Bundi, située à 200 kilomètres de Jaipur, fait partie de ces petites cités en Inde dotées d’une atmosphère bien à elles. Vêtue de bleu, à la façon de Jodhpur, ses venelles offrent un véritable spectacle pictural, reflet de la spécialité de la ville : la peinture miniature. Cet art était jadis l’apanage de la royauté ; le palais Garh qui trône fièrement sur Bundi en garde le souvenir.
Bundi tirerait son nom du chef tribal Jaita Meena surnommé « Bunda ». À partir du 14e siècle, les Meenas furent écartés (tout comme les Bhils dans le Mewar) et la région sera gouvernée par les Maharajas Hada, des rajpoutes « Agnikula » qui se disent descendants du dieu du feu Agni. En 1342, Rao Deva Hada fondera l’état princier de Bundi, la région sera alors appelée « Hadoti », la terre des Hadas.
Bundi est à l’origine d’un style de peinture miniature du même nom, très en vogue du 17e au 19e siècle ; les remarquables fresques du palais royal en sont les parfaites illustrations.
Chaque peinture miniature possède sa propre signature. Le style d‘Udaipur ou de Kangra par exemple a des identités bien différentes. Le style « Bundi » a commencé à se développer pleinement sous le règne de Rao Bhoj Singh au début du 17e siècle EC. À l’origine, ce type de peinture miniature était utilisé pour décorer les quartiers des rois et des reines.
Le mélange d’éléments artistiques moghols et deccani dans le style Bundi est unique, les couleurs sont riches et vibrantes avec l’utilisation abondante de bleu persan et de différents verts superposés.
Le style Bundi, c’est aussi des figures féminines élancées avec une taille étroite et un visage comprenant un nez pointu ainsi qu’un menton fuyant. Les miniatures dépeignent principalement la Krishna-Lila, la vie du seigneur Krishna. Elles illustrent également les sentiments romantiques (Nayaka-Nayika Bheda), la vie des harems et des scènes de chasse.
Le festival de Kajli Teej est principalement célébré par les femmes du Rajasthan qui honorent la déesse hindoue Teej (un avatar de Durga), afin qu’elle les bénisse d’une vie conjugale heureuse. Les festivités commencent par une procession lors de laquelle la déesse est portée en procession dans la ville suivie de chars montrant différents aspects de la culture du Rajasthan.
À la vue de cet imposant palais accroché à flanc de colline, on imagine sans peine son faste d’antan. C’est, sans conteste, un des plus beaux exemples de l’architecture rajpoute en Inde.
Le palais principal a été construit par Rao Raja Ratan Singh Hada entre 1607 et 1631. Il s’est essaimé en une myriade de petits palais, touche personnelle des dirigeants suivants. La famille royale de Bundi y vécut jusqu’en 1948.
Le complexe était plus ou moins laissé à l’abandon jusqu’en 2020, où une réelle intention de restauration du palais a été entreprise (bundipalace.com/repair-maintenance/).
Les parties ouvertes au public comprennent maintenant cinq petits palais (Phool Mahal, Chattar Mahal, Badal Mahal, Akhade Mahal), une superbe galerie de peinture (la Chitrashala) et le Jhoola Chowk nouvellement ouvert avec sa torana (arche de la victoire) d’architecture jaïne.
À partir du palais de Bundi, un sentier pavé nous mène jusqu’au fort de Taragarh. Une vingtaine de minutes de marche sont nécessaires pour atteindre le sommet escarpé de la colline.
Ce bastion colossal, construit en 1354 est maintenant laissé à l’abandon ; il ne reste ici et là que quelques pans de fresques, les vestiges d’un palais et un monumental puits à degré où les singes viennent s’abreuver. À son apogée, le fort de Taragarh était connu pour ses tunnels secrets sillonnant toute la colline.
Si ce n’est pas pour ses vestiges architecturaux, le fort vaut tout de même le déplacement pour la vue panoramique qu’il offre sur la ville de Bundi et sur le lac Jait Nagar.
