L’histoire du fort de Chittorgarh (Chittor) est auréolée d’héroïsme et se veut un témoignage de la bravoure et du sacrifice du peuple rajpoute. Cette cité de ‘dévotion et de force’, comme elle est parfois surnommée, porte bien son nom : Chittor a connu de nombreuses batailles, mais c’est aussi là qu’ont résonné les chants d’amour divin de la sainte poétesse Mirabaï.
Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, Chittorgarh est une ville fortifiée s’élevant à 180 mètres de hauteur et couvrant une superficie de trois hectares. Elle appartenait au clan rajpoute Guhila qui gouvernait la région du Mewar (sud et centre du Rajasthan).
La cité a été marquée par trois grandes batailles lors desquelles la population a préféré se sacrifier plutôt que de tomber aux mains de l’ennemi moghol ; les femmes et enfants pratiquaient le jauhar (l’auto-immolation) tandis que les hommes affrontaient l’ennemi vêtus d’un simple pagne, s’assurant d’une mort certaine.
En 1568, lors de la dernière bataille contre l’empereur moghol Akbar, la capitale fut déplacée à Udaipur. Chittorgarh perdit alors son importance politique.
Pour finir cette introduction avec des choses plus douces, Chittorgarh est aussi associé à la sainte-poétesse hindoue Mirabaï, dont les célèbres poèmes et chants de dévotion dédiés au dieu Krishna. Aujourd’hui, certains de ces chants sont encore très présents dans la culture du Rajasthan.
Le palais de Rana Kumbha est en général le premier édifice du fort que l’on visite. En grande partie en ruine, ce palais du 15e siècle garde cependant une grande importance historique.
Ce fut en effet le palais du Maharana Rajpoute Rana Kumbha, un des souverains les plus célèbres du royaume du Mewar de 1433 à 1468 EC. Il étendra les frontières du Mewar jusqu’au Madhya Pradesh actuel et on lui attribue également la construction de 32 forts parmi lesquels celui de Kumbalgarh, qui a la seconde plus grande muraille au monde après celle de la Chine.
En 1522, le palais a vu naître une autre figure importante du Rajasthan, le Maharana Udai Singh II, qui fondera la ville d‘Udaipur quand Akbar s’empara de Chittorgarh, le 25 février 1568, après un long siège.
Dans l’histoire plus sombre du palais, on retiendra que c’est ici, dans des caves souterraines, que la Maharani Padmini et sa cour ont effectué un Jauhar, afin d’éviter d’être déshonorées par le Sultan de Delhi et ses troupes (voir l’histoire complète ci-dessous).
Non loin du palais, est érigée la Vijay Stambha, une ‘tour de la victoire’ de neuf étages, construite par le Maharana Kumbha pour commémorer sa victoire sur les dirigeants musulmans de Malwa et du Gujarat en 1440.
L’édifice de 37 mètres est sculpté de différentes divinités hindoues, mais également jaïnes. Si vous avez la patience et le courage, il est possible de monter jusqu’en haut de la tour.
En continuant tout droit après la tour de la victoire, on découvre le temple de Samadhisvara, dédié à Shiva, un des plus beaux sanctuaires du fort.
Construit par le roi Bhoja Paramara au 11e siècle puis rénové à diverses époques, il présente de fines sculptures de divinités hindoues et jaïnes.
La pièce la plus étonnante du temple est l’autel, avec son immense idole de Shiva à trois têtes, plutôt grossières, portant des ‘jata-mukutas’ ou couronnes de dreadlocks à la façon des sadhus. La tête de droite présente l’aspect ‘aghora’ de shiva avec une expression terrifiante, tandis que les visages du centre et de gauche affichent des expressions paisibles.
Au sud du temple Samadhisvara, un escalier conduit au Gaumukh kund, un bassin qui a la forme d’une tête de vache et dont l’eau provient d’une fissure dans la roche. Le tunnel Rani Bindar situé près de ce réservoir mène à cette tristement célèbre chambre souterraine, où d’après la légende, Rani Padmini se serait immolée avec les dames de la cour.
Le palais de Padmini est plutôt d’aspect simple avec plusieurs jardins, cours et pavillons de style Rajpoute et Perse. Il est surtout connu pour son histoire légendaire liée à la reine Padmini. On dit que c’est ici que Allah-ud-din Khilji, le sultan de Delhi, est tombé amoureux de Padmini qu’il aperçut dans le reflet d’un miroir (voir l’histoire ci-dessous). Pour recréer cet instant, un miroir a été posé dans la salle du palais où l’événement se serait produit.
Ce qui attire l’oeil ici est le ‘Jal Mahal’ (le palais de l’eau) posé au centre d’un étang entourant le Palais de Padmini. Cet édifice, qui ressemble de loin aux châteaux de la Loire, est un des tous premiers exemples en Inde de palais entouré d’eau.
L’histoire de la reine Padmini a refait parler d’elle lorsque le film Bollywood, Padmavat, retraçant l’histoire de cette souveraine, a provoqué une très vive réaction de la communauté rajpoute qui prétexta que ce film ne respectait pas la mémoire de cette reine ; il fut même interdit dans plusieurs états de l’Inde !
