Je dis souvent que plusieurs vies sont nécessaires pour connaître l’Inde, tant sa richesse culturelle semble être un puits sans fond. Elle nous surprend sans cesse, pique notre curiosité et ravive à chaque instant notre soif de découverte. Le festival de Holi chez les Rathwa, une communauté autochtone du Gujarat, fait partie de ces merveilleuses surprises que nous réserve le sous-continent indien. Ici, l’arrivée du printemps n’est pas accueillie avec un déferlement de poudres colorées, mais avec des rituels bien à part, qui comprennent des marches sur le feu et des manèges à vœux !
Holi, en terre Rathwa, met fin au festival de Bhagoria (lire mon reportage précédent), qui a lieu pendant sept jours et sert de mise en bouche pour les festivités qui suivent.
La veille d’Holi, comme dans une grande partie de l’Inde du Nord, les Rathwas organisent le feu de joie d’Holika. À Chhota Udepur et les villages environnants, un haut bûcher est dressé fait de branches séchées et de feuilles de palmier. Mais, avant de mettre le feu à ce grand bûcher, plusieurs rituels sont effectués devant un autre feu, plus petit celui-ci, placé près du sanctuaire animiste du village.
Le sanctuaire consiste en plusieurs piliers de bois plantés dans la terre, aux pieds desquels sont alignées des figurines d’animaux en terre cuite, des chevaux le plus souvent.
Les femmes du village viennent chacune à leur tour déposer des offrandes devant ce petit feu : des papadams, des noix de coco et du blé, le tout posé sur de larges feuilles.
Une fois les rituels finis, les femmes et le Badwa (sorte de Chaman Rathwa) s’avancent vers le bûcher d’Holika et en font sept fois le tour en lançant du maïs soufflé. Le feu est ensuite allumé par le Badwa.
Dans ce feu de joie, se trouve un poteau en bois et, en fonction de l’endroit où il tombe une fois sa base rongée par les flammes, cela prédit si les prochaines récoltes seront bonnes ou non. Le Nord est de bon augure.
Le jour d’Holi, d’autres festivités prennent la relève.
Dans les villages, des troupes de musiciens ambulants vont de maison en maison où ils reçoivent, en plus de quelques roupies, des dons en nature comme des céréales ou de l’huile de cuisson.
Il n’est pas rare de voir les villageois entamer des pas de danse devant leur maison accompagnés par le son envoûtant du Shehnai (sorte de hautbois).
Ce même jour, une autre tradition prend place. A Chhota Udepur et autres villages autour, une fosse est creusée dans la terre où sont déposées des braises du feu d’Holika. Des feuilles de neem sont jetées sur celles-ci pour purifier l’air. En Inde, les feuilles de l’arbre neem sont utilisées en médecine traditionnelle ayurvédique et sont censées chasser les mauvais esprits.
Avant que la marche sur le feu débute, une troupe d’hommes et de femmes tournent autour des braises du foyer d’Holika et de la fosse en effectuant la Rathwa Gher, une danse rythmée accompagnée par des percussions.
Certains hommes ont revêtu leur costume traditionnel Rathwa : pagne blanc, chemise verte et turban rouge. D’autres se sont travestis en femme ce qui ajoute un grain de folie à ces festivités.
Vient alors le moment de la marche sur le feu. Des hommes, dont le visage est parfois badigeonné de curcuma, font quelques offrandes devant la fosse, puis s’y lancent courageusement, marchent sur les braises et remontent aussitôt en rafraîchissant leurs pieds dans de la terre mouillée. Parfois, ils tiennent un enfant dans leurs bras que les parents leur confient.
Cette marche sur le feu invoque les esprits de la nature et les dieux Rathwas afin des souhaits se réalisent ou pour guérir certaines maladies.
Le jour suivant Holi réserve son lot de surprises aussi. Nous voici maintenant dans le village de Rumdia près de Chhota Udepur pour la foire de « Gol Feriyo ».
Nous suivons les participants qui se faufilent à travers champs vers la place centrale du village. La foule est dense. Une véritable explosion de sons et de couleurs.
Au centre de la place trône le « Gol Feriyo », une sorte de grue-manège en bois.
Pendant une heure environ, une troupe d’hommes et de femmes en habits traditionnels dansent autour de cette structure, toujours la même envoûtante Rathwa Gher.
Puis, on nous dit de nous écarter. Je prends place sur la terrasse d’une maison en face. Le spectacle peut commencer.
Une dizaine d’hommes monte sur la plateforme du « Gol Feriyo », deux se positionnent sur la partie arrière de la structure pour faire contrepoids, les autres sur l’axe central. Un homme, en bas, s’agrippe à une corde attachée au long bras de la grue. Les hommes sur la plateforme activent alors, à la force de leurs bras, la structure qui tourne et tourne encore à une vitesse folle. L’homme en bas finit par s’envoler à l’horizontale et il doit tenir bon, car cette machine infernale est un manège à vœux !
Sur le chemin du retour, alors qu’on pensait avoir fait le plein d’excentricités, voici qu’on aperçoit sur la route un homme à l’allure incroyable : son corps est peint de divers cercles de couleurs, sa taille porte des calebasses ainsi qu’une ceinture à clochettes et sa tête est coiffée d’un long chapeau à plumes de paon dont la base fait penser à un nid d’oiseau… Quelle rencontre ! Cette culture adivasi Rathwa est décidément fascinante !
Ces « hommes-paons », qui visitent les maisons des villages pendant les festivités d’Holi contre une dizaine de roupies, s’astreignent à une ascèse, pour que, là aussi, leurs souhaits se réalisent : ils s’abstiennent de parler, de manger, de boire et même de s’asseoir pendant toute une journée !
Holi s’achève là, cependant, les festivités Rathwa du printemps ne sont pas encore terminées, le festival de Kavant arrive à grands pas…
VENEZ VIVRE CE FESTIVAL D'HOLI AVEC NOUS !
Bonjour
Toujours aussi beau vos reportages.
merci
Cordialement
ADY
Merci Ady 🙂 À demain sur Instagram 🙂