Comment ne pas succomber au charme de Srinagar, la capitale d’été du Cachemire ? Ses lacs à méandres parsemés de lotus et ses surprenantes péniches aux allures de vieille Angleterre vous plongent dans une irrésistible humeur romantique, tandis que ses jardins moghols aux fragrances de rose et magnolia vous invitent à la contemplation. Alors que vous sirotez un délicieux thé cannelle-cardamome et observez la vie du lac, vous vous dites déjà que l’été prochain, sans nul doute, un petit vent amoureux vous portera là à nouveau.
La ville de Srinagar possède un patrimoine culturel bien à elle. Ses lieux saints en sont les meilleurs témoins et relatent la diversité culturelle et religieuse de la ville qui fut jadis un des plus hauts lieux de l’apprentissage du sanscrit et où le soufisme apporta avec lui les valeurs de tolérance et de fraternité.
Il est dommage que la situation politique actuelle dans cette partie de l’Inde joue en défaveur du tourisme au Cachemire. Espérons que les esprits se calment au plus vite pour pouvoir de nouveau apprécier la générosité de cette région, un des joyaux de l’Himalaya.
Le festival des tulipes se tient à la mi-avril au « Miraj Bagh » (jardin Indira Gandhi) à Srinagar. Il est considéré comme le plus grand jardin de tulipes de l’Asie, s’étendant sur 5 hectares avec plus de 300 000 bulbes plantés à cette occasion. En plus des expositions de fleurs, les visiteurs peuvent également prendre part à des programmes culturels, goûter à la cuisine traditionnelle du Cachemire et acheter de l’artisanat local.
Le festival des Shikaras, le nom des fameuses barques à baldaquins de Srinagar, dure deux jours sur le lac Dal et a pour but de promouvoir l’héritage culturel du Cachemire. Des courses de Shikara, des matchs de kayak-polo, des représentations de danses traditionnelles et des concerts de musique sont au programme. Les marchés flottants viennent aussi ajouter leurs touches de couleurs à l’événement.
Les lacs de Srinagar sont les principales attractions de la ville, là où les voyageurs se concentrent, optant généralement pour un séjour romantique sur une des nombreuses péniches typiques.
Contrairement à leurs homologues du Kerala, les péniches de Srinagar restent à quai. Elles sont habituellement amarrées sur les bords des lacs Dal et Nageen.
Certaines de ces péniches aux allures très chics ont été construites durant l’époque coloniale Britannique, d’autres sont plus récentes.
L’origine des péniches de Srinagar remonte à la fin du 19e siècle. Le roi du Cachemire Sri Gulab Singh avait interdit aux Britanniques d’acheter des terrains ou de faire construire dans la vallée. La communauté des bateliers Hanji de Srinagar a trouvé un moyen détourné pour pouvoir loger les visiteurs et résidents anglais : ils construisirent des péniches !
Possédant deux à trois chambres avec parfois un salon et une cuisine, ces péniches en bois sont parées d’un intérieur très cosy composé de tapis orientaux et de panneaux en noyer joliment sculptés.
Séjourner dans un de ces « house-boat » a un charme fou. Vos hôtes cachemiris sont aux petits soins et les paysages montagneux des alentours de toute beauté. La vie du lac, où les marchants flottants se succèdent tour à tour, est toute aussi plaisante à regarder.
Certaines de ces péniches sont situées sur de petites îles au milieu des lacs et vous pouvez y accéder qu’à l’aide des fameuses Sikharas, des barques à baldaquins aux rames en forme de cœur. Ces mêmes barques sont aussi utilisées pour des balades sur les différents lacs de la ville.
Dal lake, « le joyau de Srinagar », est le principal lac de la ville et le deuxième plus large de l’état (15,5 km). La plupart des touristes posent leurs valises dans une des péniches du lac Dal ; du simple bateau-motel à 10 euros au luxueux houseboat, il n’y a que l’embarras du choix !
Le lac Dal peut vite devenir encombré, pour les voyageurs en quête de tranquillité et d’authenticité, je vous conseille de vous « amarrer » plutôt au lac voisin, celui de Nageen, qui est resté sauvage.
Les balades en Shikara sur ce lac vous permettent d’être proche de la nature et de découvrir la vraie vie des Cachemiris qu’ils soient pêcheurs, agriculteurs ou ramasseurs de tiges de lotus.
