cour.
Le village de Poshina qui entoure le palais semble lui-même ne pas avoir bougé depuis des temps anciens.
Sur la grande rue centrale qui part du palais et s’étire sur plusieurs centaines de mètres, vous rencontrerez plusieurs peuples autochtones de cette région.
Les Garasias sont les plus nombreux et viennent y faire leurs emplettes, mais aussi vendre leurs produits. C’est le moment ou jamais de capturer quelques scènes de la vie locale.
Dans ce même village, plusieurs artisans sont à l’œuvre, ceux qui travaillent le fer mais également ceux qui façonnent l’argile pour fabriquer les fameux « manetar ka ghoda », les chevaux Adivasis* en terre cuite.
*Adivasi est un mot générique pour désigner les peuples autochtones de l’Inde
En continuant notre marche dans le village, nous tombons sur le temple Nilkhand Mahadev datant 14e siècle EC et dédié à Shiva.
Le sanctuaire contient un lingam, symbole du dieu, et les façades extérieures, bien qu’usées par le temps ont cependant conservées de belles sculptures de différentes divinités du panthéon hindou.
En face du temple, les chhatris des Vaghelas (mémoriaux) nous rappellent le passé royal de la ville.
Non loin de ces cénotaphes, deux anciens temples jaïns ont été bâtis dédiés à Parshvanath et Neminath, respectivement le 23e et le 22e des 24 tirthankaras (maîtres éveillés) de la foi jaïne. L’intérieur est richement décoré de miroirs et de verres colorés.
La visite des alentours de Poshina se fait avec Kunwar Harendrapal Sinh lui-même.
Coiffé d’un panama et d’une humeur joviale, il nous conduit tout d’abord vers les sanctuaires très spéciaux des chevaux en terre cuite.
Après avoir passé un pont surplombant la rivière Sai, le premier temple se dévoile.
Des centaines de chevaux, aux longues oreilles effilées, avec une bouche en forme de O, nous accueillent en rangs serrés sous un arbre neem.
Ils sont dédiés au culte de Damidohi, une déesse locale. Les autochtones viennent ici faire un vœu et, s’il est exaucé, ils offrent un cheval en terre à la déité en signe de gratitude.
Ces figurines votives, bien que beaucoup plus petites, me font penser à celles du culte d’Ayyanar, dieu protecteur des villages du Tamil Nadu.
Après cette enrichissante visite, nous reprenons la route pour nous rendre sur un deuxième sanctuaire, celui de Bhakar Bavji, le dieu de la montagne. Il est situé dans un village Adivasi que nous traversons à pied en nous arrêtant de temps en temps pour saluer les habitants. Le site est tout aussi fascinant que le premier, ces curieux chevaux en terre cuite semblent exercer quelque bonne magie sur nous.
Nous continuons notre route toujours plus au nord. En chemin, nous nous arrêtons pour une démonstration de la pollinisation manuelle des cotonniers. Les agriculteurs piquent les inflorescences mâles du cotonnier en brochettes puis pollinisent les fleurs femelles avec ces brochettes d’étamines. Un travail long et patient très intéressant à observer.
Nous arrivons maintenant à la frontière du Gujarat et du Rajasthan, en traversant des paysages toujours aussi luxuriants. Nous atteignons un petit village Rabari dans lequel nous ferons une pause pour déguster un délicieux repas fait-maison.
Notre venue dans la maison familiale, où quatre générations vivent sous le même toit, fait l’objet d’une grande curiosité. Nos gestes sont scrutés et les enfants intimidés se cachent derrière les piliers en bois de la demeure. Mais, pas à pas, ils commencent à s’approcher quand nous entamons une ‘Garba’, une danse populaire du Gujarat. La glace est totalement brisée quand une séance photo est organisée. J’en profite pour prendre de beaux clichés des femmes de la maison ; elle sont encore vêtues de façon traditionnelle, avec de larges bracelets de mariage bleu ciel.
