Depuis la bataille de Sirohi, les liens étroits qui se sont noués entre les Rajpoutes et les Rabaris Raïka ne sont plus à démontrer. Ces derniers, simples éleveurs de chameaux à la base, ont à maintes reprises sacrifié leur vie en combattant aux côtés des Maharajas. Il n’est donc pas étonnant que cette communauté pastorale soit hautement respectée par les Rajpoutes et que les Rabaris vénèrent en retour des héros Rajpoutes. Les temples des guerriers Momaji dans la région sud-ouest du Rajasthan en sont les meilleurs exemples.
Momaji ou Mamaji sont des temples populaires de la région du Godwad au Rajasthan qui comprend les districts de Jalore, Sirohi and Pali. Comme c’est souvent le cas avec les légendes en Inde, il y a de multiples versions. Celle que je vais vous raconter maintenant est la plus populaire.
Il faut tout d’abord préciser que Momaji n’est pas associé à une seule divinité, mais à plusieurs guerriers rajpoutes valeureux qui, à différentes époques, se sont battus pour protéger la communauté pastorale Rabarie. Ils sont connus sous divers noms : Dalpat singh, Ganga singh, Dalji, Gongji, Bhoomiya Singh Rathore, Shardul Singh, Dhoneri Veer ou Bhursingji pour ne citer qu’eux.
L’histoire commence avec le souverain Mandala ji Rathore (un des 24 fils du Roi Ranmal de Mandore) qui établit son fief autour de Bikaner au Rajasthan. Au sein de son clan, se trouvait le Thakur Hemsingh Mandalawat, qui ne pouvant avoir d’héritier, accomplit de sévères pénitences pour obtenir la grâce de Devi Karni Mata (la déesse du temple des rats). Elle le bénit de deux fils : Daulat Singh et Ganga Singh, populairement connus en tant que Dolji et Gongji qui menèrent de grandes batailles victorieuses.
Le temple le plus célèbre de Momaji dédié à ces deux guerriers est le « Dhoneri Veer Momaji mandir » dans le village de Nimblana (district de Jalore).
Daulat Singh eut un fils, prénommé Moma Bhursingji Rathore, né dans le village de Dhar au Rajasthan.
Comparé aux autres enfants, Moma Bhursingji grandit rapidement et sa force était exceptionnelle. On dit qu’il tenait sa vigueur de la déesse-cobra Nagnechi mata, divinité tutélaire de la dynastie Rajpoute Rathore.
Un jour, alors que Moma pratiquait ses talents d‘archer, une de ses flèches vint briser la cruche d’une « panihari », une femme qui venait chercher de l’eau dans un étang. Elle prononça alors des paroles amères : « frère, mon mari a été tué par les Meenas et ils ont volé toutes mes vaches ! Si tu es un valeureux guerrier, ramène-les et venge la mort de mon mari. »
Ces mots furent pour Moma comme un coup poignard dans la poitrine et, pendant la nuit, il fit un rêve dans lequel la Panihari, maintenant sa sœur de cœur, pleurait en se souvenant de lui, assise seule dans sa maison : « Oh, mon frère, s’il te plaît, viens consoler ta sœur qui se lamente, donne-lui de l’espoir et du courage. Reviens bientôt mon frère, mon Veer, c’est l’heure de prouver la valeur des liens de Raksha Bandhan.
En entendant les pleurs de sa sœur, Moma se réveilla au milieu de la nuit. Et, après avoir prié Nagnechi Mata, il prit une épée la plus tranchante, sauta sur son cheval et chevaucha vers Ujjain (Madhya Pradesh) où les voleurs s’étaient réfugiés.
Quand il entra dans Ujjain, il commença à rugir comme un lion, demandant à ceux qui avait volé les vaches de venir se battre. Il cria qu’il se battrait jusqu’à son dernier souffle pour les reprendre.
Les voleurs effrayés finirent par s’incliner. Bhursingji libéra alors toutes les vaches et les rendit à sa sœur.