Le soir, tout en vous délectant d’un thé Kahwa accompagné de pain ctoz tartiné de beurre salé, vous serez aux premières loges pour assister au plus beau des spectacles : le coucher de soleil sur les contreforts de l’Himalaya.
Shalimar bagh est un jardin moghol construit en terrasses, situé sur la rive droite du lac Dal et relié par un canal à ce même lac. Le bagh (jardin en hindi) a été conçu en 1619 par l’empereur moghol Jahangir pour sa femme Nour Jahan. Il est considéré comme un bijou d’horticulture moghole.
On dit cependant que l’origine du jardin est attribuée au roi brahmin Pravarsena II de la dynastie des Vakatakas qui fonda la ville de Srinagar et régna de 79 à 139 EC. Il y fit construire un petit cottage qu’il nomma Shalimar, « demeure de l’amour » en sanscrit. L’empereur moghol Jahangir tombant sous le charme de cet endroit le transforma en un jardin persan de 12 hectares construit selon un plan carré avec quatre bras rayonnant à partir de la source d’eau. Il est bordé de platanes, de roses et de magnolia aux délicieuses fragrances.
L’autre jardin moghol, Nishat Bagh, est situé à trois kilomètres de celui de Shalimar sur la rive orientale du lac Dal. Nishat Bagh, en langue ourdou, signifie « jardin d’allégresse ».
Conçu en 1633 par Asif Khan, frère aîné de l’impératrice moghole Nour Jehan, ce jardin en terrasse est le deuxième plus grand jardin moghol de la vallée du Cachemire après celui de Shalimar.
Les deux jardins sont particulièrement en beauté en septembre – octobre quand la nature se pare d’ocre et d’or. Le cachemire est un des rares endroits en Inde où l’on peut apprécier les couleurs de l’automne.
Hazratbal, situé sur la rive ouest du lac Dal, est considéré comme le sanctuaire musulman le plus sacré du Cachemire. Il abrite une relique, le Moi-e-Muqqadas, qui contiendrait un poil de la barbe du prophète Mahomet.
Selon la légende, la relique aurait été amenée en Inde par Syed Abdullah, qui quitta la ville de Médine, en Arabie Saoudite, et s’installa à Bijapur, près de Hyderabad en 1635. La relique passa ensuite entre de nombreuses mains, de Khwaja Nur-ud-Din Eshai, un riche businessman, à l’empereur moghol Aurangzeb pour revenir au Cachemire en 1700, aux descendants de Nayat Begum, la fille de Khwaja Nur-ud-Din Eshai. La relique disparut mystérieusement en 1963 et, suite à un appel massif, notamment du Premier ministre de l’Inde, Jawaharlal Nerhu, elle fut retrouvée en 1964.
Le Moi-e-Muqqadas n’est montrée au public que certains jours saints. La mosquée n’est pas ouverte aux touristes, vous pourrez, toutefois, entrer dans la première cour et nourrir les pigeons.
Hazratbal se distingue des autres mosquées de Srinagar, car c’est la seule construite en marbre blanc avec un dôme ; les autres ayant des toits en forme de pagode typique du cachemire.
Pour une vue imprenable sur la mosquée, louer une barque Shikara depuis le lac Nageen et accostez sur les berges du sanctuaire. Vous aussi ferez l’expérience du frétillant marché de la mosquée, le Dargah market, où toutes sortes de spécialités du cachemire vous attendent, entre autres, les fameux achaar (condiments) de tiges de lotus ou les pains czot.
Déambuler dans les vieux quartiers et bazars des villes indiennes est un plaisir à chaque fois renouvelé. Là se trouvent le cœur et l’authenticité d’une cité ; Srinagar n’échappe pas à cette règle.
Vieux bâtiments en bois croulant sous le poids du temps, boutiques d’épices colorées, forgerons frappant le cuivre, boulangers tandooris, pâtisseries gorgées de sucre… Un bon bain d’orient qui met tous vos sens en éveil.
La Jama Masjid ou mosquée du vendredi de Srinagar située à Nowhatta, au centre de la vieille ville, a été construite par le sultan Sikander en 1385 puis agrandie par la suite. Elle fut à de maintes reprises détruite par le feu, ses intérieurs étant entièrement en bois. La mosquée actuelle date de 1674.