Bundi était auparavant appelée « Bunda-Ka-Nal« , la cité aux rues étroites. Et ce sont justement ces venelles, ponctuées de demeures décorées avec des fresques colorées, qui font toute la photogénique de cette ville.
Les nombreux bazars de la cité aux échoppes « vintage » sont l’autre atout de la ville et viennent renforcer l’atmosphère surannées de Bundi.
Et puis, si vous allez flâner dans les allées du marché principal du centre-ville, vous rencontrerez des caractères pittoresques du Rajasthan rural parés de larges turbans aux couleurs vibrantes.
Typiques des zones désertiques du Gujarat et du Rajasthan, les puits à paliers ou à degrés (baoris) servaient non seulement de réservoirs pendant les périodes de sécheresse, mais aussi de lieux de festivités pour le Maharaja et sa cour.
Sur la cinquantaine de baoris à Bundi, seuls une poignée ont passé l’épreuve du temps : le Raniji-ki-Baori ou puits de la reine, en est le meilleur exemple. Commandé en 1699 par la reine Nathavati ji, il présente des arches délicates de style jaïn et des sculptures hindoues des neuf incarnations du dieu hindou Vishnou.
À proximité du puits de la reine, se trouve le Dhabhai kund, un immense baori de construction symétrique datant du 17e siècle. Il serait le deuxième plus grand puits à paliers d’Inde après celui de Chand Baori près de Jaipur.
On entre habituellement dans Bundi via la route qui contourne le lac de Nawal Sagar. Là, à moitié immergé dans l’eau, se trouve un temple dédié à Varuna. Dans la religion hindoue, Varuna est le dieu de l’eau et de l’océan céleste ainsi que du monde sous-marin, coïncidence ? Le lac offre, en outre, un des meilleurs points de vue sur le Garh palace.
Bundi est aussi connue sous le nom de « Choti Kashi » (petite Varanasi), en raison de ses nombreux temples. Le Derasar de Mahavir fait partie de ceux-ci.
Ce sanctuaire jaïn se trouve à côté de la statue de l’éléphant « Siva Prasad »*, à 300 m de l’entrée du palais. L’extérieur du dérasar est très simple et ne laisse aucunement envisager un intérieur si raffiné. Doté d’arcades à colonnes vert émeraude et de plusieurs petits sanctuaires, ce lieu est une belle surprise !
*Shah Jahan, l’empereur moghol, aurait offert un éléphant appelé Siva Prasad au Maharaja Shatrushal Singh Bundi pour son « courage, son honnêteté et son engagement « . Cette statue commémore la bravoure du pachyderme qui s’est illustré dans de nombreuses batailles.
Un peu plus bas, à l’angle de deux ruelles, le temple Charbhuja Krishna attire l’attention avec ses couleurs chamarrées. L’intérieur du sanctuaire, tout aussi joyeux, vaut aussi le coup d’œil.
Non loin du temple Charbhuja Krishna, le temple Laxminath Ji, coincé entre deux édifices et caché par des échoppes, passerait presque inaperçu. C’est pourtant le plus vieux temple de Bundi, dédié au Seigneur Vishnu et à la déesse Laxmi. Le temple possède de belles sculptures sur le mur extérieur.
À 2 km au sud de Bundi, vous trouverez un cénotaphe royal, particulièrement travaillé, construit en 1740 par le Maharaja de Bundi, Raja Rao Anirudh, en mémoire de son frère adoptif, Deva.
Le cénotaphe abrite un temple doté d’un lingam, le symbole du dieu hindou Shiva, surmonté d’une coupole ornementée de fresques. La particularité de ce mémorial-temple est qu’il est soutenu par 84 piliers octogonaux. Quatre-vingt-deux de ces piliers sont visibles, les deux derniers sont bien cachés… À vous de les trouver…
À 3 km à l’Est de Bundi, vous pourrez découvrir la résidence d’été du Maharaja, le Sukh Mahal, érigé en bordure de lac Jait Nagar tapissé de lotus.