Les Rabaris étaient à l’origine des peuples nomades éleveurs de chameaux, mais à l’heure actuelle beaucoup se sont sédentarisés et se sont reconvertis dans l’élevage de moutons et de chèvres. Ce peuple comprend deux sous-clans, les Rabaris du Rajasthan, et les Rabaris du désert de Kutch dans l’ouest du Gujarat. Les costumes traditionnels et aussi certaines traditions diffèrent totalement selon ces deux clans. Les femmes Rabaries de Kutch portent généralement des tenues noires brodées de motifs colorés alors que les Rabaries du Rajasthan ont des costumes très vifs plutôt dans les tons violet, rouge et bleu avec une longue rangée de bracelets de mariage. Les hommes Rabaris quant à eux sont connus pour leurs larges turbans rouges et leurs tenues d’un blanc immaculé. Leur élégance naturelle a été immortalisée par un bon nombre de photographes internationaux.
En fin de journée, en rentrant en direction du palais, nous croisons à nouveau plusieurs membres de la communauté Garasia. Je saute de la jeep pour faire les derniers clichés de ce peuple original.
Original, car contrairement à ce qui se pratique dans la majorité de l’Inde, les Garasias peuvent vivre en union libre avant le mariage. Les couples se forment généralement lors de la foire annuelle de Gaur d’où ils s’enfuient. Lorsque le couple nouvellement formé revient dans leur village, la famille du garçon doit payer une certaine somme à celle de la mariée pour que le couple puisse vivent ensemble. La cérémonie officielle du mariage a lieu quand le couple recueille les fonds nécessaires pour se marier.
Si la tenue des hommes Garasias est plutôt simple, celle des femmes par contre ne manque pas d’inventivité. Elles portent un ‘ghagra choli’ c’est-à-dire un chemisier ajusté à manches longues avec une jupe et un long voile piqué sur l’arrière de la tête. Le haut est orné de grandes fleurs cousues sur les épaules, de petits miroirs ronds typiques du Gujarat, mais aussi de messages brodés, parfois humoristiques, comme des ‘I love you’, le nom de leur partenaire ou … des lapins ! Le tout peut sembler un peu kitch, mais pour moi, c’est juste le reflet de leur ouverture d’esprit.
La fin de notre séjour s’annonce, nous quittons le palace et son accueil familial les yeux illuminés de souvenirs. Sur la route en direction d’Udaipur, nous apercevons un dernier sanctuaire aux chevaux d’argile dans lequel nous exprimons le vœu de revenir au plus tôt dans cette région…
Si vous voyagez dans la région autour du festival de Holi (mars ou avril selon le calendrier hindou), vous aurez peut-être la chance d’assister à la foire annuelle de Chitra Vichitra dans le village de Gunbhakari, à une dizaine de kilomètre de Poshina.
Le site de la foire est considéré comme sacré en raison de la confluence de trois rivières, la Sabarmati, la Wakal et la Pamri. On y trouve aussi un temple abritant une image de Bhishma Pitamah, figure de l’épopée du Mahabharata, huitième fils du roi Kuru Shantanu et de la déesse-rivière Ganga.
Le festival honore les personnes décédées dans l’année. La veille du festival, les familles se rassemblent au bord de la rivière Wakal, pleurent leurs défunts et plongent leurs cendres dans la rivière. Ce n’est qu’après cette nuit de prière et de recueillement que la foire colorée peut commencer.
Les festivités rassemble près de 80 000 fidèles, principalement des peuples bhils et garasias du Gujarat et du Rajasthan. C’est la plus grande foire ethnique après celle de Baneshwar au Rajasthan. elles comprend des danses et chants traditionnels ainsi que des attractions foraines et divers stands d’artisanat local.
Quoi de plus romantique que de se marier à l’indienne dans un palais historique qui a vu passer dix générations de Maharajas ! En collaboration avec la famille sinh, nous organisons tout de A à Z ! Le transport, la décoration, le buffet, les cérémonies hindoues, les costumes, les visites… etc. Contactez-nous !