La mosquée, qui peut accueillir au moins 30 000 personnes, est connue pour son élégance et la particularité de sa construction. De forme quadrilatère, elle est surmontée de quatre minarets en forme de pagode et comprend plus de 300 piliers en bois de cèdre. Le petit jardin parfaitement carré au milieu de la mosquée avec sa fontaine pour les ablutions ajoute encore au charme de cet édifice.
A noter : les touristes sont les bienvenus, mais une tenue descente est exigée et les femmes comme les hommes doivent se couvrir la tête.
Situé sur les rives de Jehlum dans la vieille ville de Srinagar, Khanqah Shah-i-Hamadan est l’un des plus anciens sanctuaires soufis du Cachemire et c’est aussi un vrai petit bijou !
La mosquée présente de remarquables panneaux intérieurs sculptés dans le bois et réalisés par les meilleurs artisans du Cachemire selon des techniques ancestrales.
Elle a été construite en 1395 par Mir Sayyid Mohammad Hamdaani, en hommage à son père Hamdani (Shah Hamdan). Le feu l’a détruite plusieurs fois et, en conséquence, une grande partie de la structure actuelle date du 18e siècle.
Shah-e-Hamdan était un poète soufi persan, un érudit musulman de premier plan et un réformateur social. En plus d’être un prédicateur, il était un homme de lettres et a écrit des centaines de brochures en arabe. Son plus fameux livre, Zakhirat-ul-Maluk, explique les règles de bonne gouvernance d’un pays.
Les touristes (non-musulmans) peuvent accéder à la cour et faire le tour de la mosquée, mais ne peuvent entrer dans le sanctuaire principal. Vous pourrez toutefois y jeter un coup d’œil par la porte d’entrée.
Un des Imans à l’entrée est très ouvert et cultivé, vous parlerez soufisme et actualités du monde.
Toujours dans la vieille ville, ce tombeau du 15e siècle construit en briques, et couronné de 5 dômes est le dernier lieu de repos de la mère du sultan Zain-Ul-Abidin (1420 à 1470 EC) qui était populairement et respectueusement appelé ‘Bud Shah’ (le Grand Roi) par son peuple en raison de son règne pacifique et juste.
La petite mosquée de Patthar (mosquée de pierre), que j’ai découverte lors de mon tout dernier voyage au Kashmir en 2018, est encore peu visitée. Elle fait pourtant partie intégrale de l’héritage architectural et historique de Srinagar.
Construite en 1623 EC par l’impératrice moghole Nour Jehan, épouse de Jehangir (le 4e empereur moghol), elle présente une architecture très sobre contrastant avec les autres mosquées de Srinagar. Ici pas de toit en pagode, mais neuf mehraabs (arches) sculptées dans une pierre locale grise et des plafonds en alcôves et des niches sur les quatre côtés des piliers de la salle de prière. L’ensemble est élégant et c’est une belle étape lors de votre marche dans la vieille ville.
Situé sur la rive gauche de la rivière Jhelum, le musée Sri Pratap Singh est à ne pas manquer. Je l’ai découvert très récemment et je dois dire que c’est une belle surprise. Il expose de rares artefacts archéologiques (numismatique, armurerie, peintures, textiles, manuscrits perses…) de la région du Jammu – Cachemire.
Il a été ouvert en 1898 par le Maharaja Pratap Singh (d’où son nom), le souverain Dogra du Jammu-et-Cachemire. Le musée qui se trouvait dans la maison d’hôtes d’été du Maharaja a été déplacé en 2017, juste à côté, dans un bâtiment moderne prévu pour être résistant au feu et aux tremblements de terre.
Après avoir visité le musée, prenez, juste en face, le pont piétonnier Lal Mandi et promenez-vous sur la Bund Road le long de la rivière Jhelum où de vieilles péniches sont amarrées jusqu’au Polo view market avec ses boutiques chics puis déambulez dans le marché animé de Lal Chowk bordé de vendeurs en tout genre.
En remontant plus au nord à 4 km du Lal Chowk, on tombe sur sanctuaire hautement vénéré qui est également connu comme ziyarat ou « visite pieuse ». On dit que le poil de la barbe du prophète Mohammed aurait été gardé un temps dans ce sanctuaire avant d’être envoyé à la mosquée Hazratbal.
Construit au 17e siècle par l’empereur Shah Jahan, il est dédié au mystique Khwaja Syed Bha-u-Deen Naqshbandm, bien que ce dernier ne l’ait jamais visité. Un de ses descendants repose ici.