A son retour, le fils de la panihari toucha les pieds de Moma et lui dit qu’à partir d’aujourd’hui, le monde entier le connaîtrait sous le nom de « MOMAJI ». Ce dernier sortit soudainement son épée et se trancha lui-même la gorge. Sa sœur posa la tête de Momaji sur un plateau et fit un « kumkum teeka » (marque rouge sur le front), les larmes aux yeux.
C’est ainsi que Momaji devint immortel et qu’il fut vénéré par les Rabaris pour qui les vaches sont très précieuses.
Bien que les histoires diffèrent, Momaji est toujours décrit comme une figure sage et attentionnée qui transmet de précieuses leçons de vie à la communauté Rabari. Les récits de ses exploits martiaux continuent d’inspirer la jeunesse Rabari, soulignant l’importance du courage, de la force et de l’unité face aux défis.
Comme on vient de le voir, les temples à Momaji sont principalement vénérés par les Rabaris, qui forment une communauté importante dans la région sud-ouest de l’état du Rajasthan (Sirohi, Pali et Jalore).
Les sanctuaires de Momaji se composent généralement d’une grande pièce rectangulaire sobre. Le charme de ces temples vient principalement de ses rangées de chevaux multicolores de toute taille. Ils représentent les offrandes faites au temple par les fidèles en vue de la réalisation d’un vœu. On retrouve là encore cette notion de cheval votif propre à différentes communautés en Inde, comme, par exemple, chez le peuple Rathwa ou les adivasis de Poshina au Gujarat.
Au centre du temple, siègent d’imposantes statues à cheval de différents guerriers Rajpoutes. Ils sont toujours accompagnés d’une Shakti, souvent personnifiée par la déesse hindoue Chamunda.
Chamunda, est une forme de Kali, la déesse féroce, qui fait partie des sept Matrikas (déesses-mères) ainsi que des 64 Yoginis. L’histoire raconte que lorsque la déesse Durga fut impliquée dans une guerre avec les démons Munda et Chanda, Kali se matérialisa sur le front de Durga et tua les asuras. Ravie de Kali, Durga la nomma Chamunda.
Dans cette salle-temple, un coussin est disposé avec une gerbe de plumes de paon appelée « morpankh ». C’est le siège du « Bhopaji » ou « Baa », une sorte de Shaman Rabari. Pour les fidèles, le Bhopaji a le pouvoir d’invoquer la déesse Durga. Cela se passe lors de transes, après avoir effectué des rites spéciaux, afin de se connecter à l’énergie de la déité.
Le Bhopaji, possédé par la déesse, peut ainsi prodiguer des conseils avisés aux fidèles. A la fin de la consultation, le prêtre frappe la tête des fidèles avec le morpankh ; ceci est censé les bénir et chasser le mauvais œil.
Le paon étant l’oiseau national de l’Inde, les plumes de paon sont considérées comme sacrées. L’oiseau associé au dieu hindou Krishna, mais surtout à Kartikeya (plus connu sous le nom de Muruga au Tamil Nadu) dont il est le « vahana » ou véhicule divin. Selon l’hindouisme, le paon représente la chance, la sagesse, la prospérité, la protection et aussi nos sens. Celui qui contrôle le paon et en fait son véhicule contrôle par conséquent ses sens.
Toujours magnifique il n’y a pas assez de mots pour décrire toutes ses beauté
Cordialement Ady
Merci Ady! Le monde des Rabaris est en effet fascinant.. À bientôt sur Instagram 😉
Merci beaucoup Mathini – comme toujours, c’est très intéressant – voilà une bien agréable façon de débuter la journée.
En fait, le Bhopaji sert d’intercesseur entre les Raikas et la divinité, de même que le Kodangi sert d’intercesseur entre Karuppaswami et les villageois au Tamil Nadu.
Dans les 2 cas des chevaux sont offerts en offrande.
Au Tamil Nadu, leur fabrication implique, préalablement, la réalisation de nombreux rites ?
En est-il de même pour les offrandes à Momaji ?
Hello Patricia, merci pour votre sympathique commentaire. Je n’ai pas plus d’explications sur les rites avant les offrandes, il est très probable qu’il y en ait. C’est le cas pour les chevaux de Poshina, des Rathwas ou pour les temples d’Ayyanaar dans le Chettinad.