On dit que le palais était jadis relié au palais principal de Bundi par un couloir souterrain. Le bâtiment est plutôt simple et la visite s’avère rapide. La résidence est surtout célèbre pour avoir accueilli l’écrivain Rudyard Kipling qui y écrivit quelques pages de son livre « Kim ».
En sortant du Sukh Mahal, à gauche, vous remarquerez les tombes des satis. La pratique du « sati » qui voulait que les veuves s’immolent sur le bûcher funéraire de leur époux a été interdite en 1829. On a noté encore quelques cas isolés après cette date. Cette pratique est en relation étroite avec le statut social des veuves qui avaient alors cours à cette époque. À la mort de leur mari, elles étaient souvent écartées et jetées hors de leur foyer par la belle-famille et réduites à mendier, voire à se prostituer.
Le village des « Kumbhakar » (potiers) à 5 km de Bundi est une visite à ne pas manquer.
Les familles de potiers sont toujours ravies de faire une démonstration de leur métier. Alors que cet artisanat tend à être boudé par la nouvelle génération, certains de ces jeunes potiers ont décidé de créer une école d’apprentissage de la poterie pour que cette tradition millénaire ne se perde pas.
Si vous voyagez dans la région de Bundi pendant ou après la mousson* (juillet – septembre) ne manquez pas de vous rendre aux cascades de Bhimlat Mahadev. Les chutes d’eau tombent d’une hauteur de 45 m dans une gorge entourée d’une épaisse forêt… Un lieu absolument magique !
*En dehors de ces dates, le flux de la rivière est bien moindre et ne vaut pas forcément le déplacement.
La légende raconte que les frères Pandavas de l’épopée hindoue du Mahabharata vinrent se reposer en ce lieu et que l’un des frères, Bhima, frappa le sol du pied pour obtenir de l’eau potable. Un ruisseau jaillit de la pierre et on dit que cette même source d’eau pure coule encore de nos jours dans le temple de Bhimlat Mahadev, situé aux pieds des cascades.
Kota, qui se trouve à une quarantaine de kilomètres au sud de Bundi, est une ville méconnue. Elle vaut cependant le coup d »œil, ne serait-ce que pour son palais, dont les fondations ont été posées en 1264 par le prince Jait Singh de Bundi. Les diverses pièces du palais sont ornementées, là aussi, de belles peintures miniatures de l’école Bundi.
A visiter de préférence lors du festival de Dussehra (Navaratri), quand le Maharaja reçoit les notables de Bundi suivi d’une procession et de grandes festivités dans la ville.
EN SAVOIR + SUR DUSSEHRA À KOTA
Bonjour Mathini. Je suis toujours émerveillé de lire vos articles ; comment vous rentrez dans l’Inde profonde et de vos découvertes de mon pays natal et j’en suis stupéfait. Vous décrivez toute histoire passée passionnément jusqu’au plus petit détail. Vous êtes formidable et par vos récits, moi même indien, vous me faites voyager en me donnant envie de recouvrir l’Inde.
Depuis que je vous ai découvert, je transmets le lien « magikindia » aussi souvent que l’opportunité se présente.
Votre parcours de vie est tout aussi magnifique et je voudrais vous souhaiter, chère Mathini, une heureuse continuité dans vos pérégrinations et de vos agencements. Ceux qui voyageront par votre intermédiaire seront très chanceux et très satisfaits sans aucun doute.
Je vous remercie de votre dévouement pour l’Inde, qui me semble désormais votre pays.
Encore mille merci, Mathini.
Chaleureusement.
Namasthé.
Jayaraman Iyer.
Namaskaram Jayaraman ! Un grand merci pour votre sympathique message ! Oui, vous l’avez bien compris, l’Inde est mon pays maintenant et je ne me vois pas vivre ailleurs ! En espérant que vous puissiez venir redécouvrir Bharat Maa un jour. Bien cordialement, Mathini