Naqshband possède une architecture de style pagode avec des plafonds coniques et des panneaux en bois finement sculptés dans le style Pinjra-kari (treillis en bois). L’édifice a aussi la particularité d’alterner des couches de bois et de briques qui permet de réduire l’impact des catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre.
Dressé sur le sommet de la colline Shankaracharya qui surplombe le lac dal, ce très ancien temple hindou à l’architecture particulière est dédié à Shiva sous la forme d’un Lingam qui a été placé au 19e siècle pendant la période sikhe.
Bien que sa structure actuelle ait probablement été construite au 9e siècle ap. J.-C., le temple remonterait à 200 ans avant J.-C. ; les Perses et les juifs l’auraient appelé « sulaiman Bagh-i » ou « le jardin du roi Salomon ».
Ce sanctuaire aurait été visité par Adi Shankara, un philosophe et théologien du 8e de notre ère révéré comme un saint. Le temple a depuis été associé avec lui ; de là vient son nom de ‘Shankaracharya’.
Shankaracharya est aussi vénéré par les bouddhistes, car certains historiens affirment que ce temple était consacré à la foi bouddhiste sous le règne du roi Ashoka et a ensuite été transformé en sanctuaire hindou par Adi Shankaracharya.
Hari Parbat, connu localement comme Koh-e-Maran ou Sharika Peeth pour les hindous, est une autre colline surplombant Srinagar. A son sommet, visible depuis Srinagar, se dresse le fort Durrani.
Les premières fortifications sur le site ont été posées par l’empereur moghol Akbar en 1590. Il a commencé la construction du mur extérieur du fort, et avait prévu de fonder une nouvelle capitale appelée Nager Nagor à l’intérieur de cette enceinte, mais ce projet ne fut jamais achevé.
Le fort actuel a été construit en 1808 sous le règne du Shah Shuja Durrani. Occupé par l’armée, il est depuis rouvert au public depuis quelques années seulement.
Hormis son fort, la colline est considérée comme sacrée par les hindous du Cachemire en raison de la présence, sur la face ouest de la colline, d’un temple dédié à la déesse Jagadamba Sharika Bhagawati (aspect de Durga) qui est représentée avec 18 bras. La légende raconte que Hari Parbat est l’île sur laquelle la déesse Jagadamba Sharika et le dieu Vishnou vainquirent Jalodabhava, le démon du lac du Cachemire.
Hari Parbat a aussi une importance toute particulière pour les sikhs. Sur la face sud des remparts se trouve un des plus importants Gurudwaras (lieu de culte sikh) du Cachemire. On croit que le sixième guru du sikhisme, Guru Har Gobind, y est séjourné pendant quelques jours imprégnant le lieu de sa sainte présence.
En contrebas, à mi-flanc de colline se niche le très vénéré sanctuaire de Hamza Makhdoom dédié à Makhdoom Sahib, également appelé Sultan Hazrat, un grand saint soufi. Cette structure à double étage est visitée non seulement par les musulmans mais aussi par des personnes de toutes confessions confondues.
Pari Mahal ou « la demeure des Fées » est un jardin en terrasse situé au sommet de la chaîne montagneuse Zabarwan offrant une vue panoramique sur le lac et Srinagar.
Bâti sous le règne de l’empereur moghol Shah Jahan, il a été également utilisé comme un observatoire pour enseigner l’astrologie et l’astronomie
Situé sur les rives du fleuve Jelum, à 30 km de Srinagar, ce très ancien temple hindou, dédié à Vishnou, fut construit par le roi Avantirvarnam à la fin du 9e siècle de notre ère.
Il est maintenant en ruine, mais garde encore quelques belles fresques représentant différents dieux hindous, des apsaras (demi-déesses) et des colonnades de style grec qui méritent le coup d’œil.
Il est construit en Pancayatana, c’est-à-dire doté d’un sanctuaire central entouré de quatre autels subsidiaires. On pense que les quatre petits sanctuaires étaient consacrés à Samkarshana, Aniruddha, Pradyumna et Vasudeva – des avatars du dieu Vishnou – et l’image principale centrale représentait Chatur vyuha une des formes du dieu Vishnou.
Majestueux, merci pour ce partage
Merci ! 🙂
J’aurais dû regarder ce documentaire en lisant mon livre : le châle de Cashmere
Haha oui 😉