Difficile de comprendre pourquoi ce film créa autant de remous quand on sait que l’histoire de Padmini reste très floue et qu’elle mélange, comme souvent en Inde, faits historiques et légendes.
L’histoire populaire raconte que Allah-ud-din Khilji, le sultan de Delhi, fut envoûté par la beauté de la reine Padmini qu’il aperçut dans le reflet d’un miroir et il la voulut pour lui tout seul.
Pour arriver à ses fins, il kidnappa son époux, le roi Rawal Ratan de Chittorgarh, et demanda à Padmini de se présenter devant lui si elle voulait que le roi reste en vie. Cependant, Padmini refusa.
Le sultan furieux ordonna alors à son armée de prendre d’assaut Chittorgarh. Le siège fut si long que le roi Rawal Ratan donna finalement l’ordre à ses sujets d’ouvrir les portes de la cité et de se battre pour en finir avec les troupes assaillantes.
La lutte était inégale, l’armée du sultan étant bien plus nombreuse, les habitants de la cité étaient sûrs de périr. Padmini décida alors que, plutôt que de se faire kidnapper et de devoir faire face au déshonneur, de s’auto-immoler (Jauhar) avec les autres femmes du fort.
Situé à quelques centaines de mètres du palais de Rana Kumbha, le temple Kumbha Shyam, dédié à vishnou, est un des monuments les plus visités de Chittorgarh. Construit dans le style Nagara par Rana Kumbha en 1448 EC, il présente une tour imposante sculptée de divinités hindoues. L’image de l’oiseau Garuda, véhicule de Vishnou, se tient sous un pavillon face au temple.
Le temple de Mirabaï, situé dans le même complexe, est dédié comme son nom l’indique à la sainte poétesse Mirabaï qui vénérait plus que tout le Seigneur Krishna. On dit que le mouvement de la ‘Bhakti‘ (dévotion) est né à cet endroit.
Le temple de la poétesse a également été construit sous le règne du Maharana Rana Kumbha. Le sanctum sanctorum du temple comprend une grande statue du Seigneur Krishna, et à ses pieds, une représentation de Mirabaï presque grandeur nature, jouant de la tampura,
Princesse de naissance, Mirabaï renonça à la vie mondaine pour se consacrer à l’adoration du dieu Krishna à travers des chansons de dévotion renommées. Mirabaï vécut les dernières années de sa vie à Dwarka au Gujarat. On dit qu’un jour, elle est entrée dans le temple de Dwarkadeesh et qu’elle s’est unie spirituellement à Krishna. On ne la revit plus. Seul son sari fut retrouvé enroulé autour de l’idole de Krishna.
Juste en face des temples de Mirabaï et Kumbha Shyam, se tient le palais blanc de Fateh Prakash construit au 19e siècle sous le règne du Maharana Fateh Singh pour lui servir de résidence principale. Il affiche un style typiquement rajpoute, chacune de ses quatre pièces étant couronnées de dôme. L’intérieur est joliment décoré de peintures murales représentant des légendes du Rajasthan. En 1968, une grande partie du palais du Fateh Prakash a été convertie en musée.
Situé juste à côté du palais Fateh Prakash, le temple jaïn Sathis Deori est une des merveilles du fort de Chittorgarh. Ce temple massif du 11e siècle a été construit par les svetambaras, l’une des deux branches principales du jaïnisme avec les digambaras.
Svetambara signifie ‘vêtu de blanc’ et fait référence à la pratique de ses ascètes qui ne portent que des vêtements blancs, ce qui les distingue des jaïns digambara dont les pratiquants (les hommes) ne portent aucun vêtement.
Le temple célèbre la vie et les vertus d’Adinath, le premier des 24 saints jaïns, sous forme de sculptures élaborées. Le nom du temple ‘sathis’ (27 en Hindi) nous indique qu’il y avait autrefois vingt-sept temples à cet endroit.
En continuant un peu plus loin sur la route qui longe le fort, on tombe sur le temple de Kalika Mata, un sanctuaire très populaire du 8e siècle dédié à la déesse Bhadrakali, une des formes de la féroce déesse Kali.
Le temple était à l’origine dédié au dieu Soleil (Surya). Il subit des destructions massives aux mains de l’armée du Sultan de Delhi au début du 14e siècle. À la fin du 14e siècle, le Maharana Hamir Singh reconstruisit le temple en y établissant l’idole de la déesse Kali, comme symbole de protection et de force.
Situé sur les remparts Est du fort, le temple Kirti Stambh est dédié à Adinath, le 1er Tirthankar (saint jaïn). Il appartient à la branche jaïne des digambars, des renonçants jaïns qui déambulent nus.
À la droite du temple, la tour Kirti Stambh, qui a donné son nom au temple, s’élève sur une hauteur de 22 mètres. Construite par un riche marchand jaïn au 12e siècle à la gloire du jaïnisme, elle comprend sept étages sculptés aux quatre coins d’idoles de Shri Adinath.